LE TGV A L’ETRANGER

Thème : ECONOMIE – SOCIETE                                                                                                                                                      Mardi 13 Janvier 2009

Le TGV à l’étranger

Par Jean-Marie Metzler – Ancien directeur commercial de la SNCF

Le terme « TGV » étant une marque déposée par la SNCF, nous parlerons ici plutôt de trains à grande vitesse. Mais à partir de quand peut-on parler de grande vitesse ? Il existe trois catégories de trains de ce type : ceux dont la vitesse commerciale est supérieure à 250 km/h, ceux qui roulent entre 300 et 350 km/h, et ceux circulent à plus de 350 km/h. Cette dernière catégorie concerne en fait les futurs TGV qui iraient à l’avenir à 360 km/h.

Le premier train à grande vitesse de l’histoire fut le Shinkansen japonais qui reliait dès 1964 Tokyo à Osaka et dont la vitesse commerciale était de 210 km/h. Dix-sept ans plus tard, les premiers TGV français, entre Paris et Lyon, roulaient à 260 km/h puis 270 km/h. En 1989, les TGV Atlantique et Nord atteignaient les 300 km/h en vitesse commerciale avant d’être battus par les TGV Sud et TGV Est qui circulent aujourd’hui à 320 km/h. La prochaine étape est d’atteindre d’ici 2015 les 360 km/h, ce qui est possible techniquement mais qui pose des problèmes en termes de maintenance des voies, de consommation d’énergie, de signalisation et d’environnement (le bruit notamment). Pour atteindre Toulouse et Nice de façon pertinente, il faudra nécessairement circuler à cette vitesse.

Une technique en adéquation avec les évolutions sociétales

Si le succès du TGV ne se dément pas depuis ses débuts, c’est à la fois grâce à une technique maîtrisée et éprouvée et parce que ce mode de transport s’est trouvé en parfaite adéquation avec les évolutions sociétales.

Très tôt, la SNCF a fait le choix de maintenir sa confiance en la traction électrique sur rails plutôt que de se lancer dans le train à sustentation magnétique, dont les essais se multipliaient en France. Cette technologie, qui a intéressé des pays comme l’Allemagne et le Japon, connaissait des aléas techniques et nécessitait une importante dépense énergétique. La crise pétrolière de 1973 a achevé de convaincre la SNCF de se lancer dans le tout électrique. Et c’est sous la houlette de Jean Dupuy, ingénieur et chef du projet TGV à la SNCF, que le train à grande vitesse français a vu le jour. Sa conception a été pensée non loin d’ici, M. Dupuy habitait rue Jean-Mermoz, et j’étais avec lui en 1975 quand il a pris la décision de construire un train à rames articulées, une innovation française. Les bogies se trouvent entre deux caisses, ce qui signifie que les rames sont dépendantes les unes des autres  et que les passagers ne sont plus gênés par les roues. La SNCF voulait que la nouvelle voie dédiée au TGV soit peu coûteuse, c’est-à-dire qu’elle comporte peu d’ouvrages d’art et aucun tunnel. Et justement, grâce à la conception de ces bogies (toujours en service aujourd’hui), le TGV est capable d’avaler les pentes remontées sur les lignes classiques. Depuis la mise en service du premier TGV, il n’y a pas eu un seul accident mortel et quand déraillement il y a eu, l’ensemble du train est resté solidaire, gage de sécurité pour les voyageurs.

Le TGV n’a pas cessé de multiplier les records de vitesse : 381 km/h en 1981 avant la mise en service commerciale du premier Paris-Lyon, 515 km/h sur la ligne à grande vitesse (LGV) Atlantique, et enfin 574,8 km/h en 2007 sur la LGV Est.

D’un point de vue environnemental, on peut vanter l’efficience énergétique du train à grande vitesse. Pour un kilo d’équivalent pétrole, il transporte 172 passagers par kilomètre, soit 7 fois plus que la voiture et 8 fois plus que l’avion, qui sont de gros consommateurs d’énergie. Parallèlement, en termes de gaz à effet de serre, en France, le train a réduit ses émissions de 1,8% entre 1990 et 2005 alors que, tous transports confondus, elles ont augmenté de 26%.

A mesure que de nouvelles lignes à grande vitesse ont été créées, le transport ferroviaire a supplanté l’aérien. Pour les trajets de deux heures (ex : Paris-Lyon), la part de marché du train atteint 90%. Dans certains cas, il n’existe même plus de liaison aérienne, comme pour Paris-Bruxelles qui se fait en 1h30 en train. Quand le trajet est de trois heures (Paris-Marseille ou Paris-Londres avant l’ouverture des nouvelles voies), la part de marché du TGV est encore de 65%. On considère que l’équilibre train-avion à 50/50 se fait à partir de quatre heures de trajet. Au-delà de quatre heures de trajet ou de 800 kilomètres,  l’avion prend le pas sur le train.

