LES SONDAGES

Thème : ECONOMIE – SOCIETE                                                                                                                                              Mardi 4 Décembre 2007

Les sondages

Par Jean Oudinet – Ancien directeur du marketing chez Esso

Avec la participation de Madame Annie Sertour – Directeur panels IMS

Un sondage est une enquête statistique dont le but est de connaître, à un moment donné, la répartition des opinions, attitudes, comportements individuels.

C’est en 1936 que la technique mise en place par le statisticien américain George Gallup est couronnée de succès. Cette année-là, le président sortant Franklin D. Roosevelt est opposé au Républicain Alfred Landon. Un quotidien national pronostique la victoire de ce dernier en se fondant sur les deux millions de réponses renvoyées par ses lecteurs. Gallup, qui n’a interrogé que 4 000 électeurs socialement représentatifs, assure que le Président Démocrate sera réélu. La large victoire de Roosevelt donne raison à Gallup et voit l’avènement des sondages d’opinion. En France, le premier institut de sondage, l’IFOP (Institut Français d’Opinion Publique), voit le jour en 1938, sous la houlette de Jean Stotzel, agrégé de philosophie, féru de statistique et de sociologie. On en compte plus d’une centaine aujourd’hui.

Un phénomène mondial

Les grandes entreprises, qu’elles soient dans le domaine de l’automobile, de l’alimentaire, de l’habillement, etc., vendent dans le monde entier. Elles ont donc besoin de faire des études partout pour connaître les besoins de leur clientèle. Dans le monde entier, le chiffre d‘affaires des instituts de sondage avoisine les 19 milliards d’euros. En France, cette activité pèse 2 milliards d’euros.

Le sondage d’opinion est constamment associé au sondage politique. Erreur….Ceci ne représente qu’une faible partie de l’activité sondage. Les instituts de sondage grâce aux diverses techniques d’études qualitatives et quantitatives vont interroger des consommateurs, des citoyens, des professionnels au profit des entreprises, des media ou  d’organisations gouvernementales ou non gouvernementales.

Les sondages politiques ne représentent, en moyenne, que 2% de l’activité alors que les études de satisfaction client comptent pour 14%, la publicité 26% et le marketing 48%. Les sondages politiques ne sont que la partie émergée de l’immense iceberg des études par sondage.

Ces études aident les entreprises à mettre des produits au service des consommateurs pour répondre à leurs besoins. Cela s’appelle le marketing. Il s’agit de l’ensemble des actions qui ont pour objet de connaître, prévoir et éventuellement de stimuler les besoins des consommateurs à l’égard des biens et des services, et d’adapter l’appareil productif et commercial aux besoins ainsi précisés.

Les études marketing

Les études « quali » (qualitatives). Ces enquêtes permettent de comprendre l’attitude, le comportement, les besoins et attentes des consommateurs, dans le cas où ils s’intéressent aux sujets concernés par l’étude. Les enquêteurs interrogent les personnes seules ou sous la forme de petits groupes. Le type d’entretien peut être libre (aucune question), semi-directif (quelques questions pour orienter le débat) ou directif.

Quand Renault a lancé son Espace et son concept des « voitures à vivre », on peut penser que cela a découlé d’études qualitatives. Même chose pour Lactalys qui a lancé un emballage de beurre en forme de motte, ou quand Martini a retravaillé la forme de ses bouteilles pour être plus pratiques à manipuler tout en étant plus « sensuelles ».

Parmi la multitude d’études réalisées chaque année, citons celles, récentes, de Bouygues Immobilier pour l’aménagement de «résidences de service» ; d’Auchan pour la présentation de ses stands « marée » et « parfumerie » ; de Peugeot pour ses journées portes ouvertes au moment du lancement de la 308.

