LES SOUTERRAINS AUTOMOBILES et leur avenir dans les grandes villes du monde

Thème : ECONOMIE – SOCIETE                                                                                                                                                  Mardi 9 Octobre 2007

Les souterrains automobiles et leur avenir dans les grandes villes du monde

Par  André Broto – Directeur de Cofiroute

La société Cofiroute, qui exploite plus de mille kilomètres d’autoroutes en France – essentiellement autour de Paris et dans les régions de l’ouest –, a été chargée d’assurer le bouclage de l’A86 entre Rueil-Malmaison et Versailles. Le premier tronçon ouvrira au printemps 2008, le second début 2010. En raison de l’urbanisation de cette zone, il a été décidé de construire une autoroute souterraine, constituée de deux niveaux superposés en sens unique. Cette idée, avancée pour la première fois en 1988, présente des garanties de sécurité et de confort. De plus, des études estiment que cet équipement permettra d’alléger la circulation en surface de 15% et d’émettre moitié moins de CO2 dans l’atmosphère.

Le bouclage de l’A86 a été déclaré d’utilité publique par le gouvernement en 1995. S’en est suivi une décennie mouvementée, marquée par l’interruption du chantier en 1998 sur décision du Conseil d’Etat, un redémarrage en 1999 après un nouvel appel d’offre – à l’échelle européenne cette fois – au moment où se déroulèrent une série d’accidents dramatiques dans des tunnels alpins, le plus dramatique étant celui du Mont-Blanc. Le projet a été à nouveau bloqué. En 2003 s’est finalement  achevé le creusement premier tronçon Rueil – échangeur A13. Le percement du deuxième tronçon échangeur A13 – Pont-Colbert a débuté en 2005 et s’est achevé en août 2007. On estime que 45 000 véhicules emprunteront quotidiennement cette nouvelle autoroute en 2010, dont 75% d’abonnés.

Toujours plus de déplacements

Depuis l’entre-deux guerres, on constate un étalement de l’habitat individuel autour des grandes villes. Paris se dépeuple progressivement au profit des communes de la petite couronne puis, à partir de 1975, des communes de la grande couronne et des Villes Nouvelles. Cet étalement n’est pas propre à Paris. C’est un phénomène mondial, qui touche également les autres villes de France en raison de l’augmentation constante du prix des logements en centre-ville. Les ménages doivent faire un arbitrage entre l’espace et le temps. Les plus riches peuvent acquérir de l’espace au cœur de la cité. Les moins aisés qui recherchent de l’espace doivent s’éloigner du centre, et augmenter leur temps de transport.

Dans le même temps, on remarque une augmentation constante de la mobilité individuelle. Entre 1983 et 1991, les déplacements routiers ont augmenté de 30% en France. Les hommes ont besoin de se relier, d’accéder à ce qui leur est important, que ce soit un bassin d’emploi, des zones commerciales, des lieux culturels… La route offre cette accessibilité. Pour les communes rurales, se situer à proximité d’un échangeur autoroutier est synonyme de désenclavement, de dynamisme économique et permet d’éviter l’exode de ses jeunes. On se déplace également davantage à mesure que l’on s’enrichit. La croissance économique s’est traduite par une hausse de la portée des déplacements. On préfère passer ses week-ends au bord de mer plutôt qu’en Vallée de Chevreuse.

Savoir mieux utiliser nos infrastructures

Le réseau d’infrastructures français est de très bonne qualité : 10 000 kilomètres d’autoroutes, 15 000 km de routes nationales, 380 000 km de routes départementales et 550 000 km de routes communales. Mais, en France, on assimile trop souvent la route au transport individuel. Les transports collectifs routiers (bus, autocars, taxis collectifs…) sont moins développés que chez nombre de nos voisins anglais ou allemands. Dans certains Etats des USA – temple de l’automobile – il existe des voies réservées sur autoroute pour les véhicules avec plus de trois personnes à bord. La Grande-Bretagne et l’Allemagne n’ont pas hésité à utiliser le péage pour sensibiliser les utilisateurs de la route. Le message est clair : vous avez choisi de vous déplacer, vous êtes en train de polluer, donc vous payez.

Actuellement en France, on veut limiter la voiture dans Paris intra-muros. Mais le problème des déplacements  concerne moins les Parisiens – qui ont accès à une offre de transports considérable –  que les huit autres millions de Franciliens. Ces derniers ont un choix beaucoup plus restreint et sont souvent obligés de prendre leur voiture, d’autant plus que ce sont les familles qui comptent le plus d’enfants qui vivent en périphérie, alors que Paris est majoritairement peuplée de familles monoparentales et de célibataires.

La route est, de fait, devenue incontournable. Et le restera. Il faut maintenant trouver une façon de faire du transport collectif, de point à point, sur la route ; une façon qui serait moins polluante et moins énergivore. Ce moyen reste à inventer mais il existe un énorme potentiel dans les périphéries.

Les souterrains dans les grandes villes

Les souterrains sont la réponse des ingénieurs aux problèmes de la ville : ils créent de l’espace sans en consommer en surface. Déjà en 1929, on avait imaginé un réseau routier sous Paris. Tokyo est en train de construire un périphérique souterrain, au service d’un projet de requalification urbaine. A Madrid, la M30 – périphérique géant de 99 km – est enfouie sur 55 km. Shanghai vient de se doter d’un double tube à double niveau qui permet de séparer les véhicules légers des poids lourds. Les exemples ne manquent pas.

Pour autant, il faut adapter ces souterrains aux attentes actuelles, notamment en terme de sécurité et de confort. Le duplex A86 répondra à ces exigences. Tout d’abord, les véhicules ne se croiseront pas. Le tube est divisé en deux : au-dessus, les voies qui se dirigent vers le nord ; en dessous, celles qui partent vers le sud. Onze postes de secours, permettant de remonter à la surface, sont installés tout au long des dix kilomètres d’autoroute. Un ingénieux système de ventilation, avec galerie d’air frais, extraction, rideau d’air…, assurera l’approvisionnement en air de qualité. En cas d’accident, les secours seront facilement sur zone.

On le sait, le risque le plus important dans un tunnel est l’incendie. Quand un poids lourd brûle, la température dégagée est telle qu’il est impossible de s’approcher. En supprimant la circulation des poids lourds, on divise par dix le risque d’incendie. Si toutefois le feu survient, suite à un carambolage par exemple, un système de « brouillard d’eau » maintiendra une température raisonnable dans le tunnel, ce qui permettra l’intervention des secours. Les catastrophes précédentes nous ont appris l’importance du respect des procédures d’urgence par l’ensemble du personnel. En 2003, nous avons été confrontés à un véritable incendie. Un engin de chantier a pris feu à la moitié du tunnel. Plutôt que d’essayer d’atteindre la sortie, les deux ouvriers se sont dirigés vers l’intérieur, ont atteint un sas de secours et prévenu leurs collègues, comme on le leur avait appris. Grâce à ce comportement, les dix-neuf ouvriers ont tous pu être secourus,  sains et saufs, quelques heures plus tard.

Le duplex A86 sera une autoroute à péage. La tarification sera ajustée pour maintenir une circulation fluide, de 1,50 à 4 euros, selon l’heure de passage. Cofiroute a déjà adopté cette forme de tarification variable sur une autoroute californienne. Avec succès.

Pour les Suisses, les tunnels sont « la politesse des villes ». Et on peut estimer que les souterrains sont promis à un bel avenir dans les métropoles.

En savoir plus …

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cofiroute

http://www.histoire.ac-versailles.fr/old/geographie/A86/a86/II_autoroute.html

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