UN ORGUE A VENT, COMMENT CA MARCHE ?

Thèmes : Art, Musique, Sciences                                                                                       Conférence du mardi 19 novembre 2019.

UN ORGUE A VENT, COMMENT CA MARCHE ?

Par Monsieur Jean-Marie REVEILLE, ingénieur, ancien expert acoustique RENAULT SA.

INTRODUCTION

L’orgue est un instrument à vent multiple dont la caractéristique est de produire les sons à l’aide d’ensembles de tuyaux sonores accordés suivant une gamme définie et alimentés par une soufflerie. C’est un instrument la plupart du temps très lourd, impossible à transporter, encombrant, coûteux et difficile à entretenir. Pourtant, la France est un des pays qui compte le plus d’orgues et de très nombreuses églises et cathédrales en possèdent un.

I – Brève histoire de l’orgue.

Le premier orgue a été inventé par le savant grec Ctésibios au IIIe siècle avant J-C. Cet ancêtre, baptisé hydraule, fonctionnait avec de l’eau, celle-ci servant à obtenir de l’air sous pression pour alimenter les tuyaux. L’hydraule comporte déjà un clavier, des soupapes et des pistons. Cet instrument accompagnait les combats de gladiateurs dans les amphithéâtres romains. Pétrone dira que l’essedaire, gladiateur qui combattait sur un char, coordonnait ses gestes à la musique de l’hydraule. Néron et ses successeurs seront de fervents admirateurs de l’orgue. Avec les invasions barbares du Ve siècle, l’orgue disparaît. On mentionne à nouveau l’orgue en 757 lorsqu’on en offre un à Pépin le Bref. Du XIIIe au XVe vont apparaître les progrès techniques qui susciteront le développement du répertoire. Ainsi, sera inventé l’abrégé qui permettra de regrouper les touches en un clavier. Le pédalier fera également son apparition : une pédale indépendante est attestée dès le XVIe siècle. Durant cette période le buffet se développera, les claviers deviendront multiples et on a la possibilité de différencier les jeux permettant ainsi de faire plusieurs instruments en un seul.

Du début du XIVe siècle jusqu’au milieu du XVIIIe les progrès techniques se poursuivent et permettent de diversifier le répertoire. L’orgue atteint son apogée au cours des XVIIe et XVIIIe siècles dans les principaux pays européens (Italie, France, pays germaniques, Pays-Bas et Espagne). A l’époque baroque, l’orgue présente un des sommets de la technologie, seuls certains instruments d’horlogerie ou de serrurerie peuvent atteindre une complexité comparable.

La France est un des pays qui possède le plus grand nombre d’orgues, huit mille dont mille deux cents en Alsace et deux cents à Paris. Le plus grand orgue de France est celui de l’église Saint-Eustache à Paris et un des plus originaux celui de l’Alpe d’Huez qui a la forme d’une main géante. Quant-à l’orgue Clicquot de la cathédrale Saint-Etienne de Poitiers il est un des rares dont les tuyaux sont d’origine.

II – Composition d’un orgue.

Chaque orgue est un ouvrage unique. Il est adapté au local qui l’abrite, à sa destination musicale et souvent liturgique et à l’importance du budget qui a pu lui être consacré. L’orgue est fabriqué sur mesure et à la main. C’est un instrument qui requiert le concours de nombreux artisans comme des ébénistes, des soudeurs, des marqueteurs etc. Son coût est extrêmement élevé, jusqu’à un million d’euros, et son entretien est lui aussi très onéreux (environ 200 000 euros). De nos jours, en France, on trouve encore des facteurs d’orgue comme Bernard Aubertin.

Quelque soit la taille de l’instrument, l’orgue est composé d’une console, regroupant claviers et commandes ; une soufflerie, regroupant réservoirs et production de vent ; un sommier, permettant l’accès du vent aux tuyaux et une tuyauterie englobant le matériel sonore.

Ces éléments peuvent être regroupés en totalité ou en partie dans un meuble appelé buffet. Il peut y avoir plusieurs buffets distincts. Dans les églises le buffet peut être situé à différents endroits plus ou moins favorables à l’acoustique. La position la plus commune est en tribune, au dessus du portail occidental. Mais, il peut être en nid d’hirondelle, à même le sol dans le chœur, sur le jubé au dessus de l’autel et de la chaire ou au transept. Les orgues jouant souvent un rôle décoratif important, ils constituent souvent une œuvre d’ébénisterie très travaillée témoignant du style de son époque. D’un point de vue technique, le buffet joue un rôle essentiel de porte-voix et de résonateur.

La console est un autre élément qui compose l’orgue. C’est l’organe de commande de l’instrumentiste. La console regroupe le ou les claviers, le pédalier, les appels de registres, les appels ou annulations de jeux de combinaisons, les accouplements, les tirasses, le ou les pédales d’expression, le rouleau d’introduction progressive des jeux, les commandes du combinateur et le banc sur lequel s’assoit l’organiste.

