LA MARINE MARCHANDE FRANÇAISE

Thème : ECONOMIE ET SOCIETE                                                                                                                                                       Mardi 9 mars 2004

La marine marchande française

Par M. Bernard Cassagnou – Capitaine au long cours – Docteur en histoire du monde contemporain

La marine marchande, qu’est-ce que c’est ?

La marine marchande est une flotte de commerce mais c’est également une véritable industrie puisqu’elle concourt à la production de richesses avec ses activités annexes (constructions navales et activités portuaires). La marine est également une activité de service du fait que la prestation première des armateurs est le transport par mer des passagers et des marchandises. Il existe des navires à passagers de toute taille, du plus petit – les bacs  de traversée – aux grands transatlantiques tels que le Normandy qui, jusqu’en 1939, ont transporté des milliers d’émigrants vers les Etats-Unis. Après la Seconde Guerre Mondiale, l’essor de l’aviation civile provoqua la disparition des grands transatlantiques, hormis le Queen Mary.  Pour le transport de passagers, il ne subsiste que les paquebots de croisière et les paquebots transbordeurs comme ceux utilisés en Manche, auxquels il faut ajouter les aéroglisseurs. Pour être complet, la marine marchande comprend également la marine de service avec un nombre important de remorqueurs, de bateaux pilotes, de dragues et de baliseurs.

Son importance dans l’économie mondiale

Le fait majeur de notre époque est moins le développement de l’industrie de transformation que le développement des transports », analyse un rapport de l’OCDE. Après la Seconde Guerre Mondiale et jusqu’en 1973, on assiste à une véritable révolution dans les échanges de marchandises. En  50 ans, le transport par mer a été multiplié par dix et a modifié ainsi l’organisation des transports. A la fin des années 60 est apparue la containérisation qui est une révolution aussi importante que la navigation à vapeur au XIXe siècle : gain de place, transport porte à porte et sécurisation renforcée. Les chocs pétroliers de 1973 et de 1980 entraînèrent cependant une diminution du transport du vrac. Cette régression dura jusqu’en 1988. Les entreprises utilisèrent tous les moyens pour survivre : diminution de la vitesse des navires, transfert sous pavillon de libre circulation… Le commerce maritime reprit en 1993 grâce aux échanges avec l’Asie. Mais jusqu’en 1996, l’Union Européenne n’a pas maîtrisé le contrôle de son transport maritime. La situation fut encore pire pour la flotte française.

Evolution de la flotte française

La marine marchande française a été détruite aux deux tiers pendant la Seconde Guerre Mondiale. Deux grandes mutations marquèrent la fin du siècle : l’une positive jusqu’en 1978 suivie d’une longue période de crise. La récession dura jusqu’en 1990, avec une nette diminution du nombre des navires et des réductions massives d’effectifs : le nombre de personnel navigant fut divisé par deux.

Quel est l’héritage du passé ? Contrairement aux Portugais et aux Espagnols qui désenclavèrent l’Europe en se lançant à la conquête de l’Amérique, la France n’eut jamais de politique maritime à proprement parler. La flotte connut une expansion avec Colbert et Louis XVI mais c’est surtout lors de la conquête de l’Algérie que la France se dota d’une marine marchande avec, en 1836, la naissance de la compagnie Freyssinet. Sous Napoléon III, de grandes compagnies prirent leur essor. En 1861, la compagnie des frères Pereire assurait les services postaux avec l’Amérique. Sous l’impulsion de Jules Ferry, les armateurs participèrent au transport maritime français. Les lignes se multiplièrent, établissant des liaisons avec les côtes d’Afrique, avec Nouméa, Panama et les côtes sud atlantique. Mais  le tonnage du transport français diminuait progressivement. En 1865, la marine française assurait 42%  du  transport international contre 24% en 1914.

La mutation positive

Dès la fin 1944, un programme de reconstitution fut voté et les lignes traditionnelles furent rétablies en 1957. A la fin des années 50, deux défis restaient à relever : la décolonisation et la concurrence de l’aviation. La marine française manquait de compétitivité face à la concurrence. Alors, en 1961, le Premier ministre Michel Debré lança un programme d’aide à l’armement naval. Ce fut le point de départ d’une politique maritime ambitieuse et cohérente avec, en 1971, un plan de relance suivi, en 1975, d’un plan de croissance. L’accroissement du potentiel de la flotte fut spectaculaire, le retard fut rattrapé. La deuxième orientation du programme passait par la poursuite d’un prix de revient compétitif  avec la modernisation de l’outil de production comprenant la construction en séries, l’augmentation de la taille et la containérisation. La troisième orientation fut la recherche de nouveaux marchés et la création de nouveaux trafics. Mais les difficultés étaient multiples : prolifération des flottes, montée des protectionnismes, augmentation du nombre de navires immatriculés sous pavillons étrangers, absence de politique européenne, manque de compétitivité des ports, faiblesse des lignes régulières…

La crise de la marine française

Les années 1980 marquèrent la fin du plan de croissance. Avec la baisse des besoins, la réduction des importations de pétrole, et une augmentation de la mondialisation, l’Etat n’avait plus besoin de la marine marchande pour rétablir la balance commerciale. Il se désengagea vis à vis des armateurs qui s’endettèrent de plus en plus. La récession les frappa de plein fouet. Plusieurs causes peuvent expliquer cette crise du secteur : absence de politique européenne, rigidité des syndicats du personnel, indifférence de l’opinion publique, désintérêt de l’Etat. En 2002, la France n’était que 29e dans le classement du commerce international maritime. Pour survivre, les compagnies durent fusionner. La compagnie générale maritime devint la « CMA CGM the French Line ».

Vers une stabilisation

En l’an 2000,  50% des échanges sont assurés par voies maritimes, avec 215 navires, 10 millions de tonnes de port en lourd et 100 millions de tonnes de marchandises transportées. La filière du transport maritime est indispensable à la filière du transport portuaire, les lieux où elle s’exerce appartenant à des zones fragiles en emploi. Il est impératif de maintenir un nombre suffisant d’équipages. Les officiers français demeurent un vivier intéressant du fait de leur compétence. La marine marchande entre dans le XXIe siècle avec des atouts : croissance du tonnage et une flotte rajeunie. Il faut croire à la potentialité de France dans ce domaine.

En savoir plus … Sites à visiter :

http://www.minefi.gouv.fr/notes_bleues/nbb/nbb256/256_hcm.htm

http://www.marine-marchande.com/

http://www.marine-marchande.net/

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