L’OR, LA MARINE ET LA GUERRE

Thème : HISTOIRE                                                                                                                                                                    Mardi 22 novembre 2005

L’or, la marine et la guerre

Par Michel Gatellier – Acteur du sauvetage de l’or de la IIIe République en juin 1940

En 1939, quand la Seconde Guerre Mondiale éclate, la France détient encore 2 900 tonnes d’or. Cet or est réparti dans toute la France, dans les caves des succursales de la Banque de France et aucun plan d’évacuation n’a été envisagé

Le sauvetage de l’or polonais

L’épisode assez rocambolesque de l’évacuation de l’or polonais, en septembre 1939, auquel participe l’armée française servira en quelque sorte de répétition à ce que connaîtra la France neuf mois plus tard. L’invasion de la Pologne par les troupes allemandes oblige le gouvernement à fuir avec son stock d’or (71 tonnes) par train jusqu’en Roumanie. Lorsque le convoi franchit la frontière, l’Allemagne menace la Roumanie de suites si elle ne lui remet pas l’or polonais. Pour exfiltrer discrètement ce stock, le consul britannique réquisitionne un pétrolier anglais. Le gouvernement polonais demande à la France de récupérer son or à Istanbul. Mais la Turquie étant neutre, il est impossible à un navire de guerre de rester plus de 24 heures à quai. L’or est donc chargé sur un train à direction de Beyrouth où l’attend le croiseur français Emile-Bertin, le bâtiment le plus rapide au monde. L’or polonais arrivera à bon port, à Toulon, avant d’être placé en chambre forte à Nevers. Pendant ce temps, l’or français ne bouge pas, Drôle de Guerre oblige.

Les allers-retours vers l’Amérique

Quand, en septembre 1939, les Etats-Unis se déclarent neutre dans le conflit qui se déclenche en Europe, cela joue contre les alliés qui ne peuvent plus s’approvisionner. Conscient de ce déséquilibre, Roosevelt fait voter, en novembre,  la loi « cash and carry » qui permet aux protagonistes d’acheter comptant avec de l’or et de repartir avec les marchandises sur leurs propres bateaux. Dès le 14 novembre, la France transporte 100 tonnes d’or vers Halifax, au Canada, pays belligérant. Il était donc possible d’y accoster avec des navires de guerre. L’or était ensuite transféré par train jusqu’à New-York.

L’invasion de la Norvège en mai 1940 sonne le glas de la Drôle de Guerre. Les Anglais évacuent le roi et l’or norvégien. Le 10 mai, les troupes allemandes envahissent les Pays-Bas et la Belgique. Conséquence immédiate : les envois vers Halifax s’accélèrent. Il n’y en avait eu que trois entre novembre 1939 et mars 1940, il y en aura cinq entre le 18 mai et le 10 juin. Le « Pasteur », navire civil, fera même deux voyages vers Halifax avant le 18 juin. L’or commence enfin à être transféré des succursales de la Banque de France vers les ports français. L’or polonais et belge est apporté à Lorient, l’argent du nord de la France prend la direction de Brest.

L’évacuation à Brest

En juin 1940, la situation militaire est catastrophique. La décision est prise d’évacuer l’or. Les stocks belges et polonais partent sur le « Victor-Schoelcher », qui quitte Lorient au milieu des mines et  atteindra Casablanca le 23 juin.

A partir du 31 mai, l’or arrive, par train, à Brest. Ordre est donné de mettre le stock à l’abri dans une casemate située à sept kilomètres de là, accessible par une petite route en mauvais état qui longe une corniche. L’endroit est pour le moins mal choisi et il faudra quatorze jours pour tout transférer. Le 15 juin, les Allemands entrent dans Paris et larguent des mines magnétiques dans la rade de Brest. Le lendemain, ordre est donné d’évacuer en urgence l’or du Porzic. Mais il faudrait à nouveau quatorze jours pour tout ramener à Brest…

Pour accélérer la cadence, dix camions – des bennes à ordures – sont réquisitionnés le 17 juin à Brest et trois navires sont chargés à la fois. Le même jour, le maréchal Pétain demande l’armistice, ce qui provoque le départ des troupes anglaises stationnées en Bretagne. Le18 juin, trente camions supplémentaires, laissés par les Britanniques, sont récupérés. Seulement il n’y a plus d’essence et l’armée allemande avance à grande vitesse depuis Rennes sans rencontrer de résistance. Le temps est compté. Un petit groupe de soldats français force les grilles de l’Arsenal de Brest et s’empare des fûts d’essence ; la prison est vidée de ses prisonniers pour les mettre au travail (on est loin du personnel trié, au départ, sur le volet).

L’artillerie de côte ayant reçu l’ordre d’évacuer, les hommes du Porzic n’ont, dès lors, plus de protection rapprochée. L’aviation allemande réussit à bombarder la petite route, ce qui oblige les camions à faire un détour. Les hommes forcent la cadence pour réussir à tout charger. Certains s’effondrent à cause de la chaleur. Mais, à 17 heures, le dernier camion quitte la casemate. Entre 11 heures et 17 heures, plus de 800 tonnes ont été transportées par 300 hommes. Les cinq navires chargés de caisses d’or franchissent le goulet de Brest vers 19 heures, non sans frayeurs puisque l’un des remorqueurs saute sur une mine.

Depuis la demande d’armistice, la tension est montée avec les Anglais. A Halifax, l’Emile-Bertin et le « Pasteur » qui arrivent le 18 juin refusent de débarquer l’or malgré les menaces des autorités portuaires. Ordre leur est donné de partir à Fort-de-France. Le « Pasteur », qui est un navire civil, doit rester à quai alors que l’Emile-Bertin réussit à larguer les amarres après avoir menacé de se servir de ses canons.

Une cache au Sénégal

Les 1 200 tonnes d’or qui ont quitté Brest arrivent à bon port à Casablanca. Mais, craignant un débarquement allemand et espagnol au Maroc, les bateaux regagnent le Sénégal. L’or est débarqué à Dakar puis transporté en train jusqu’à Ties. Les Anglais torpillent l’ « Hermès » et débarquent à moins de trente kilomètres de là. L’or est donc discrètement transféré jusqu’au terminus de la ligne de chemin de fer. Et n’en bougera plus jusqu’à la fin de la guerre.

Le secret fut gardé pendant toute l’Occupation et cet or échappa aux Anglais et aux Allemands. Sur les 1 200 tonnes évacuées à Brest, il ne manqua que 100 kilos à l’appel. Quant au stock arrivé en Martinique (260 tonnes), il fut également épargné malgré les pressions de Vichy et du gouvernement américain. L’or, sauvé en juin 1940, servit à la reconstruction après-guerre. Les Polonais purent également récupérer leur stock. Seul l’or belge fut livré par Pierre Laval aux Allemands.

En savoir plus …

Coté Web :

http://www.anac-fr.com/2gm/2gm_25.htm

Le CDI ne peut être tenu responsable des dysfonctionnements des sites visités. Vous pouvez toutefois en aviser le Webmaster pour information et mise à jour