LES TOUAREGS, MYTHE ET REALITE

Thème : ECONOMIE – SOCIETE                                                                                                                                               Mardi 13 Octobre 2009

Les Touaregs, mythe et réalité

Par Philippe Bastien – Garchois et responsable d’une ONG

Voyageur saharien depuis trente-cinq ans avec mon épouse, je me suis engagé dans l’humanitaire pour aider les populations nomades du nord Niger. Au fil de mes voyages et de mes rencontres, j’ai développé une proximité avec les Touaregs et c’est naturellement que je me suis intéressé à eux en fondant tout d’abord l’association médicale « Mamans du Soleil » puis « Matins du Soleil ». Cette association humanitaire d’aide au développement cherche avant tout à aider les Touaregs à retrouver une activité  pour qu’ils travaillent de façon autonome.

Les enfants du Sahara

Les Touaregs sont intimement liés au Sahara, le plus grand désert du monde qui s’étend de l’Atlantique à la mer Rouge et du Nil au fleuve Niger, soit 5 000 km de long sur 2 000 km de large. Contrairement à ce qu’on croit souvent, le Sahara contient de nombreuses plantes – près de 1 200 variétés – et compte de nombreux animaux (et pas que des scorpions !). On associe ce désert aux grandes dunes de sable mais les ergs (ces grands massifs de dunes) n’occupent que 20% de sa surface. Le Sahara est tout sauf monotone. Grâce à la lumière, aux différences de minéraux, le paysage change tout le temps. Un vent de 15 km/h suffit à déplacer les dunes et, en cas de tempête, elles se déplacent de plusieurs dizaines de mètres par jour.

On trouve toutes sortes de paysages au Sahara : des grandes étendues caillouteuses (regs), des montagnes, des plateaux, des oasis, des oueds (des cours d’eau à écoulement temporaire)… Il y a aussi de l’eau au Sahara, notamment celle des nappes phréatiques, qui se trouvent malheureusement à une grande profondeur. Le Sahara est un désert envoûtant, la relation avec l’espace, le temps et même le son y est très particulière. C’est aussi le plus grand musée à l’air libre du monde. Sur les peintures « qualité Lascaux » sont très bien conservées, et il n’est pas rare de rencontrer des flèches ou des meules vieilles de 6 000 ans. Le Sahara était alors verdoyant, avec un paysage de savane où vivaient des girafes, des rhinocéros, des éléphants… La désertification débuta voilà 4 000 ans, et elle se poursuit aujourd’hui. Désert envoûtant, le Sahara est aussi hostile. Le guide a un rôle vital : s’il se trompe de direction et que la caravane n’atteint pas l’oasis à temps, c’est la mort assurée. Mais comment font-ils pour se repérer alors que, tout autour, le sable s’étend à l’horizon ? Le guide touareg vont répondra qu’un bon chameau sait qu’il est égaré et refusera d’avancer…

Il y a 1 500 ans, les Touaregs s’installent au Sahara. Ce sont des berbères venus du nord dont le langage – le tamasheq – s’apparente au kabyle. Leur mauvaise réputation en Occident vient de leurs attaques répétées contre des expéditions menées au XIXe siècle par les Européens, dont celle contre le projet de chemin de fer transsaharien. Jusqu’au début du XIXè siècle, le Sahara était encore terra incognita pour les blancs, qui s’étaient installés sur les côtes africaines mais pas à l’intérieur des terres. En 1822, une première traversée permet d’atteindre le Tchad en partant des côtes méditerranéennes, puis en 1826 (l’expéditeur écossais Gordon Laing, qui sera assassiné sur place) et 1828 (René Caillié dont le récit fera grand bruit), on atteint Tombouctou. En 1832, un Allemand Barth atteint pour la première fois Agadez (Niger). Puis à mesure que la colonisation avancera sur le continent africain, le Sahara deviendra source d’enjeux militaires (années 1920) et économiques (à partir des années 50, pour ses ressources en gaz et en pétrole et plus tard en uranium (Niger). Les pays européens vont placer ces pays sous protectorat, créant des Etats et tirant des traits sur une carte pour délimiter des frontières pour le moins artificielles.

Des nomades qui se sédentarisent

Les Touaregs, peuple nomade qui circule sans tenir compte de ces frontières, reste une population à part. Au total, on compte 2 à 2,5 millions de Touaregs au Sahara, dont 1,3 million au Niger où ils représentent à peine 10% de la population nigérienne. Ils sont environ 500 000 au Mali, 100 000 en Algérie, 50 000 au Burkina Faso ou en Lybie… mais combien savent que leur nationalité est tantôt nigérienne, malienne, algérienne, lybienne ou burkinabaise ? Les Touaregs se trouvent aujourd’hui dans une période de transition. Les hommes sont encore voilés, et les femmes ne le sont pas, sauf dans le sud-algérien,  où ils sont plus islamisés qu’ailleurs – les Touaregs étant des musulmans « tièdes ». Chez eux, les femmes sont libres. Dans leur tradition, elles sont indépendantes très jeunes et ont une relation très libre avec l’homme : dans ce peuple monogame, ce sont elles qui choisissent leur cavalier.

Décrits comme des pillards, il y a longtemps que ces guerriers ne font plus de razzias et ne prennent plus de prisonniers comme esclaves. Leur société traditionnellement très hiérarchisée, avec des nobles, des vassaux, des artisans, des esclaves, n’existe plus. Il demeure des autres catégories sociales un vrai respect à l’égard des anciennes familles nobles, même si ces dernières sont devenues pauvres. Malgré tout, les Touaregs restent fondamentalement des nomades, des éleveurs qui déplacent leur troupeau de point fixe en point fixe. Par exemple, ils vont mener leur caravane d’Agadez vers les salines de Bilma, à l’est. Là, ils vont échanger des légumes contre du sel, qu’ils vont échanger à Niamey, au sud, contre des étoffes ou des produits manufacturés. Acte commercial, la caravane n’a paradoxalement pas été supprimée par les camions, plus rapides que les chameaux. Cet animal rustique peut porter une charge de 200 kilos par plus de 50°C sans boire une goutte pendant une semaine.

Aujourd’hui, les Touaregs sont un peuple morcelé, très minoritaire dans chaque Etat, mais reste uni par une culture originale. N’ayant pas de pouvoir autonome, ils doivent respecter les lois de chaque pays mais sont souvent mal considérés par ceux-là même qui avaient été leurs esclaves autrefois, à savoir les sédentaires. Episodiquement, certains se rebellent, comme en 2007 au Niger. Mais se révolter est contreproductif. Ce n’est pas comme cela qu’ils pourront sortir gagnant de leur conflit avec les administrations centrales, leur seule chance étant de s’éduquer et, à terme, d’accéder au pouvoir administratif et politique. En attendant, à l’image de ce que fait notre ONG, il faut une interface entre la population touareg et ceux qui peuvent les financer – des organismes comme Areva, qui s’intéresse aux mines d’uranium du Niger, situées au nord Niger. Les Touaregs peuvent aussi profiter du tourisme saharien, qui se développe peu à peu. Mais avec ces évolutions que deviendra leur identité culturelle ? Vont-ils réussir à préserver leur spécificité malgré une sédentarisation qui s’accentue ? Le risque est réel mais je pense que grâce à l’éducation et à un développement économique, les touaregs vont évoluer positivement, en sachant conserver leur identité culturelle tout en s’adaptant au monde moderne.

En savoir plus …

Coté Livres :

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Touaregs_(peuple)

http://www.agadez-niger.com/

http://www.temoust.org/

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