Les études « quanti » (quantitatives). Pour être fiables, ces études sont soumises à des règles techniques qui doivent être respectées à la fois par le client et par l’institut. Tout d’abord, le questionnaire doit être rédigé de façon claire, compréhensible par tous sur tout le territoire. Ce questionnaire est ensuite soumis à un échantillon aléatoire et représentatif de la population en utilisant la méthode des quotas. La population française est découpée en tranches, conformément aux recensements de l’Insee. Différents critères sont pris en compte : le sexe, l’âge, la catégorie socio-professionnelle, les revenus, le niveau d’étude, la région habitée…

A titre d’exemple, un échantillon représentatif de la population française doit compter 48% d’hommes, 52% de femmes.

2% d’agriculteurs, 3% d’artisans, 12% de professions intermédiaires, 8% de CSP +, 12% de professions intermédiaires 16% d’employés, 14% d’ouvriers, 30% de retraités, 15% d’inactifs.

19% d’habitants de l’Ile-de-France, 23% du nord-ouest, 23% du nord-est, 11% du sud-ouest, 24% du sud-est.

12% de 18-24 ans, 19% de 25-34 ans, 19% de 35-44 ans, 24% de 45-59 ans, 13% de 60-69 ans et 13% de plus de 70 ans.

Pour être fiable, le sondage quantitatif doit porter sur 1 000 personnes environ, avec une marge d’erreur de 2-3%. Les enquêtes se font au téléphone, dans toute la France. Si on n’interrogeait que des habitants de Garches, l’enquête ne serait pas fiable car, si l’on compte 13% de cadres dans la population française, ils sont 37% à Garches avec une sous représentation des ouvriers.

Par ailleurs, la profession est soumise à des règles déontologiques garanties, au niveau national par le Syntec, le code CCI, la CNIL, ainsi qu’au niveau européen (ESOMAR)

Les panels. Ce sont des enquêtes menées sur des échantillons choisis. Les panélistes choisissent de répondre aux instituts sur leurs habitudes de consommation, par le biais d’un relevé permanent d’information.

Quatre instituts sont spécialisés dans les panels : Nielsen, TNS Sofres qui interroge 12 000 foyers en France répartis dans 5 500 communes sur les produits achetés, Médiamétrie qui mesure les audiences TV, radio, cinéma et internet, et IMS (Information Médicale et Statistique).

IMS est spécialisé dans la collecte et l’analyse de données recueillies auprès des Professionnels de santé : 4000 médecins, 13000 pharmaciens de ville, soit la moitié des pharmacies françaises et 900 établissements hospitaliers. Les études réalisées intéressent l’industrie pharmaceutique, les institutionnels de la santé et les professionnels eux-mêmes qui bénéficient de retour d’informations sur leur activité. L’objectif est d’apporter des informations vitales dans le domaine de la santé tout en garantissant l’anonymat des individus, de comprendre toutes les relations entre les différents acteurs de la santé publique. Pourquoi analyser la demande de soins et sa prise en charge ? Parce que cela permet de mesurer l’état de santé de la population, d’identifier les priorités en termes de recherche, de qualité de soins, de sauvegarde de notre système de santé, d’anticiper les besoins futurs (nouvelles maladies), de mettre en place des politiques de santé (médecin traitant, organisation du système de santé, DMP), de mesurer l’efficacité des décisions, d’évaluer les coûts et les besoins de financement, et de comparer les populations selon les zones géographiques et la réalité socio-économique.

Les enquêtes d’opinion

Les Français sont constamment interrogés sur des sujets très divers. Voici, à titre d’exemple, quelques enquêtes  menées en 2007 :

-Les Français et la fête des mères,

-Les Français et les vacances d’été,

-Les Français et le baccalauréat,

-L’endettement des ménages,

-Les femmes et le vin,

-Le développement durable,

-Les régimes spéciaux de retraite (le gouvernement et les syndicats ont sondé tous les jours pour connaître l’évolution de l’état d’esprit des Français),

-Le « C’est dégueulasse » de Fadela Amara,

-L’opinion des Français sur les études marketing et politiques par sondages…

Toutes les décisions, réformes, annoncées faites par Nicolas Sarkozy et son gouvernement font l’objet d’études quotidiennes.

