LES AMERINDIENS

Thème : ECONOMIE – SOCIETE                                                                                                                                                           Mardi 18 Mai 2010

Les Amérindiens

Robert Henry Calvet, Docteur en Histoire

L’image que nous avons des indiens d’Amérique est celle de farouches guerriers avec leurs coiffes à plumes, sur leurs chevaux, armés de lances et d’arcs. On pense souvent qu’ils ont été éradiqués et qu’ils ne faisaient pas preuve d’adaptabilité mais cette image d’Epinal en est l’illustration inverse : avant 1492, les chevaux n’existaient pas sur le continent américain, et les indiens l’ont adopté au point d’en faire le centre de leur culture.

Contrairement à une autre idée reçue, les indiens ne sont pas un peuple mais une multitude de peuples différents dont les us et coutumes et les modes de vie diffèrent selon la région où ils vivent. Les indiens des grandes plaines (Sioux, Cheyennes, Crow…) n’ont pas les mêmes traditions que les indiens de la côte est (Seminoles, Cherokee…), du nord montagneux (Blackfoot) ou du sud désertique (Apache, Navajo…). Nous ne savons pas précisément combien d’Amérindiens vivaient sur ce vaste territoire qui allait devenir les Etats-Unis. Ce continent était-il densément peuplé ou habité de petites tribus ? Contrairement aux peuples d’Amérique du sud ou d’Amérique centrale, ces peuples ne se sont pas regroupés dans de grands empires, comme les Aztèques au Mexique. Les traces sont rares.  Ayant une tradition orale, les documents écrits d’origine indienne sont inexistants – ils n’avaient pas d’état civil – et ceux que nous tenons des premiers Européens ne sont pas fiables car ils n’étaient pas objectifs et n’avaient pas de vision globale. L’estimation de la population indienne est variable, de 9 millions à 60 millions d’habitants. Cette question n’est pas neutre : si la population était forte, cela signifie qu’ils ont subi un génocide. En étudiant leur environnement et le nombre d’habitants que chaque terre pouvait accueillir, nous aboutissons à une estimation qui se rapproche de la fourchette basse, aux alentours des 12 millions d’indiens.

Avant l’arrivée des Européens, nous avons retrouvé la trace de deux grandes civilisations. Les Anasazis (8e siècle – 12e siècle) étaient un peuple d’agriculteurs vivant dans le sud-ouest, dans l’actuel Nevada et Colorado, dont subsiste le village à Mesa Verde. Nichés dans la roche, sous la mesa (plateau), les maisons sont collées les unes aux autres, donnant une impression de fermeture sur l’extérieur, comme une forteresse. S’ils ressentaient le besoin de se défendre, c’est donc qu’ils avaient des ennemis. La première théorie de leur disparition est que leurs ennemis auraient pris l’avantage, l’autre – plus probable – est celle d’une mauvaise gestion des ressources, la population étant devenue trop importante par rapport aux ressources, ils seraient redevenus nomades.

L’autre civilisation est celle des Mississippiens, vivant beaucoup plus à l’est, dans la forêt, et dont l’apogée s’est située vers 1050. Leur population avoisinait les 8 000 habitants. D’eux, nous n’avons retrouvé que des buttes serpentant sur des kilomètres et une haute pyramide en terre qui fait penser à celles de Teotihuacan. Auraient-ils été influencés par les Aztèques ? Malheureusement, nous ne pouvons pas le savoir.

La réduction frappante des terres indiennes en un siècle

A leur arrivée sur le continent, les Européens sont impressionnés par les Iroquois, à la fois par leurs traits, leurs coutumes, et leur organisation politique. Les Iroquois fonctionnaient comme une fédération de tribus qui, tous les deux ans, envoyaient leurs délégués au conseil et qui prenaient les décisions qui les engageaient. Pour certains chercheurs, c’est en s’inspirant de cette organisation « démocratique » que les pères fondateurs des Etats-Unis ont construit la démocratie américaine. Même si cette théorie est réfutable, le fait qu’elle existe et qu’elle soit appuyée par un certain nombre de faits montre bien que cette organisation des Iroquois existait bel et bien.

En 1775, les terres indiennes recouvrent la quasi-totalité du continent (sauf les treize Etats fondateurs à l’est). En 1894, il ne subsiste que quelques réserves. La réduction est frappante. Plusieurs raisons expliquent cette destruction. La première est d’ordre médical : les virus venus d’Europe ont entraîné une surmortalité flagrante, plutôt bénins pour les Blancs, ils étaient mortels pour les peuples locaux. D’autre part, les relations avec les colons se sont progressivement détériorées. Au départ, elles étaient pourtant parfois amicales. La tradition de Thanksgiving est une référence à l’aide apporté par les indiens aux colons de la Nouvelle-Angleterre dont les cultures venues d’Europe dépérissaient. Les indiens leur ont donné du maïs et appris à le cultiver, et leur ont appris la chasse. Mais, quand les Européens ont commencé à s’approprier des terres en les clôturant, les relations ont dégénéré. Beaucoup de tribus n’avaient pas de notion de propriété par rapport à la terre (contrairement à d’autres biens comme les chevaux, symboles de richesse et de virilité). Pour eux, la terre était à tous.

