LA LOIRE

Thème : Géographie                                                                                                                                                                     MARDI 24 MARS 2009 

LA LOIRE

Par Guy GALLON, Garchois

La Loire Glorieuse

La Loire est une femme. Amoureuse et pâmée,

Mais prompte à s’échapper en des caprices fous,

Sa perfide langueur dort sur les sables roux

Et baise les contours de sa rive charmée.

La Loire est une reine, et les rois l’ont aimée.

Sur ses cheveux d’azur, ils ont posé jaloux,

Des châteaux ciselés ainsi que des bijoux,

Et de ces grands joyaux sa couronne est formée.

Vous passez votre vie, ô peupliers tremblants,

A la voir s’égarer en détours nonchalants,

Muette, énigmatique et souple, et lente, et bleue…

Jules LEMAITRE

Énigmatique, telle est en effet la Loire, qui présente des visages bien différents tout au long de ses 1 013 kilomètres, qui la mènent du Massif Central à l’Océan Atlantique. Simple filet d’eau au mont Gerbier de Jonc, la Loire traverse le Massif Central et les roches granitiques dans un cours vivace aux multiples méandres. Passé Roanne, son cours d’assagit et file de façon rectiligne plein nord. A Nevers, elle est rejointe par l’Allier, qui la fait doubler de taille. Elle continue sa progression vers le nord-ouest jusqu’à Orléans où elle opère une grande courbe vers le sud-ouest, en enserrant la Sologne, puis après Tours reçoit ses affluents venant également du Massif Central, et à Angers la Maine formée de trois rivières provenant du Perche, puis elle atteint son embouchure à Saint-Nazaire.

La Loire est le seul fleuve à ne couler que sur le territoire français, et cela vaut aussi pour tous ses affluents. Son bassin, de 117 000 kilomètres carrés, occupe un cinquième du territoire métropolitain et concerne dix régions. C’est un fleuve irrégulier, qui atteint par moments un niveau très bas (l’étiage) et qui, à d’autres, a connu des crues mémorables. Dès le Moyen-Âge, quantité de villages subissaient les inondations. On construisit des levées pour contenir les eaux, puis des brèches artificielles pour inonder des zones dédiées. Plusieurs barrages ont depuis été installés, notamment à Villerest et à Moissac, mais si ces systèmes ont donné satisfaction pour les bas débits, ils n’ont pas résolu le problème des inondations. Par grand froid, la Loire charrie des glaçons, comme en 1985 ; ils peuvent se souder : la Loire est prise, c’est l’embâcle. En 1789, la fonte des glaces provoqua la chute du pont de Jargeau.

Une grande variété de faune

      On dit de la Loire que c’est un des derniers fleuves sauvages du fait de la richesse de ses milieux naturels et de sa grande variété faunique (brochets, saumons, aloses, truites…). La pollution de ses eaux à Nantes et à Saint-Nazaire, a provoqué la disparition de l’esturgeon. Les aménagements successifs du fleuve ont créé des obstacles à la remontée par les saumons. Au XIXème siècle, le saumon était si abondant que les contrats des mariniers prévoyaient qu’il ne leur serait servi pas plus de trois fois par semaine. Néanmoins, grâce aux efforts conjugués de nombreux acteurs locaux, la migration du saumon devrait être peu à peu facilitée.

L’extraction de sable et de gravier fut longtemps une activité privilégiée dans la Loire car, contrairement à la Seine où l’on ne prélève que dans le lit majeur, il était possible d’extraire directement dans le lit mineur. Au début du XXème siècle, l’extraction s’est mécanisée, puis les dragues flottantes sont apparues, permettant de prélever 10 millions de mètres cube par an. Les conséquences géologiques ont été sérieuses, provoquant l’affaissement du lit du fleuve, ce qui a eu des effets sur la faune. L’extraction dans le lit mineur est désormais interdite.

Un axe commercial majeur

      La Loire est un axe stratégique. Elle relie l’océan et le cœur du territoire, et avec le bassin de la Seine grâce aux canaux construits à partir du XVIIIème siècle, puis plus tard, au bassin de la Saône. Les grands villes qui longent son cours ont un accès quasi direct à la mer car, malgré l’irrégularité du débit, il est possible de remonter de l’océan jusqu’à Roanne.

La Loire a servi aussi bien au transport du vin qu’à celui du sel (de la Bretagne vers les terres intérieures) ou des produits coloniaux (sucre, café, cacao…) qui étaient expédiés de Saint-Nazaire vers l’intérieur. Des bateaux transportant du charbon de Saint-Etienne, de la faïence de Nevers, du bois du Morvan croisaient d’autres bateaux contenant des céréales, des ardoises ou des produits de fonderie du Creusot (accessibles grâce au canal du Centre). Outre le commerce de ville à ville, le fleuve servait au transport de voyageurs.

La grande crainte des bateliers était le manque d’eau. Malgré des bateaux sans quille qui peuvent naviguer dans 65 centimètres d’eau, il fallait souvent arrêter la navigation pendant l’été. Le métier de marinier n’était pas facile (manœuvres risquées, noyades fréquentes, blessures graves…) et exigeait une grande maîtrise du passage des ponts. Les bateaux circulant à plusieurs, les uns derrière les autres, il fallait abaisser les mâts de façon parfaitement synchronisée pour éviter de perdre de la vitesse.

Les mariniers n’étaient pas les seuls à travailler sur le fleuve. Beaucoup d’activités se déroulaient sur la Loire : lavandiers, tanneurs, pêcheurs, meuniers, qui souvent étaient en conflit avec les mariniers. Le commerce sur la Loire se développa considérablement après 1830, jusqu’en 1845, mais l’avènement du chemin de fer lui mena la vie dure avant de s’imposer définitivement après la guerre de 1870. La ville d’Orléans périclita au profit des villes de l’ouest.

Le fleuve royal

      La douceur de vivre, les paysages, le bon vin, les facilités de communication ont conduit les familles princières et royales à s’installer et à rester le long de la Loire, le « fleuve royal ». Pendant la guerre de Cent Ans, il est le théâtre de la lutte entre Capétiens et Plantagenets pour la possession du royaume. Puis, pendant la Renaissance, le centre du pouvoir demeure dans la région grâce aux Valois. De nouveaux châteaux sont construits, les anciens réaménagés.

Au total, le Val de Loire compte cent vingt châteaux qui ont eu une place plus ou moins décisive au cours de l’histoire de France, du XIème au XVIIIème siècle. Charles VII aimait rester à Chinon, Charles VIII préférait Amboise, Louis XII, ancien Duc d’Orléans, racheta le domaine de Chambord, où François 1er fit construire l’un des plus beaux châteaux de la région. Les femmes de pouvoir n’étaient pas en reste : Catherine de Médicis résidait à Blois et Diane de Poitiers à Chenonceau. Outre les châteaux, la région est riche en édifices religieux : cathédrales, abbayes (Fontevraud, Saint Benoit sur Loire, églises carolingiennes, Saint Philibert de Grand Lieu, Germigny des Prés).

De grands noms de la littérature française sont originaires des bords de Loire : François Villon, Rabelais, Descartes mais aussi Balzac, Péguy, Alain Fournier ou, plus près de nous, Maurice Genevoix qui a célébré la Loire dans son œuvre.