DE YALTA A BUDAPEST – Les relations internationales de 1945 à 1956

Thème : HISTOIRE ET GEOGRAPHIE                                                                                                                                               Mardi 13 Mars 2007

De Yalta à Budapest – Les relations internationales de 1945 à 1956

Par Jean-Jacques Tur – Agrégé d’histoire géographie, géopolitologue

1945 est l’une des années les plus importantes du XXe siècle : fin de la Seconde Guerre Mondiale, destruction du nazisme, explosion de la première bombe nucléaire et création de l’ONU. Après une brève période de transition, la guerre froide entre les grands deux blocs débute en 1947. Celle-ci durera jusqu’en 1991, année de l’effondrement de l’Union Soviétique, mais avait atteint son paroxysme dans la période 1947-1953. La mort de Staline permet l’amorce d’un dégel sous les années Khrouchtchev.

Du début de la guerre froide au dégel

Dès 1945-46 on assiste à l’émergence du bloc soviétique dans les pays où stationne l’Armée rouge. Les frontières de la Pologne sont modifiées pour accroître son accès à la mer, les pays Baltes sont annexés, les Balkans (hormis la Grèce) basculent à leur tour… On dit souvent que les trois « grands » se sont partagés le monde à Yalta. C’est faux. Le partage n’interviendra de facto que deux ans plus tard, lors de la guerre  froide. A Yalta, les alliés se mettent d’accord pour séparer l’Allemagne, bientôt vaincue, en quatre zones d’occupation, Berlin constituant une enclave en zone « soviétique ». Grâce aux efforts de Churchill, les Français, absents de la conférence, obtiennent une zone. Ce même Churchill, en 1946 à Fulton (USA), allait mettre en garde le monde occidental contre les dangers de l’URSS et dénonçant le « rideau de fer » qui s’est abattu sur l’Europe de l’est.

1947 marque un tournant décisif. En mars, le président Truman élabore la doctrine du « containment », d’endiguement du communisme. Tous les pays ayant besoin d’aides financières des Etats-Unis pour éviter de tomber dans le camp de l’URSS recevront des financements. Le secrétaire d’Etat George Marshall élabore un mode d’action, un plan de reconstruction de l’Europe. En réponse, Andrei Jdanov, bras droit de Staline, jette les bases de la politique soviétique de la guerre froide. Lors de la conférence fondatrice du Kominform (qui doit coordonner les différents partis communistes d’Europe), il déclare que le monde est séparé en deux camps : le camp « impérialiste et antidémocratique » américain et le camp « anti-impérialiste et démocratique » soviétique.

La guerre froide connaît son paroxysme entre 1947 et 1953, sans déboucher pour autant sur un conflit frontal entre les deux blocs. Début 1948, les communistes s’emparent du pouvoir en Tchécoslovaquie à l’occasion du « coup de Prague ». En juin 1948 débute le blocus de Berlin-ouest. Staline décide de bloquer les routes, canaux et voies ferrées qui relient Berlin-ouest aux zones sous contrôle occidental. Les Américains mettent en place un pont aérien qui durera onze mois, jusqu’à ce que Staline reconnaisse son échec.

La guerre froide se déplace en Asie. Après vingt ans de guerre civile, Mao Tsé-toung prend le pouvoir. Le 1er octobre 1949, la République Populaire de Chine est proclamée. Quelques mois plus tard débute la guerre de Corée. Ce conflit est le premier des trois événements (avec la crise des missiles cubains en 1962 et celle des euromissiles dans les années 80) à avoir mis le monde au bord d’une guerre nucléaire.

Vingt événements qui ont marqué cette période

Les conférences de Yalta et Potsdam. En 1945, les dirigeants alliés se réunissent lors de deux conférences. La première, qui réunit Roosevelt, Churchill et Staline, est organisée du 4 au 11 février à Yalta (Iran). On y décide que l’Allemagne sera partagée en zones d’occupation, dénazifiée et décartelisée. En juillet, quand s’ouvre la conférence de Potsdam, la guerre avec l’Allemagne est terminée, mais se poursuit contre le Japon. Harry Truman a succédé à Roosevelt, décédé en avril, et Churchill, qui vient de perdre les élections, a laissé sa place à Clement Attlee. Contrairement à Yalta, où l’ambiance était enthousiaste, cette fois c’est la désillusion qui domine. L’alliance s’effrite et les antagonismes se font jour.

La fondation de l’ONU. La charte des Nations Unies, qui entre en vigueur le 24 octobre 1945, prévoit la création d’une organisation internationale à la place de la Société des Nations (SDN). Les Nations Unies regroupe aujourd’hui l’ONU (où siègent les Etats) et d’autres institutions spécialisées (Unesco, Unicef, OMS, OMC). Les trois organes principaux de l’ONU sont les suivants : l’assemblée générale (qui est un forum de discussions entre Etats), le conseil de sécurité (qui vote les résolutions et dont les cinq membres permanents ont un droit de veto) et le secrétariat général (dont le patron actuel  est le Coréen Ban Ki-moon, qui a succédé à Kofi Annan).

