CLIMAT D’HIER ET DE DEMAIN, le climat de la France en 2100

Thème : ECONOMIE ET SOCIETE                                                                                                                                               Mardi 28 Mars 2006

Climat d’hier et de demain, le climat de la France en 2100

Par  Francis Grousset – Directeur de recherche au CNRS

On ne peut pas comprendre la façon dont on travaille sur les prévisions sans comprendre les climats passés. Contrairement à la météorologie qui fait des prévisions à quelques jours sur des échelles régionales, la climatologie travaille sur des siècles, des milliers d’années, sur une échelle globale.

Le climat depuis un million d’années

La paléoclimatologie permet de déterminer quel fut le climat de la Terre depuis des centaines de milliers d’années. Deux zones terrestres accumulent de telles informations : les glaces continentales, essentiellement au Groenland et en Antarctique, et les sédiments au fond des océans.

Les paléoclimatologues prélèvent des carottages dans la glace ou les sédiments. En remontant une carotte de 3,24 km de glace, on a pu remonter jusqu’à un million d’années. En analysant trois éléments qui sont contenus dans la glace (les poussières, les différents gaz, l’oxygène contenue dans l’eau) on peut déterminer quel fut le climat à une période donnée. Les proportions en enzytopes contenues dans l’oxygène sont en effet directement liées à la température qu’il faisait au moment de la formation de cette glace. Par ailleurs, on radiographie les sédiments marins pour en étudier la composition. On sait que le plancton se dépose davantage en période chaude. Une forte proportion de sable, amené par les mouvements des icebergs, montre la présence d’une période froide.

En remontant à – 400 000 ans, on sait que la température a varié de +2°C à -8°C par rapport à une moyenne donnée. Tous les 100 000 ans, un réchauffement lent est suivi d’une chute rapide, qui correspond à une période glaciaire. Lors de la dernière glaciation (- 80 000 ans), les glaces ont recouvert une surface immense de l’Atlantique Nord qui allait de New York à Londres. Cette masse de glace avait provoqué une baisse du niveau des océans de 130 mètres. Ce coup de froid a eu un impact considérable en Europe sur les populations : on ne retrouve plus de trace d’art rupestre postérieure à cette glaciation, ce qui signifie que les hommes préhistoriques ont dû se déplacer pour survivre.

Le climat depuis 2 000 ans

Outre les carottes glaciaires, les carottes marines, on se sert aussi de données historiques pour déterminer le climat d’une région à une période donnée. Emmanuel Leroy-Ladurie a ainsi pu déterminer quel était le climat en France au XVIIIe siècle en étudiant le début des vendanges. Plus elles étaient tardives, plus il avait fait froid.

Cette technique fiable a permis de remonter plusieurs siècles en arrière, bien avant l’apparition du thermomètre (1650). L’étude des cernes des arbres – l’androchronobiologie – permet aussi de savoir quel fut le climat : une année chaude donne une cerne large, une année froide donne une cerne étroite. Grâce à de telles données on sait que vers  l’an mil, il y avait eu un radoucissement tel que les Vikings débarquant au Groenland l’ont nommé « Green land » (verte terre), les icebergs de la côte est ayant disparu. A partir de 1500, en revanche, l’Europe est entrée dans un petit âge glaciaire, jusqu’à la fin du XXe siècle.  Sur les mille dernières années, l’écart de température a varié de -1°C à +1°C par rapport à la moyenne globale. Un écart naturel directement lié à l’activité solaire et la position de l’orbite terrestre par rapport au soleil.

Un réchauffement qui s’accélère

Les Nations Unies ont mis sur pied un groupe de travail d’un Groupe d’Experts sur l’Evolution du Climat (GIEC) qui rend son rapport tous les six ans. Les dernières données montrent qu’en 1900, le climat mondial était plus froid de 0,5°C par rapport à la moyenne du XXe siècle. En 2000, on se situait à +0,5°C par rapport à cette moyenne. Le réchauffement s’est accéléré ces dernières années.

Les conséquences ne sont d’ores et déjà pas négligeables : le Kilimandjaro n’a presque plus de neige et les glaciers continentaux reculent. La fonte des glaces a provoqué une élévation du niveau des mers de 15 cm. A l’heure actuelle, nous sommes sortis de la variabilité naturelle. L’étude des glaces de l’Antarctique montre que la quantité de gaz carbonique a toujours été comprise entre 180 ppm (variable basse) et 280 ppm (variable haute). Nous en sommes à 380 ppm.