Autre élément clé, le sommier. Ce dernier est le cœur de l’instrument car c’est lui qui fournit l’air sous pression aux tuyaux sonores en fonction des touches actionnées et des régimes sélectionnés par l’instrumentiste. Le vent arrive à la partie inférieure du sommier dans une sorte de caisson étanche, la laye, dont il peut sortir par des soupapes actionnées par l’organiste. La tige qui tire une soupape pénètre dans la laye au travers d’une petite bourse en cuir très souple qui assure l’étanchéité tout en permettant le mouvement. Il existe deux types de sommiers, ceux à trébuchet et ceux plus fréquents à registres coulissants. Un orgue peut comporter plusieurs sommiers sous différentes pressions et peut contenir quelques centaines de tuyaux pour les petits orgues portatifs et jusqu’à près de 10 000 tuyaux pour les très grands instruments.

La transmission est l’ensemble des organes qui transmettent aux soupapes situées dans le sommier le mouvement de la touche qui est appuyée par l’organiste. A l’origine la transmission était mécanique mais à partir du XIXe siècle, les principes de transmission se multiplient : à tige en bois, à câble, pneumatique, électrique avec éventuellement une mécanique assistée par une machine Barker pour diminuer l’effort sur les touches. De nos jours on utilise un moyen électronique car la machine Barker, créée à la fin du XIXe, avait tendance à tomber facilement en panne, mais on conçoit encore des orgues entièrement mécaniques sans assistance à la façon des orgues  du XVIIIè siècle, exemple à Paris, celui de Saint Louis en l’ile.

Enfin on trouve les tuyaux qui assurent l’émission sonore. Les tuyaux reçoivent à leur base l’air sous pression venant du sommier. Les tuyaux diffèrent entre eux par de nombreux paramètres comme la matière, les tuyaux pouvant être en bois, cuivre, acier, plomb et étain ; la longueur qui peut varier de quelques millimètres jusqu’à plus de dix mètres, la taille, la forme qui peut être conique, carrée, cylindrique etc. Par ailleurs, le tuyau peut être ouvert ou fermé.

On trouve deux types de tuyaux, les tuyaux à anches et les tuyaux à embouchure de flûte. Ces derniers sont plutôt mono fréquence et doux pour un tuyau donné  alors que les tuyaux à anche sont plus riches en harmoniques et criards.

Un jeu est constitué d’un ensemble de tuyaux, entre 56 et 61 tuyaux pour les claviers manuels, une trentaine pour le pédalier, sonnant de façon semblable tout au long du clavier.

Ces jeux portent des noms définissant plus ou moins leur sonorité : bombarde, trompette, violon, flûte, gambe, voix humaine…… Sur les petits orgues, on en trouvera quelques-uns, leur nombre peut atteindre plus d’une centaine sur les grands orgues et tout l’art de l’organiste est de les choisir en fonction de ce qu’il veut exprimer musicalement : un seul jeu doux ou à l’extrême, l’ensemble des jeux soit pour une touche de clavier, des centaines de tuyaux.

III – L’orgue et les organistes.

Beaucoup de compositeurs ont travaillé pour l’orgue, le plus célèbre d’entre eux est Jean-Sébastien Bach. Il a adapté par ailleurs à l’orgue de nombreuses œuvres. La période baroque est très prolifique puis après une période d’oubli, Mendelssohn, à la fin du XIXe siècle, remet à la mode les compositions de Bach et écrit lui-même quelques œuvres. De nombreux musiciens ont été organistes comme ce fut le cas de Mozart, Chopin ou Beethoven.

Au XXe siècle, de très nombreux organistes français célèbres ont durablement influencés la création, l’interprétation et la diffusion de la musique d’orgue ainsi que la facture instrumentale : on peut nommer ici des disparus fameux comme Jean Guillou, Michel Chapuis, André Isoir et Marie Claire Alain, remplacés par de très nombreux jeunes organistes brillants issus de conservatoires français mondialement réputés.

C’est pour soutenir puis remplacer la polyphonie que commence la musique d’orgue. Très tôt il fallut combler les temps morts de l’office par des préludes, interludes etc qu’il faut improviser. En effet, chaque prêtre a son rythme pour célébrer la messe et l’organiste se doit d’être un bon improvisateur, d’autant plus qu’avant le XVIIe siècle les pièces pour orgue ne sont pas imprimées.

Chaque organiste connaît particulièrement bien son instrument car c’est une pièce unique, c’est pourquoi quand un organiste doit jouer sur un orgue qui n’est pas le sien il doit s’entraîner quelques jours auparavant.

CONCLUSION

L’orgue est une véritable œuvre d’art de par sa complexité, sa taille et son coût.

C’est un des rares instruments de musique qui ne soit pas transportable, de ce fait quand on visite une église ou une cathédrale il est aussi intéressant d’admirer l’orgue et de profiter d’une éventuelle visite guidée. Par ailleurs, de nombreux concerts gratuits ont lieu dans les différents lieux de cultes à travers la France et spécialement à Paris.

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