Les grands projets dans le monde

Les zones éligibles aux LGV sont assez nombreuses dans le monde. Pour qu’une zone le soit, on considère qu’il faut potentiellement pouvoir déplacer dix millions de passagers par an sur une distance de 500 kilomètres. Cela concerne aussi bien les Etats-Unis, l’Europe que l’Afrique du nord, certains pays d’Asie (Chine, Inde, Corée, Japon) ou l’Amérique du sud (Brésil et Argentine) où des millions de personnes se déplacent chaque année. Les projets fleurissent. En Chine, qui manque cruellement d’infrastructures, des projets grandioses sont actuellement à l’étude. Aux Etats-Unis, où onze LGV pourraient être construites en Californie, en Floride (entre Tampa et Orlando), sur la côte Est entre Washington et Boston ou encore autour de Chicago, on attend de connaître les décisions de la nouvelle administration Obama. Au Brésil, on parle d’une liaison entre Sao Paulo et Rio de Janeiro. Au Maroc, une ligne Casablanca-Rabat-Tanger avec éventuelle prolongation vers Agadir est à l’étude, avec le concours techniques des Français. Les équipes françaises travaillent actuellement à la création d’une LGV en Arabie Saoudite entre La Mecque et Médine. On parle aussi d’un train à grande vitesse en Russie entre Moscou et Saint-Pétersbourg (660 kms, 20 millions de voyageurs potentiels) et en Iran, entre Téhéran et Esfahan (30 millions de voyageurs annuels potentiels).

Le développement des LGV va aller crescendo. Alors que jusqu’à présent on construisait en moyenne chaque année 250 kms de voies à grande vitesse dans le monde, on projette d’en construire 550 kms dans les années à venir. Un kilomètre de ligne nouvelle coûte entre 15 et 20 millions d’euros, dont 62% en frais d’infrastructures, 9% en acquisition de terrains quant au coût d’exploitation, remarquons qu’ils sont seulement 4% pour les frais d’énergie. Une rame de 350 sièges coûte 30 millions d’euros, dont un million d’euros de maintenance par an. L’aménagement d’une ligne à grande vitesse pose aussi des questions d’aménagements du territoire que nous n’avions même pas envisagées dans les années 70. Le TGV a changé la manière de voir la France. Lille n’est plus qu’à 1 heure de Paris, et est presque devenue une banlieue de la capitale.

Un savoir-faire français mondialement reconnu

Le groupe SNCF s’est forgé une réelle expertise en matière de développement et de conception ferroviaire. Avec 1800 kms de voies, la France est le pays qui, avec l’Espagne, compte le plus de LGV. Alstom, le fabricant des TGV français, est le leader mondial des constructeurs de trains à grande vitesse. Dans ce domaine, le savoir-faire français est mondialement reconnu. Pour être une réussite, une ligne à grande vitesse doit certes s’appuyer sur la qualité de ses équipements, de son matériel, mais cela ne suffit pas. Il est aussi indispensable d’avoir des prévisions de trafic et des études techniques fiables, et il faut que son exploitation génère des flux financiers. L’ingénierie commerciale et l’ingénierie financière sont le nerf de la guerre. Combien de passagers, combien de rentrées financières ? Actuellement, le problème  des voies aux Etats-Unis est bien davantage une question d’ingénierie financière – trouver le bon partenaire financier – que d’ordre strictement technique.

Le succès des trains à grande vitesse réside aussi dans leur excellence opérationnelle, la qualité de service et un système de prix adapté. La SNCF a complètement remanié depuis 1990 son système de tarification, partant du principe que plus on anticipe et moins c’est cher, ce qui convient aux voyageurs occasionnels. Si on s’y prend tard, c’est plus cher mais aussi plus flexible. Résultat, on remarque que le train est souvent bien moins cher que l’avion. On peut partir à Genève de Paris pour 40 euros alors qu’il en coûte au minimum 77 euros par EasyJet et 170 euros par Air France.

En savoir plus …

Coté livres :

Coté Web :

http://www.industrie-technologies.com/ingenieurs/affichage.cfm?ID_m=1684406&cd=M&id=nom

http://blog.laviedurail.com/?page_id=12

http://fr.wikipedia.org/wiki/TGV

http://www.sncf.com/

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