En 1803, quand Napoléon vend la Louisiane aux Etats-Unis, le territoire du nouvel Etat double quasi instantanément. Or le territoire de la Louisiane, qui s’étend, au nord, jusqu’au Canada actuel, comprend de vastes territoires indiens, notamment dans les grandes plaines.

En 1830, le gouvernement américain décide de déplacer les indiens à l’ouest du Mississippi. Cette déportation se fait dans des conditions dramatiques : le « trail of tears » (chemin des larmes) des Cherokee les mène de la Georgie au Kansas. Comme tous les peuples de l’est déplacés (Séminoles…), ils se retrouvent dans des zones d’habitats très différentes de ce qu’ils connaissaient. Ces populations avec des modes de vie, des langues et des traditions différents se trouvent mélangés. Ils sont trop nombreux par rapport aux possibilités agricoles. Les Cherokee avaient été le peuple qui avait cherché le plus à se rapprocher des Blancs et à cohabiter pacifiquement. Eux-mêmes s’étaient sédentarisés, avaient créé une capitale (New Echota), développé une langue écrite, et défendaient juridiquement les traités signés entre les Etats et les tribus devant les tribunaux. L’échec de cette stratégie les conduira, comme d’autres, à la lutte armée.

La deuxième moitié du XIXe siècle est marquée par les guerres indiennes, de 1860 à 1890. Au nord, les Sioux et les Cheyennes et, au sud, les Comanches  et les Apaches (Geronimo), vont poser de nombreuses difficultés aux Blancs. Leur technique de guerre est celle de la guérilla : des groupes réduits pratiquaient le harcèlement sur les civils implantés dans la région. Ils font subir un sort terrible à leurs prisonniers (dont des femmes et des enfants). Mais, trop peu nombreux face à l’arrivée toujours plus massive des « colons », les indiens perdent la guerre faute de combattants. Ils ont retardé pendant des décennies cette avancée irrémédiable mais, à la fin du siècle, n’avaient plus les moyens de résister.

Les indiens aujourd’hui

Placés dans des zones attribuées – les réserves, véritables enclaves dans le territoire US – les indiens d’Amérique sont, de fait, mis en marge du reste de la société américaine. Contrairement aux autres communautés, ils ne se sont pas intégrés. Souvent très pauvres, ils ne doivent leur survie qu’aux aides publiques. Jusqu’à Franklin Roosevelt, ils sont considérés comme des mineurs, il faut attendre les lois du « New Deal » pour qu’ils acquièrent la majorité civile. Les premiers mouvements de revendication – plutôt timides – voient le jour en 1946. Mais c’est à partir des années 1960/70 que, inspirés par le mouvement des droits civiques, ils se font davantage remarquer. De 1969 à 1971, en occupant le rocher d’Alcatraz, ancienne terre indienne inoccupée, ils obtiennent un réel écho médiatique. C’est aussi à partir des années 1960 que la population indienne connaît une réelle croissance démographique. En 1890, la population était tombée à 250 000 habitants (à comparer avec les 12 millions), un niveau qui stagna pendant plus de cinquante ans. Dans les années 1960, ils sont 500 000. En 2005, on en recensait 2,5 millions, un chiffre en partie illusoire : aux Etats-Unis, lors des recensements, la question ethnique se fait sur la base de l’auto déclaration. Depuis les années 1970, certains américains se sentent plus fiers de leurs origines (même lointaines) indiennes et se déclarent comme tel. Il n’en demeure pas moins que la démographie des Amérindiens est effectivement en progression.

Mais leur situation au sein de la société américaine reste défavorisée : 10% d’entre eux ont un diplôme universitaire (contre 25% des « Blancs »), 25% d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté (contre 9,4%), le revenu moyen par famille est de 32 400 $ (contre 48 500)… Certes, ils ont bénéficié de l’autorisation faite dans les années 80 d’ouvrir des casinos dans leurs réserves, mais cela n’a pas forcément profité à l’ensemble de la communauté. Le sort au sein des réserves n’en a pas été fondamentalement modifié.

Au cours de cette histoire très mouvementée, les indiens d’Amérique ont perdu leur identité. Certes, les tribus avaient en commun un rapport à la nature et à la guerre (ce n’est pas par hasard que de nombreuses armes de guerre ont été nommées en référence aux indiens), mais tous n’avaient pas des totems, des tipis, des attrapeurs de rêves… Ces symboles, que l’on associe aux indiens, ne sont pas partagés par toutes les cultures indiennes. Ils ont encore une vraie difficulté à avoir le sentiment de leur identité, disparue avec le temps, et qu’ils doivent tenter de reconstituer à partir de fragments parcellaires.

En savoir plus …

Coté Livres :

Coté Web :

http://www.culture-amerindiens.com/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Am%C3%A9rindiens

http://www.amerindien.fr/

Le CDI ne peut être tenu responsable des dysfonctionnements des sites visités. Vous pouvez toutefois en aviser le Webmaster pour information et mise à jour