LA NAISSANCE DES GRATTE-CIEL, l’école de Chicago 1860-1920

Thème : ECONOMIE – SOCIETE                                                                                                                                                       Mardi 27 Mars 2007

La naissance des gratte-ciel, l’école de Chicago 1860-1920

Par Claudine Riou – Professeur agrégée d’Histoire

Véritables institutions aux Etats-Unis, les « skyscrapers » – littéralement immeubles qui veulent gratter le ciel – montrent l’ambition, voire l’orgueil de l’Amérique. C’est à Chicago qu’a été inventée l’architecture moderne, aux abords du lac Michigan et de la rivière Loop. Pourquoi Chicago ? Les causes sont multiples. Chicago est située à 200 km à l’ouest des grandes villes côtières, à proximité des grands lacs qui constituent de véritables mers intérieures. Ces surfaces sont accessibles par la mer, via le fleuve Saint-Laurent (Canada). Grâce à de récents aménagements, Chicago est aujourd’hui un port de mer.

Au début du XIXe siècle, Chicago (qui vient d’un mot indien) n’était qu’un poste de trappeurs où s’arrêtaient les commerçants qui remontaient le Mississippi. Au lendemain de la guerre de Sécession et de la victoire des Etats du nord, Chicago bénéficie de l’essor industriel prodigieux qui secoue ces régions et s’impose sur Saint-Louis comme plaque tournante du commerce du Mid West. Sa population passe de 300 000 habitants en 1870 à 1,7 million en 1910. Les céréales des Grandes Plaines arrivent à Chicago, où elles sont transformées et acheminées vers tout le pays. Tout naturellement, les usines de transformation se multiplient et l’industrie mécanique (engins agricoles) s’y développe, ainsi que la sidérurgie et les services.

L’âge de pierre et de la fonte

En 1871, le centre de Chicago, constitué de maisons en bois, est ravagé par un incendie. Ce désastre fait le bonheur des architectes, qui décident de construire en hauteur. Les magnats de l’industrie ont besoin de grands bâtiments pour leurs activités. Encore faut-il trouver les matériaux qui permettent ce type de construction. Ce sera chose faite avec la fonte qui,  couplée avec la pierre, permettra l’édification des premiers immeubles, à l’image du « Delaware » en 1874. Les styles néo-roman et néo-gothique des bâtiments viennent d’Europe car les architectes américains ont appris leur métier sur le Vieux Continent, et plus particulièrement aux Beaux-Arts à Paris. En 1885,  le « Rookery » dispose de l’organisation ternaire d’inspiration Viollet-Le-Duc qui prévaudra par la suite avec une base, un fut et le sommet (l’« attic ») où se trouvent les bureaux. L’intérieur du building est en fonte, l’extérieur en pierre agit comme une enveloppe très solide, telle une coquille d’un crustacé. Cette structure très lourde ne permettait pas de monter au-delà de dix-sept étages maximum (l’immeuble « Monat Nok »).

L’acier impose un nouveau style

C’est la substitution de la fonte par l’acier qui permettra de monter bien plus haut et de construire les premiers gratte-ciel. Les immeubles de deuxième génération n’ont  plus besoin d’être soutenus par la pierre. Des immeubles plus légers et plus hauts voient le jour. En 1885, le premier gratte-ciel est achevé. Le « Home Insurance Building », conçu par William LeBaron Jenney (un élève de Viollet-Le-Duc à Paris), dispose d’une structure en acier et d’un mur « rideau » qui ne sert plus qu’à habiller l’ensemble. La pierre sert désormais de décoration. La structure « crustacé » fait désormais place à une structure en nid d’abeille modulable à l’infini. L’intérieur peut être aménagé tel que le souhaite le commanditaire.  Ces immeubles en acier présentent un avantage certain pour les commerçants car ils peuvent être ouverts sur l’extérieur grâce à de grandes baies vitrées. De grandes vitrines attirant le regard des passants dans la rue font leur apparition. En 1895, c’en est fait de l’immeuble compassé. A l’image du « Santa Fé », les buildings se font légers.

Chicago devient la capitale de l’architecture moderne. Les agences d’architectes se multiplient. Ils inventent notamment des fenêtres adaptées à ces structures en acier. « La fenêtre de Chicago »  comprend deux petites fenêtres à guillotine qui peuvent s’ouvrir et un large ensemble central qui demeure fermé. Tout l’espace entre les piliers et les poutres d’acier reste donc ouvert. Louis Sullivan, déjà concepteur de l’ « Auditorium Building » qui abrite une des premières salles de cinéma au monde, un hôtel et des bureaux, signe le magasin « Carson Pirie ». Le décor est très travaillé, avec des motifs stylisés relatifs aux plantes. L’entrée, très art-déco, est savamment décorée de motifs en fonte au-dessous de portes en bois.

Les maisons prairies, autre innovation de Chicago

Après vingt années de fulgurances architecturales, l’expérimentation connaît, au début du XXe siècle, un coup de frein. A Chicago, l’inventivité disparaît derrière la nostalgie du passé. Lors de l’exposition internationale organisée en 1893 et censée célébrer les 400 ans de la découverte de l’Amérique du nord par Christophe Colomb, les bâtiments temporaires sont garnis de coupoles, d’acropoles, etc. En 1921, lorsque le Chicago Tribune lance un concours pour la construction de son nouveau siège, le journal local reçoit plus de cent réponses du monde entier. Quatre projets sont sélectionnés. Certains sont très novateurs. Mais c’est le plus « rétro » qui est finalement retenu. Dans un style art-déco, il alterne le sombre et le clair, avec une succession de dalles et de fenêtres. Tout l’immeuble est en acier, le reste n’est qu’un mur rideau, une fantaisie décorative. A proximité du « Tribune », l’immeuble « Wrigley » a ceci d’original qu’il est en deux parties,  dont l’une est en forme de trapèze.

Alors que les gratte-ciel se sont emparés du centre de Chicago, des architectes  qui refusent de travailler en hauteur imposent au début du XXe siècle leur style dans l’habitat individuel. Chicago est aussi reconnue pour ses maisons de plain-pied toutes en horizontalité, faites d’avancées, de pignons, d’auvents. Ce style « maisons prairie » inventé par Frank Lloyd Wright, l’un des fondateurs de l’architecture moderne,  est une synthèse très réussie entre la maison américaine traditionnelle, la référence aux grandes plaines du Mid West et à l’habitat japonais.

Si vous vous rendez à Chicago, profitez-en pour levez les yeux vers le ciel et admirer ces gratte-ciel, dont certains très anciens ont été classés monuments historiques. Ne manquez pas non plus le musée Art Institute et les maisons de Frank Lloyd Wright, car Chicago mérite bien sa réputation de capitale de l’architecture moderne.

En savoir plus …

Coté livres :

Gratte-ciel du monde

Auteur : Judith Dupre

Editeur : Könemann

ISBN-10: 3-8331-1201-8

http://www.decitre.fr/livres/Gratte-ciel-du-monde.aspx/9783833112010

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Architecture_%C3%A0_Chicago

http://voyages.liberation.fr/grandes-destinations/chicago-gardienne-d-immeubles

http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_plus_hautes_constructions_de_Chicago

http://www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=4277

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