MICHEL BREZIN

Thème : HISTOIRE ET GEOGRAPHIE                                                                                                                                  Mardi 16 Décembre 2008

Michel Brézin

Par Yves Bodin – Président du CDI

Michel Brézin, dont le portrait figure aux côtés de ceux de Saint Vincent de Paul et de Nicolas Beaujon dans le bureau du directeur de l’Assistance Publique de Paris, est né en 1758, sous Louis XV, à une époque où subsistaient trois castes dans la société française : les nobles, les roturiers et le clergé. Le monde des corporations, ce système qui a permis « l’échelle sociale » – car, de manœuvre on pouvait devenir compagnon puis maître – est, en ce milieu du XVIIIe siècle, dévoyé. Les corporations se sont groupées en métiers, formant des monopoles, et, parallèlement, les maîtres ont pris l’habitude de céder leur emploi à leur fils ou moyennant finances.

Ce siècle, dit des Lumières, est ponctué d’avancées technologiques et la France est secouée par des révoltes d’ouvriers contre les machines qui pourraient leur faire perdre leur travail. Ainsi, pour la fabrication de la monnaie, ils ont réussi à empêcher que l’emploi de la force hydraulique suppléé la force manuelle. A la suite de la féodalité, il y avait de nombreuses fabriques de monnaie qui ne faisaient pas des pièces identiques, ni en poids ni en valeur de métal. Colbert a réussi à réduire ce nombre à vingt fabriques dans tout le pays et de les rattacher à une « chambre des monnaies ».

Un fidèle de Napoléon Bonaparte

Denis Brézin, le père de Michel, était serrurier-mécanicien chef à l’Hôtel de la monnaie de Paris, ce qui revient à dire qu’il était le patron de la technique de fabrication. Sans être propriétaire de sa charge, il était propriétaire de son outillage. En 1765, à l’âge de sept ans, Michel Brézin est envoyé au travail à l’hôtel de la monnaie. Son père lui fait apprendre le dessin industriel et Michel apprend, en cachette avec un camarade, à lire et à écrire. Il manifeste un caractère assidu et inventif mais, très vite, ses idées ne plaisent pas à son père. Ils se brouillent et, à dix-sept ans, le jeune homme décide de faire le tour de la France. A Bordeaux, où il vit cinq ans, il rencontre un oncle Michel Larivière qui lui fait avoir un emploi à l’Hôtel de la monnaie de Bordeaux où il fait preuve d’esprit d’entreprise. Son père, qui a eu vent des bons résultats de son fils, se réconcilie avec lui et lui propose de lui succéder. A vingt-trois ans, il devient serrurier-chef à l’Hôtel de la monnaie de Paris.

En 1791, période troublée, la monnaie métallique s’est raréfiée. L’Assemblée décide par décret de fondre les cloches de Notre-Dame pour en faire de la monnaie. Brézin se soumet à l’adjudication et fabrique les grandes plaques de cuivre pour faire cent millions de pièces. Après ce coup d’éclat, il se lasse de l’Hôtel de la monnaie dont l’état se dégrade progressivement et choisit de se lancer dans la fonderie. Après les cloches de Notre-Dame, il fond des canons pour l’armée française, alors engagée sur plusieurs fronts. Il se trouve que ses canons sont plutôt meilleurs que ceux des autres. Les commandes se multiplient, et il doit installer une deuxième fonderie. Signe de reconnaissance, Bonaparte, premier Consul, le nomme en 1796 directeur de l’arsenal. Brézin lui restera fidèle et continuera à  fournir des canons à l’armée française quasiment jusqu’à la fin de l’Empire.

Entre-temps, Brézin avait acquis une forge en Normandie et devint maître de forge. Certains pensent qu’il a fait de bonnes affaires, qu’il spécule, mais il est certain qu’il aurait franchi les plus hauts échelons de la société à l’instar des maréchaux d’Empire s’il n’avait pas été inculte. Il déchiffre plus qu’il ne sait lire et il écrit très mal. On ne sait pas grand-chose de sa vie privée, hormis qu’il a une épouse, pas d’enfant, qu’il réside à Paris et qu’il possède une maison de campagne à Garches, à Petit-l’Etang. Cette propriété importante est située sur dix-huit hectares de terrain cultivés. Quand l’empereur abdique en 1815, Brézin décide de prendre sa retraite. Sa fortune est énorme, il a dix-huit maisons à Paris, six propriétés en dehors de Paris, une forge en Normandie, des fonds et des placements en rente d’Etat.