Les instituts transmettent les résultats auprès des médias. Ce sont les journalistes et commentateurs qui, ensuite, les interprètent et décident de mettre en exergue tel ou tel chiffre du sondage. Une étude n’est jamais publiée intégralement, ce qui peut expliquer des différences d’interprétation. Il faut aussi faire attention à certains détails techniques. Un sondage doit toujours être publié  en précisant le nom de l’institut, le nombre de personnes interrogées, et les dates de l’enquête. Car on ne trouvera pas les mêmes résultats si un même questionnaire est soumis à quelques jours d’écart car les personnes peuvent changer d’avis d’un jour à l’autre.

Les enquêtes politiques

Les enquêtes politiques sont celles dont on parle le plus même si elles ne constituent qu’un part très limitée de l’activité des instituts de sondage. Elles sont effectuées par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de la population française de personnes âgées de 18 ans et plus et inscrits sur les listes électorales. Ces 1 000 personnes interrogées à chaque vague représentent l’opinion des 43 650 000  électeurs inscrits.

On effectue beaucoup d’enquêtes sur les intentions de vote en période pré-électorale. La campagne présidentielle de 2007 a battu tous les records de sondages publiés. Mais les instituts interrogent aussi les Français sur d’autres questions politiques, plus diverses.

Lors de la Présidentielle 2007, pour le second tour, Nicolas Sarkozy a constamment devancé Ségolène Royal dans les intentions de vote exprimés par chaque vague d’environ 1000 interviewés et ce à partir du moment où il a lancé officiellement sa campagne. Sa victoire était devenue plus que probable aux yeux de tous les analystes.

La même chose s’était déroulée en 1981. Assez tôt, il était apparu que François Mitterrand serait élu.

Le soir des élections, les médias annoncent dès 20 heures les « résultats ». En fait, ce ne sont pas des résultats mais des estimations menées par les instituts à partir d’un échantillon de 300 bureaux de vote, soit environ 30 000 votants. En 1974, alors que les estimations réalisées à partir de 230 bureaux annonçaient dès 20 heures Giscard-Mitterrand à 50,9%-49,1% (ce qui sera le résultat final),  les premiers résultats officiels du ministère de l’Intérieur, publiés vers 23 heures, portant sur 15 millions de bulletins dépouillés affichaient Giscard à 53% et Mitterrand 47%. Mais ces millions de bulletins ne prenaient pas encore en compte le vote des grandes villes, où Mitterrand fit un meilleur score qu’à la campagne. L’échantillon raisonné d’environ 200000 votants était bien plus exact que les 15 millions de bulletins dépouillés dans les provinces françaises.

En conclusion : J’espère vous avoir fourni quelques éléments sur cette activité « sondage » qui conditionne économiquement et politiquement notre vie quotidienne et vous avoir fait partager la confiance que nous mettons dans cet outil.

Vous savez maintenant que le sondage « politicien » n’est qu’une petite île dans l’océan des études marketing et d’opinion faites par sondage

En savoir plus …

Coté livres :

L’ivresse des sondages

Auteur : Alain Garrigou

Editeur : Editions La Découverte

ISBN-10: 2707150053

http://www.amazon.fr/Livresse-sondages-Alain-Garrigou/dp/2707150053

Sondages, mode d’emploi

Auteur : Roland Cayrol

Editeur: Presses de Sciences Po

ISBN-10: 2724608356

http://www.amazon.fr/Sondages-mode-demploi-Roland-Cayrol/dp/2724608356/ref=pd_sim_b_title_1

Histoire des sondages

Auteur : Jacques Antoine

Editeur: Odile Jacob

ISBN-10: 273811587X

http://www.amazon.fr/Histoire-sondages-Jacques-Antoine/dp/273811587X/ref=pd_sim_b_img_3

Coté Web :

http://www.tns-sofres.com/

http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/cnl_static_content.asp?rubId=35

http://www.lh2.fr/francais/sondages/sondages_1.php

http://sondages2007.over-blog.com/

http://www.linternaute.com/questionnaire/recherche/1/