LES ELECTIONS DANS LA ROME ANTIQUE

Thème : HISTOIRE ET GEOGRAPHIE                                                                                                                                               Mardi 7 Octobre 2008

Les élections dans la Rome antique

Par Bérangère Fortuner – Docteur en archéologie romaine

L’empire Romain a duré du 8e av JC (-754) à 475 de notre ère. Au cours de cette longue période, plusieurs systèmes politiques se sont succédé. Après la royauté et la révolte contre les rois étrusques, chassés en 509 av JC, Rome mit en place un système républicain qui fut suivi, de 27  av. J.-C. à 475 par l’Empire.

Durant la République (509-27 av. J.-C.) les citoyens romains réunis en assemblées –les comices – votent les lois et élisent les magistrats qui représentent le pouvoir exécutif. Le Sénat dont le nom est dérivé de seniores (les anciens) est une assemblée aristocratique qui contrôle le travail des magistrats.

« A considérer le travail des consuls, il semblait qu’il y eut une monarchie, celle du Sénat annonçait une aristocratie ; en voyant la puissance du peuple on croyait fermement avoir sous les yeux un état démocratique » selon la belle analyse de Polybe au IIe siècle av. J.-C.

Le système électoral mis en place pendant la République permettait d’élire les magistrats, les représentants des assemblées du peuple. Le Sénat représentait la classe aristocratique : au départ, seuls les anciens magistrats pouvaient être élus sénateur, puis le Sénat a peu à peu intégré des personnalités de villes lointaines. Le peuple était réuni dans trois assemblées, selon différents critères : l’une où tous citoyens étaient mélangés, une autre assemblée où la répartition se faisait en fonction de la fortune et une dernière où les gens étaient réunis en fonction de leur tribu (en fait, de leur lieu d’habitation). Ces assemblées élisaient les magistrats qui dirigeaient le pays, sous le contrôle de la chambre haute, le Sénat. Les magistrats étaient élus selon le cursus honorum (selon leur âge) : il fallait avoir au minimum 42 ans pour être consul, le plus haut niveau de la magistrature. Un magistrat n’était élu que pour un an, pour éviter tout rapprochement avec la royauté car on ne voulait pas qu’un magistrat puisse s’installer dans sa fonction. Au bout de six mois, on élisait son successeur car c’est ce dernier qui allait devoir mettre en œuvre les décisions prises. Du reste, il n’y avait pas un mais deux consuls. Ce principe de collégialité faisait qu’on trouvait toujours deux consuls et leurs deux successeurs. Au départ, quand Rome n’était encore qu’une petite ville, ce système fonctionnait parfaitement.

Une procédure électorale très rigoureuse

Ce sont les citoyens romains qui élisaient leurs représentants. Dans la classe sociale, il existait aussi les esclaves qui, s’ils devenaient affranchis, étaient automatiquement inscrits sur les listes électorales de la tribu de leur maître. Rome, très vite, étendit ses frontières. Au 1er siècle avant JC, des cités conquises se révoltèrent car elles n’avaient pas le droit de vote, réussissant même à couper Rome de l’Adriatique. En retour, Rome accepta que ces villes puissent entrer dans son giron et que leurs habitants aient le droit de vote.

La procédure électorale faisait l’objet d’une organisation très précise. Les futurs candidats devaient faire acte de présentation – la profesio – vingt-sept jours avant l’élection. Les magistrats en place devaient s’assurer que les candidats aient toutes les qualités requises (être citoyen, respecter les conditions d’âge, de fortune…). Pour être élu, le candidat devait être réellement présent à Rome. Jules César a été obligé de reporter une cérémonie du triomphe pour se présenter devant les électeurs. Les très rares dérogations à ce principe l’ont été quand le candidat était absent de Rome pour cause de guerre. Autre principe intangible : le candidat devait faire campagne lui-même, et il devait connaître et reconnaître ses électeurs quand il discutaient avec eux, sous peine d’être très mal vu de la population.