Un  testament contesté

Il meurt le 21 janvier 1828 et est inhumé au Père-Lachaise. Dans son testament, commencé le 8 novembre 1827 et terminé dix jours avant sa mort, Michel Brézin s’intéresse à sa sépulture et à ses obsèques (un cortège de cinquante pauvres habillés de pied en cape aux frais de la succession), accorde des rentes à ses sœurs et neveux, prend des dispositions pour ses compagnons et employés et, surtout, institue l’Hospice de la Reconnaissance, « élevé pour la retraite des pauvres ouvriers âgés ». Il espérait le faire de son vivant mais n’avait pas pu trouver le terrain convenable. Dans un premier jet, il lègue une rente de 50 000 francs aux Hospices de Paris puis il se ravise, écrit que sa propriété de Petit-l’Etang est l’endroit le plus propice pour accueillir son projet et décide de donner cette propriété aux Hospices de Paris (l’ancêtre de l’Assistance Publique).

Il nomme donc les Hospices de Paris légataire universel de tous ses biens, à charge de réaliser cet hospice et d’exécuter diverses autres dispositions. Il indique qu’il faut faire une maison avec des dortoirs spacieux, que pour être admis il faut avoir au minimum soixante ans, avoir été ouvrier dans les industries de forge, être indigent et de bonne vie et mœurs. Les conditions de vie des personnes retraitées étaient à cette époque effroyables. La Révolution avait supprimé les octrois à l’église, qui servaient pour l’hospitalisation. Il ne restait plus que des asiles dans lesquels, dans une grande promiscuité, se trouvaient les ouvriers retraités sans fortune, les prostituées, les nouveau-nés.

Le testament de Brézin compte quatre-vingt-huit dispositions, dix-sept sont relatives à la construction de l’hospice, les autres concernent les proches. Vingt-trois personnes bénéficient de ces legs particuliers, en rentes incessibles et intransmissibles qui prendront fin à la mort du bénéficiaire. Mais les proches de Michel Brézin, déçus sans doute de ne pas toucher l’ensemble de la fortune, contestent le testament et demandent à Charles X de réduire à leur profit le legs consenti à l’Assistance Publique. Le roi accorde 100 000 francs à chacune des trois branches de la famille de Brézin et donne à l’Assistance Publique le droit d’accepter le legs. Un autre litige éclate ensuite à la demande des Hospices de Paris pour tenter de revenir aux premières dispositions, ce qui leur sera refusé.

L’hospice de la Reconnaissance

Le 4 novembre 1833, une commission est constituée pour s’occuper de la mise en place de l’hospice et faire une liste des personnes admissibles. Les travaux des quatre pavillons ne commencent qu’en 1836 et durent deux ans. En 1837, soixante-dix vieillards sont reçus et sont provisoirement installés dans le logement de Brézin, qui n’est pas encore démoli. A la fin de 1840, on compte deux cent cinquante personnes puis, à partir de 1843, l’effectif complet de trois cents pensionnaires. L’hospice est pourvu de personnel administratif, d’un aumônier (l’hospice abrite aussi une magnifique chapelle), d’un médecin et de religieuses pour assurer les soins. Les pensionnaires peuvent sortir pendant la journée et se voient attribuer un lopin de terre qu’ils peuvent cultiver. Les capacités de l’hospice ont été accrues par un certain nombre de legs, qui ont donné lieu à deux nouveaux bâtiments à al fin du XIXe siècle.

L’hospice de la Reconnaissance subsistera jusqu’en 1954, date à laquelle il est intégré à l’hôpital Poincaré. Plusieurs événements ont marqué son existence. En 1866, les pensionnaires ouvrent une souscription pour ériger un buste à la mémoire de Brézin. A la fin de la guerre de 1870,  les lieux doivent être évacués sur ordre de l’armée allemande, qui installe sur le haut de la propriété vingt pièces de canons,  ainsi que des tranchées et des meurtrières. Il faut attendre mai 1871 pour que les pensionnaires regagnent l’hospice. Plus tard, (septembre), l’Assistance Publique décide d’occuper l’espace restant disponible sur les dix-huit hectares de la propriété (les bâtiments ne couvrent alors qu’un hectare environ) pour soigner les nombreux malades chroniques. C’est ainsi qu’est construit l’hôpital Raymond-Poincaré sur les terrains de l’hospice Brézin. L’hôpital est inauguré le 14 décembre 1936.

Pendant la guerre 1940-1945, cet hôpital tout neuf est occupé par l’armée allemande mais qui curieusement laisse libre l’hospice de la Reconnaissance qui subsiste mais dont le nombre de pensionnaires ne cesse de décroître. Il demeure ainsi jusqu’en 1954, où il disparaît définitivement, ses constructions étant intégralement absorbées par l’hôpital.

Récemment, l’Assistance Publique a choisi de restaurer les bâtiments de Brézin, qui sont aujourd’hui magnifiques. Les bâtiments ont aussi un intérêt historique parce qu’ils sont désormais classés. Garches peut s’honorer d’avoir en son sein un établissement de cette qualité architecturale ainsi qu’un hôpital de cette qualité thérapeutique.

En savoir plus …

Coté Web :

http://www.appl-lachaise.net/appl/article.php3?id_article=1577

http://chateau.rochefort.free.fr/patrimoine/hauts-de-seine/fiche.php?i=92033&m=11

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