L’AVENTURE DE L’OFFSHORE PETROLIER

Thème : ECONOMIE – SOCIETE                                                                                                                                                Mardi 25 Janvier 2011

L’aventure de l’offshore pétrolier

Par Jean Pépin-Lehalleur, Ancien directeur général de Doris Engineering, Membre de l’Académie de Marine

Dans le monde, les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) fourniront les trois quarts de l’énergie consommée en 2030, le pétrole en représentant déjà, à l’heure actuelle, 25%. Si les plus grands puits se trouvent on shore, en Arabie Saoudite, Irak, en Sibérie… une grande partie du pétrole se trouve toujours sous la mer. Environ 30% (soit 25 millions de barils/jour) de la production actuelle se fait offshore. On fore de plus en plus profond et, par conséquent, on trouve de plus en plus de pétrole. Mais cette production, très technologique, coûte cher. On ne peut engager de tels investissements si le baril est bas. A 100 $, et avec des prix qui devraient rester élevés – grâce à l’énorme demande chinoise, notamment –, les compagnies peuvent se permettre d’investir sur plusieurs années : il faut en moyenne sept ans entre la découverte d’un puits et la mise en production commerciale, et 3 000 puits offshore sont forés par an.

Pour exploiter un puits offshore, il faut relever plusieurs défis technologiques – et géopolitiques. On trouve du pétrole dans de nombreuses mers du monde, au large de l’Afrique, du Brésil, dans le Golfe du Mexique, autour de l’Australie, l’Indonésie, la Thaïlande, dans la mer du Nord (même si la saga touche à sa fin, les réserves s’épuisant)… mais les deux tiers des réserves se trouvent dans le golfe arabo-persique, une zone de forte tension géopolitique. A cela s’ajoute le fait que les compagnies internationales (IOC : International Oil Companies) n’ont accès qu’à 10% de la production mondiale, le pétrole étant entre les mains des NOC (National Oil Companies), qui leur imposent leur volonté, ce qui complexifie les projets.

Une grande aventure technologique

Le premier défi technologique consiste à repérer le pétrole. Pour étudier les fonds marins, on utilise les ondes sismiques : un bateau tire de grands câbles (les flutes) qui envoient des échos jusqu’au fond de l’océan, ce qui permet d’analyser les couches géologiques. Quand celles-ci montrent d’importantes ondulations, il est possible que du pétrole s’y trouve. Il y a encore dix ans, quand les analyses de terrain indiquaient la présence de couches de sel, on ignorait cette zone. Aujourd’hui, à l’inverse, on sait trouver du pétrole sous le sel : la technique évolue et l’on peut trouver du pétrole là où l’on pensait ne pas en trouver auparavant.

Deuxième défi : le forage. Le forage offshore est une opération compliquée et coûteuse, seul un forage sur sept permet de mettre au jour un champ, et la location d’une plateforme de forage offshore profond coûte 500 000 $/jour. Quand le sous-sol n’est pas trop profond, les compagnies utilisent des barges autoélévatrices qui s’appuient sur le fond de la mer. Par plus grande profondeur, ce sont des plateformes flottantes qui sont utilisées, soit sous la forme de semi-submersibles (une partie de la coque est situé sous le niveau de la mer), soit sous la forme de bateaux de forage (« drillships ») qui peuvent rester en positionnement dynamique grâce à des hélices. Le forage se fait à travers le « riser », un grand tube très lourd maintenu à la plateforme par des vérins énormes. Sous l’eau, le riser est connecté à un BOP (bloc obturateur de puits), le système de sécurité permettant d’éviter les éruptions. En cas de problème, le BOP ferme le puits et on déconnecte le riser. Dans le cas du puits BP dans le golfe du Mexique, ce système de sécurité n’a pas fonctionné, et l’éruption a provoqué la perte de la plateforme.

Quand le « bon réservoir » est trouvé et déclaré comme une découverte commerciale, on passe à la production. Jusqu’à 300 m de profondeur (75% de la production), on utilise des « jackets », des plateformes fixes, métalliques, qui s’appuient sur le fond de la mer. Ces plateformes gèrent l’extraction et le traitement du pétrole : ce qui sort du puits est un mélange de pétrole, de gaz et d’eau. Pendant longtemps, on ne savait pas quoi faire du gaz, et il était brûlé dans de grandes torchères. Désormais on sait le valoriser, l’envoyer à terre, le liquéfier, ou le réinjecter dans le sous-sol. Quant à l’eau, elle est traitée et rejetée en mer. Il peut subsister de micro traces d’hydrocarbures mais à des taux si faibles qu’il n’y a pas de risque de pollution.