Les électorales changèrent complètement dans le 1er siècle avant JC. Carthage détruite, Rome s’installa en Afrique, ce qui bouleversa profondément la société romaine. Les guerres étant de plus en plus longues, les citoyens soldats partaient plus longtemps et ne pouvaient plus s’occuper de leurs terres ni de leurs récoltes. Nombre de familles ruinées arrivèrent en ville, ce qui provoqua des problèmes politiques et économiques importants. Les élections prirent alors un tour différent. A partir du milieu du IIe siècle ap. J.-C. les conquêtes et en particulier la victoire sur Carthage provoquent une crise politique : (le système républicain mis en place pour une cité ne pouvait plus s’appliquer à d’aussi vastes territoires) et sociale (les citoyens romains, devenus soldats ne peuvent plus cultiver leur terre et des familles ruinées viennent grossir le prolétariat urbain). Les campagnes électorales deviennent particulièrement rudes. Dans une lettre, le frère de Cicéron lui donne un certain nombre de conseils pour être élu : en pleine tourmente on ne se fait pas de cadeaux, il faut se rappeler au bon souvenir de tous ceux qu’on a aidés, les interpeller, les presser, pour obtenir leur soutien. Tous les moyens étaient bons pour être élu, comme l’organisation de grands banquets ou de jeux de gladiateurs en période électorale pour se faire bien voir de la population. Evidemment, tout cela coûtait très cher. Pour financer ces campagnes électorales, certains candidats se faisaient envoyer dans une province de l’Empire qu’ils mettaient sous coupe réglée pour en soutirer un maximum d’argent.

Avant que l’élection ne se déroule, il fallait savoir si les dieux voulaient bien que l’élection se tienne. Une cérémonie des auspices se déroulait au templum – l’espace réservé aux dieux – et l’on étudiait ensuite le vol des oiseaux. Les augures indiquaient quelle serait la date du vote. Le jour dit, le peuple était rassemblé sur le Champ de Mars. Au départ, le vote était oral. Les électeurs avançaient en colonne, montaient sur la tribune et annonçaient leur vote au magistrat. Mais très vite, les Romains se sont rendus compte qu’il valait mieux que le vote soit secret. Une urne fut donc installée, et les citoyens inscrivaient le nom du candidat de leur choix (ce qui prouve que les Romains savaient lire et écrire). Si le vote n’était pas terminé à la fin de la journée, toute la procédure était annulée car les augures n’avaient été pris que pour une journée particulière. Ce système électoral se poursuivra jusqu’en 27 av JC.

La démocratie persiste sous l’Empire

Le premier siècle av JC fut une période noire pour Rome, troublée par de nombreuses guerres civiles. Un homme réussit à apaiser ces conflits et à instaurer un nouveau système : Octave,  le premier Empereur. Fils adoptif de Jules César, il n’avait que dix-huit ans quand il décida de se lancer à la conquête du pouvoir. Après s’être opposé par les armes à Brutus, Marc-Antoine et Cléopâtre, il instaura un nouveau système politique, l’Empire, ou plutôt le Principat (le « Premier »). Il reçut le titre d’Auguste car il commençait tout ce qu’il entreprenait avec l’assentiment des dieux. L’empereur se devait d’être vertueux (avoir la virtus) et juste. Bénis des dieux et marqués par la providence, tous les empereurs qui lui succédèrent se devaient d’apporter la paix au peuple.

Dès lors, les élections générales à Rome perdirent de leur importance, mais elles restaient indispensables dans les autres cités de l’Empire. Au cours des siècles, Rome su très bien  gérer ses conquêtes, en intégrant ces étrangers dans sa population et en les faisant citoyens romains (sans que cela fût automatique). Les cités étaient comme de petites Républiques, dont la population élisait le conseil municipal. A Pompéi, on a retrouvé de nombreux témoignages de la vivacité politique, avec notamment des inscriptions sur les murs des habitations affirmant le soutien du propriétaire à tel ou tel candidat. Les femmes, bien que ne pouvant voter et en étant inéligibles, s’engageaient elles aussi.

La démocratie romaine, qui s’est manifestée pendant des centaines d’années, était bien plus vivante et ouverte que la démocratie grecque, qui elle n’a jamais accepté le vote des « métèques » (étrangers).

En savoir plus …

Coté livres :

  • Poche: 208 pages

  • Editeur : Gallimard (16 mai 1989)

  • Collection : Découvertes Gallimard – Archéologie

  • Langue : Français

ISBN-10: 2070530736

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Dictateur_(Rome_antique)

http://www.truveo.com/Amour-et-violence-dans-la-Rome-antique/id/2320940696

http://jerhai.free.fr/index.html

http://www.mediterranee-antique.info/Rome/Accueil_Rome.htm

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