Les accords de Bretton Woods. Lors de l’adoption de ces accords monétaires, le projet de l’Américain Harry White est préféré à celui du Britannique John Maynard Keynes qui souhaitait la création d’une monnaie mondiale. Ces accords décident d’une parité fixe entre l’or et le dollar. La monnaie américaine devient donc une monnaie étalon.

Hiroshima et Nagasaki. En août 1945, afin de contraindre le Japon à capituler sans conditions, les Etats-Unis lancent deux bombes nucléaires, la première à Hiroshima (le 6), la seconde à Nagasaki (le 9). Au total, Little Boy et Fat Man ont provoqué la mort de plus de 300 000 personnes. Le choix de la date des attaques ne s’est pas dû au hasard. En vertu des accords de Yalta, l’URSS s’était engagée en entrer en guerre contre le Japon trois mois après la capitulation de l’Allemagne, un engagement réaffirmé à Potsdam, soit le 8 août. Truman ne souhaite pas avoir à négocier avec l’URSS pour le partage du Japon. Il faut donc provoquer une capitulation rapide. Le monde découvre les effets d’une guerre nucléaire et le monde entre dans une période d’équilibre de la terreur.

Le procès de Nuremberg. Suite à la décision de dénazifier l’Allemagne, les principaux chefs nazis (hormis Hitler et Himmler qui se sont suicidés) sont jugés pour crimes contre l’humanité. Au terme d’un an de débats, le procès de Nuremberg, qui a révélé l’existence de la Shoah au monde entier, aboutit à la condamnation à mort de douze dirigeants, dont Goering et Ribbentrop. Parallèlement, lors de dizaines de « petits » provès, des dizaines de milliers de nazis sont jugés et condamnés.

Le plan Marshall. Les Etats-Unis accordent 13 milliards de dollars en prêts et dons divers au titre de la reconstruction de l’Europe, dont environ 3,25 milliards aux Britanniques, 2,6 aux Français,  1,4 aux Italiens et aux Allemands. Cette aide touche en priorité les secteurs de l’agro-alimentaire (32%), des produits finis et semi-finis,  de la construction (14%) et de l’énergie (16%).

La partition des Indes. La décolonisation de l’Inde est l’œuvre du mahatma (« grande âme ») Gandhi, chantre de la non-violence et de la contestation pacifique,  et du pandit (« érudit ») Nehru, personnage plus politique qui deviendra le premier Premier ministre de l’Inde. Cette partition, acceptée par le gouvernement travailliste britannique, entérine également la création d’un Etat musulman, le Pakistan, qui comprend alors le Bangladesh (qui prendra son indépendance dans les années 70).

Le coup de Prague. Ce terme évoque la prise de contrôle de la Tchécoslovaquie, pays de l’Est le plus démocratique, par le parti communiste. En février 1948, après deux semaines de pression des Soviétiques, le Président de la République Edouard Bénes doit céder le pouvoir aux staliniens et à leur chef, Gottwald. A l’instar du des autres « démocraties populaires », une chape de plomb s’abat pour de longues années sur la Tchécoslovaquie.

La création de l’Etat d’Israël. En novembre 1947, alors que l’idée d’un État-refuge en Terre sainte pour les rescapés de la Shoah s’impose dans l’opinion occidentale, le gouvernement britannique remet le mandat qu’il détenait depuis 1920 sur la Palestine aux Nations unies. La résolution 181 sur le partage de la Palestine est présentée par l’ONU comme solution au conflit entre les Juifs et les Arabes, octroyant au nouvel État juif 56% du territoire entre le Jourdain et la Méditerranée. Le 14 mai 1948, l’État d’Israël est proclamé par David Ben Gourion. Peu après, une coalition de pays arabes attaque le nouvel Etat. Israël gagne cette guerre et annexe des terres dévolues aux arabes.

Le blocus de Berlin. Cette première crise majeure de la guerre froide, qui a duré de juin 1948 à mai 1949, aura pour conséquence de provoquer la création de l’OTAN, vite suivie du Pacte de Varsovie, et la création de deux Etats allemands, la République Fédérale (RFA) à l’ouest et la RDA (République démocratique) à l’est.

Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Principalement rédigé par le Français René Cassin, ce texte adopté par l’ONU le 10 décembre 1948 est fondamental en cela qu’il précise les droits humains fondamentaux.

La prise de pouvoir de Mao en Chine. Après des années de guerre civile contre les troupes nationalistes de Tchang Kaï-chek, Mao Tsé-toung proclame la République Populaire de Chine le 1er octobre 1949. Le pays le plus peuplé au monde devient communiste, ce qui aura d’énormes conséquences géopolitiques pour toute l’Asie du sud-ouest.