Le climat de la Terre se réchauffe en raison de l’activité humaine qui génère une intensification des gaz à effet de serre. Il s’agit au départ d’un phénomène naturel qui favorise la vie sur Terre, une partie des infrarouges rebondissent des nuages vers le sol et le réchauffent. Plusieurs gaz ont pour effet d’augmenter ces infrarouges : le gaz carbonique, le méthane et les CFC. L’émission de gaz carbonique (CO2) est liée à l’activité industrielle, aux transports, à l’agriculture, à la consommation de charbon, de pétrole… Le méthane est produit par des zones humides (barrages hydrauliques notamment), par les ruminants (vaches, chameaux…) et les termites (4% de la production).

Le climat de demain

Pour comprendre quel sera le climat en 2100, nous faisons des simulations en partant de modèles imitant la réalité. Pour cela, nous faisons des « mailles » sur l’ensemble du globe et utilisons l’Earth Simulator, un ordinateur japonais qui calcule 40 milliards d’opérations par seconde. La production d’effet de serre étant directement liée à la population mondiale, il  est important d’intégrer des projections telles que le nombre d’habitants en 2100, qui est estimé à 13 milliards d’habitants. Nos modèles intègrent des quantités différentes d’émissions probables de CO2 : une hypothèse pessimiste (on continue comme maintenant), une hypothèse optimiste (on agit pour réduire la production de gaz carbonique).

La quantité de CO2 est actuellement de 380 ppm. Elle sera en 2100, hypothèse pessimiste, de 900 ppm. L’hypothèse optimiste montre que cette quantité montera tout de même à 500 ppm, en raison du phénomène d’inertie. Les températures devraient s’élever de +1,5 à +2°C  (hypothèse optimiste) sur l’ensemble du globe et jusqu’à +6°C (hypothèse pessimiste). Une telle accélération est totalement inédite.  Une élévation de 5°C d’ici 2100 aurait pour effet d’accroître les périodes caniculaires.

A partir de 2050, la canicule de 2003 sera considérée comme un été frais. Les précipitations seront modifiées, les zones équatoriales et polaires étant plus humides, l’Europe perdant 25% de précipitations. Le niveau des océans s’élèvera de 20 cm à 1 mètre. Venise, le Bangladesh et de nombreux atolls se trouveront sous l’eau. Mais ce réchauffement de 5°C ne sera pas homogène sur l’ensemble du globe. En Sibérie ou dans le Nord Canada, il pourrait atteindre +10°C mais la température pourrait baisser d’un degré dans certaines zones de l’Hémisphère sud.

Les conséquences probables en France

En restant sur une hypothèse pessimiste d’une augmentation de 5°C en 2100, la pluviosité subira de forts contrastes. Il pleuvra plus en hiver (+15% par rapport à 2005) mais beaucoup moins en été (-25%). Bordeaux se retrouvera avec l’actuel climat de l’Andalousie. Le cabernet merlot ne pourra plus être produit dans le Bordelais mais en Cornouailles ou en Belgique. L’élévation du niveau des océans provoquera une augmentation des zones inondables, provoquant la disparition de la Camargue ou du Cap-Ferret.

Mais, à l’inverse, risquons-nous une glaciation subite en raison de la fonte des icebergs du Groenland ? Certains annoncent que l’apport de cette quantité d’eau douce dans l’Atlantique va modifier les courants marins et provoquer l’arrêt du Gulf Stream qui tempère le climat européen. Pour autant, des physiciens ont récemment montré qu’il faudrait trois siècles pour faire fondre ces icebergs et que cela n’entraînerait une chute de température que d’un degré. On s’achemine donc vers une France bien  plus chaude qu’actuellement.

Que faire ?

Améliorer les modèles

Diminuer les émissions de gaz à effet de serre

Développer les énergies alternatives non productrices de gaz à effet de serre, l’hydro-électricité (mais cela crée du méthane), l’énergie solaire, l’éolien, l’énergie des vagues et des courants marins, le nucléaire (mais subsiste le risque d’accidents et du traitement des déchets), les moteurs à hydrogène, les biocarburants…

Ce qui est positif, c’est qu’il y a maintenant une vraie prise de conscience des gouvernements et des opinions et que les recherches sur les technologies alternatives s’accélèrent.

En savoir plus …

Coté livres :

L’Effet de serre : Allons-nous changer le climat ?

Auteur : Hervé Le Treut, Jean-Marc Jancovici

Editeur: Flammarion

ISBN-10: 2080800817

http://www.amazon.fr/LEffet-serre-Allons-nous-changer-climat/dp/2080800817

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Climat