Les plateformes offshore doivent résister à des conditions difficiles : les vagues, le courant, les parfois les icebergs…Le grand défi technologique est de pouvoir produire tous les jours quelles que soient les conditions. Sur place, jusqu’à 250 personnes pour les grosses plates-formes, travaillent par roulement (12 heures d’affilée), pendant plusieurs semaines de suite (l’hélicoptère est le seul moyen de rejoindre la terre ferme),  dans le bruit, le froid et le danger ; ils vivent sur une bombe.

La production en grande profondeur

Actuellement, la production en grande profondeur (au-delà de 500 m) prend un réel essor. C’est un domaine très technologique où les Français sont bien placés. Plusieurs types de plateformes flottantes existent. La tendance actuelle privilégie des têtes de puits sous-marines associées à des supports de surface flottants. Mais quelle que soit la solution choisie, la mise en œuvre de telles installations est très délicate. La production en grande profondeur génère ses propres difficultés : le mouillage (l’ancrage pose problème), la remontée des effluents (il faut maîtriser les écoulements de ce mélange multiphasique), les mouvements du support flottant (il faut des flexibles adaptés, gérer les mouvements du riser…), le chargement en mer entre deux supports flottants, les interventions sur les puits….

Il y a aussi de problèmes des différences de température, entre celle du pétrole sorti des couches géologiques à 100°C environet l’eau de mer qui est à 3°C au fond. Ces écarts peuvent provoquer des problèmes au niveau des tubes. Or, pour des raisons économiques (un arrêt de production se chiffre en millions de dollars) et de sécurité, il est vital que les tuyaux d’effluents se ne bouchent pas et soient toujours opérationnels. Le plus souvent, on utilise une double tuyauterie. En Angola, les Français sont en train d’expérimenter une installation sous-marine pour séparer, au fond de l’océan, les effluents. Ce pré-séparateur sous-marin doit régler de nombreux problèmes.

Pour produire les petits champs, on a eu l’idée de reconvertir un tanker en plateforme : le FDPSO (Floating Drilling Production Storage and Offloading) est une unité de forage flottante qui produit, stocke et exporte le pétrole en chargeant des pétroliers.

Sécurité et catastrophes

La sécurité des personnes et des installations est élevée mais le risque zéro n’existant pas, on a déjà assisté à des accidents, dont le plus récent est la perte de la plateforme BP Macondo (11 morts, l’équivalent de 5 millions de barils soit 780 000 m3 perdus en mer). Par le passé, on a connu d’autres catastrophes entraînant la perte de plateformes : Glomar Java Sea (85 morts, par la faute d’un typhon), Ocean Ranger (80 morts), Piper Alpha (200 morts), Alexander Krielland (défaut de la structure, 135 morts)… C’est dramatique, et heureusement très rare. La sécurité demeure un souci permanent.

Le puits d’exploitation BP Macondo, dans le golfe du Mexique, se situait à 70 km des côtes, et était dans  1 500 m de profondeur (le puits faisait  6 000 m au total). C’était un puits d’exploration dont l’exploitation, délicate, présentait un retard de quarante jours sur le planning. Les équipes finissaient de cimenter le puits – avec non ciment non testé – quand du gaz à haute pression est remonté vers la plateforme, qui a explosé et brûlé pendant deux jours avant de sombrer. Le riser, désolidarisé de la plateforme, s’est écroulé au fond de la mer. Pendant deux mois, le puits a craché son pétrole. Pour le boucher, il a fallu forer deux autres puits de déviation avec deux autres BOP (un seul fut réellement utilisé). Les dommages environnementaux, à court et long terme, se chiffrent en milliards de dollars.

Pour autant, l’exploitation du sous-sol marin ne fera que croître à l’avenir. De nouvelles zones restent à forer, et le futur défi de l’offshore sera l’exploitation de l’Arctique. Mais il conviendra aussi d’améliorer la production des champs existants, car on n’arrive encore à en extraire qu’une quantité limitée. Là encore, les Français innovent en la matière. L’aventure technologique n’est pas prête de s’arrêter.

En savoir plus …

Coté Livres :


Coté Web :

http://www.ifremer.fr/drogm_uk/Realisation/Vulgar/petrol.htm

http://fr.wikipedia.org/wiki/Plate-forme_p%C3%A9troli%C3%A8re

http://www.academiedemarine.com/activites/aff_conference.php?num=119

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