Les pères de l’Europe. Le 9 mai 1950, le plan Schuman pour la création d’une Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) est annoncé. La CECA, prémice au traité de Rome instituant la CEE, est effective en 1951. La naissance de l’Europe est due au courage de quelques hommes qui veulent aller au-delà des stigmates de la guerre pour bâtir une paix durable : les Français Robert Schuman et Jean Monnet, le chancelier allemand Konrad Adenauer, l’Italien Alcide de Gasperi et le Belge Paul-Henri Spaak.

La guerre de Corée. Ce conflit, qui a duré de 1950 à 1953, a opposé les forces de la Corée du Nord communiste, soutenues par la République populaire de Chine et l’URSS, et celles de la Corée du Sud, soutenues par les Nations unies (principalement les États-Unis). Après une agression nord-coréenne et la plainte des Etats-Unis qui s’ensuit, l’ONU vote en faveur d’une intervention. Les forces américaines réussissent la contre-attaque et reprennent même Pyongyang. Mais l’intervention des Chinois change à nouveau la donne. Le général MacArthur plaide pour l’utilisation de l’arme atomique, option finalement refusée.

La mort de Staline. Staline meurt le 5 mars 1953 d’une hémorragie cérébrale. Après une longue période de flottement, qui se solde entre autres par l’exécution de Beria, Nikita Khrouchtchev arrive à la tête du pays. En 1956, l’URSS rompt officiellement avec le stalinisme au cours du XXe congrès du Parti communiste de l’Union soviétique.

Dien Bien Phû. La déroute de l’armée française à l’issue de cette bataille terrible qui dura 170 jours dont 57 d’enfer provoqua la fin de la Première guerre d’Indochine sur une victoire de République démocratique du Vietnam, dirigée par le communiste Ho Chi Minh. Suite aux accords de Genève, signés en juillet 1954 par Pierre Mendès-France, la France doit quitter le Tonkin.

La Toussaint rouge. Quelques mois après la défaite en Indochine, la France est à nouveau en proie aux velléités sécessionnistes. Le 1er novembre 1954, une série d’attentats marque le début de ce qu’on appellera « les événements d’Algérie » puis « la guerre d’Algérie ». C’est déjà dans cette même région des Aurès, plus précisément à Sétif, qu’une manifestation indépendantiste fut brutalement réprimée le 8 mai 1945. En 1956, pour rétablir l’ordre, le président du Conseil Guy Mollet envoie le contingent. A l’été de la même année, les chefs du FLN décident que la guerre sera dirigée par les combattants de l’intérieur. Six ans plus tard, l’Algérie devient indépendante et un million d’européens doivent être rapatriés.

La conférence de Bandung. En 1955, des délégations d’une trentaine d’Etats afro-asiatiques qui ne veulent plus s’aligner sur les Etats-Unis ni sur l’URSS décident de donner naissance au Tiers-Monde. La conférence, sous présidence de l’Indonésien Sukarno, regroupe notamment l’Inde, l’Egypte et le Brésil.

La crise de Suez. Le 26 juillet 1956, le président égyptien Nasser annonce la nationalisation du canal de Suez pour financer la construction du barrage d’Assouan. En représailles, les chefs de gouvernement français et britannique (dont dépend la compagnie du canal de Suez) décident, conjointement avec Israël, d’intervenir militairement pour reprendre le canal. Suite aux menaces soviétiques d’attaques atomiques sur Paris et Londres et au mécontentement des Américains, Français et Britanniques doivent se retirer. Le succès militaire initial s’est transformé en fiasco diplomatique. Cette crise démontre à quel point le monde est désormais partagé entre deux « grands » Américains et Soviétiques, les autres pays ne faisant plus que de figuration.

Le drame de Budapest. Concomitamment à la crise de Suez, des événements tragiques frappent la Hongrie. Suite au discours de déstalinisation, certains peuples d’Europe de l’Est espère que cela se traduira par davantage de liberté. En octobre, le peuple de Budapest se soulève. Le dirigeant communiste Imre Nagy se dit prêt à autoriser l’existence d’autres partis et à quitter le pacte de Varsovie. Mais cette insurrection est rapidement réprimée par les chars soviétiques, faisant 13 000 morts en une semaine, dans l’indifférence des gouvernements occidentaux trop occupés par la crise de Suez. La normalisation reprend ses droits.

En savoir plus …

Coté livres :

De Yalta à Budapest : les relations internationales de 1945 à 1956

Auteur : Jean-Jacques Tur
Éditeur : Avrillé

ISBN : 2-904386-34-3

LES RELATIONS INTERNATIONALES DEPUIS 1945

Auteur : Jean-Jacques Tur
Éditeur : Belin

ISBN : 9782701116884

Geographie Humaine Et Economique De La France

Auteur : Jean-Jacques Tur
Éditeur : Ellipses Marketing

ISBN-10: 2729844244

http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/NEUF/product/tur-jean-jacques/geographie-humaine-et-economique-de-la-france,9782729844240.aspx?donnee_appel=123N_TITRE

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Budapest

http://iconotheque-russe.ehess.fr/film/256/

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