LA HANSE – Une préfiguration nordique de l’Europe ?

Thème : HISTOIRE ET GEOGRAPHIE                                                                                                                                              Mardi 1 février  2005

La Hanse, une préfiguration nordique de l’Europe ?

Par Madame Pelus-Kaplan, Professeur à l’université Paris VII

La Hanse est redevenue un sujet qui intéresse suite à l’adhésion à l’Union Européenne de pays de l’est (Pays Baltes, Pologne…) qui participaient voilà plusieurs siècles à la Hanse teutonique. Si certaines villes allemandes se réclament de leur appartenance hanséatique passée (Lübeck, Rostock…), cette évocation est beaucoup moins prononcée dans les villes non-allemandes. La Hanse a un double visage : une face allemande et une face cosmopolite. Deux grands courants s’opposent. Pour certains penseurs qui insistent sur sa germanité, la Hanse est la façade maritime de l’Allemagne. D’autres, comme Thomas Mann, insistent sur l’aspect cosmopolite et humaniste de la Hanse.

Qu’est-ce que la Hanse ?

La Hanse débute, au XIIe siècle, comme une association de commerçants fréquentant l’île de Gotland, à l’est de la Suède, alors un point de passage obligé vers les pays de la Baltique. Aux XIIe et XIIIe siècles se déroule une germanisation progressive de la Baltique, plusieurs villes passent sous droit allemand.

Le réseau des villes hanséatiques a une forme de demi-croissant qui regroupe de nombreuses villes allemandes et qui longe la mer Baltique jusqu’aux actuels pays baltes (Riga, Vilnius…) Bien que différentes, ces villes avaient en commun leur homogénéité ethnique. Pour autant, les autorités de la Hanse n’ont jamais défini quelles villes faisaient partie du réseau. Environ 70 villes participaient aux diètes mais, si l’on compte les villes dont les bourgeois participaient au réseau commercial, alors on atteint environ 200 villes hanséatiques. Bien que très diverses, ces villes avaient en commun une grande indépendance économique et politique. Elles étaient dirigées par un Sénat et dominées par une oligarchie marchande. Les fondateurs de ces villes hanséatiques avaient comme but primordial de développer le commerce en contrôlant les points de passage, en contrôlant le débouché des grands fleuves et les grands axes fluviaux.

La Hanse fonctionnait comme une confédération de villes plurinationales dans un espace pluriconfessionnel (catholiques, luthériens, calvinistes). Dès le XIIIe siècle, les marchands hanséatiques s’implantent à Bergen (Norvège), à Bruges (Flandres), Londres (Angleterre) et Novgorod (Ukraine actuelle) où ils ouvrent des comptoirs. Au XIVe, les Osterlins (Allemands du Nord) nouent des liens avec l’Allemagne du Sud, l’Italie, la Slovaquie, la Hongrie et vont jusqu’à la mer Noire. Les navires de la Hanse atteignent les côtes atlantiques et commercent en France, en Espagne et au Portugal. Au XVe siècle, ils se rendent jusqu’en Islande. Au siècle suivant, ils franchissent le détroit de Gibraltar et se rendent en Méditerranée Orientale.

Les raisons du succès de la Hanse sont nombreuses. Les commerçants de la Hanse bénéficiaient de privilèges dans les comptoirs et dans les ports hanséatiques qui étaient très bien équipés. Les marchands bénéficiaient également de privilèges juridiques et commerciaux à l’étranger, surtout en Angleterre où leur poids économique est considérable. A ce propos, le terme « livre sterling » provient du mot « osterlin ». D’autre part, on circule sans arrêt au sein de la Hanse, c’est la grande force de ces réseaux commerciaux.

Certaines villes forment des ligues urbaines afin de protéger les privilèges de leurs marchands par le biais de blocus ou d’actions militaires. En 1367, à Cologne, est créée une grande ligue politico-militaire qui remporte, trois ans plus tard, une victoire sur les troupes danoises. Mais les ligues ont toujours été limitées dans le temps et l’espace.

La Hanse a fonctionné dans le flou juridique le plus complet. Contrairement à la CEE, il n’y avait pas d’équivalent du traité de Rome. La Hanse se définit par la puissance commune de privilèges à l’étranger.

La Hanse disparaît sans le savoir

Le déclin de la Hanse débute au XVIe siècle. Les dissensions entre villes ayant des intérêts divergents s’accroissent. Les souverains des États nations cherchent à réduire les privilèges des commerçants hanséatiques. De plus, les marchands hollandais surclassent les commerçants de la Hanse dans la mer Baltique, comme l’attestent les registres de passage du détroit entre la Suède et le Danemark. Pourtant, si cette puissance semble dépassée sur le plan économique (par les Hollandais) et sur le domaine politique (les États nations suppléent les villes), les richesses des marchands hanséatiques continuent à s’accroître. Ils pénètrent en Méditerranée et fournissent en grain les régions touchées par la famine.

Au XVIe siècle également, la Hanse se structure. En 1554, les villes décident d’une contribution commune. En 1556, un syndic est créé suivi, en 1557, d’une constitution. Les diètes se font plus fréquentes. Des consulats sont ouverts à l’étranger. Le XVIIe siècle sera marqué par une baisse des conflits entre les villes. Pendant la guerre de Trente ans, les villes maintiennent leurs réseaux commerciaux et restent prospères. Hambourg atteint 75 000 habitants, Dantzig 100 000 et Lübeck atteint son apogée avec 31 000 habitants. Durant les différents conflits, la Hanse a toujours misé sur la neutralité.

La diète de 1669 qui prévoit une grande réorganisation sera, en fait, l’ultime. Aucune autre diète ne fut organisée. La Hanse est morte sans le savoir. Elle restera artificiellement « vivante » par le biais de l’association des trois villes (Lübeck, Hambourg et Dantzig) qui continuent, dans les différents traités, à parler au nom de la Hanse. Cette association des trois villes perdurera jusqu’au XXe siècle et l’avènement des nazis qui mettront un terme à leurs privilèges.

L’unité de la civilisation urbaine de l’Europe de la Hanse

La Hanse fournit une culture urbaine originale dont le modèle est Lübeck. Cette ville, encerclée par des bras d’eau, bénéficie d’un urbanisme régulier où l’artisanat est prospère. L’architecture gothique est très prégnante. Elle s’affiche à l’intérieur des églises et de la cathédrale mais aussi sur les édifices privés et sur les demeures qui affichent leur fronton gothique en escalier.

Dantzig est l’exemple d’une ville qui a évolué de façon différente de celle de Lübeck. Sa richesse et sa grandeur sont symbolisées par la tour immense de son hôtel de ville gothique, érigée au XIVe siècle. Contrairement à Lübeck, Dantzig est une ville cosmopolite qui s’est ouverte à l’extérieur (Anglais, Écossais, Arméniens…) et surtout aux Hollandais. Leur présence a fortement influencé ( ?) l’architecture et les arts. Dantzig incarne les vertus cosmopolites et de l’esprit européen de la Hanse.

En savoir plus …

Coté Livres :

Des marchands de la Hanse aux banquiers Médicis de Bruges
A. Vandewalle
Exhibitions International, 2002
ISBN : 9058560589

L’Europe de la Mer du Nord et de la mer Baltique : le monde la Hanse
D. Haenens
Albin Michel; 1992
ISBN : 2226021671

Coté Web :

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-30756

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hanse

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