TOULOUSE-LAUTREC, PEINTRE DE LA FEMME

Thème: Art, Peinture,Société                                                                                                                               Mardi 10 avril 2018.

TOULOUSE-LAUTREC, PEINTRE DE LA FEMME

par Madame Renée BONNEAU, agrégée de Lettres Classiques, professeur émérite.

INTRODUCTION

Henri de Toulouse-Lautrec est un des plus célèbres peintres, illustrateur et dessinateur de la fin du XIXe siècle. Son handicap, assumé avec courage et humour, qui le prive des joies d’une vie physique à laquelle le destinait sa naissance, « si j’avais eu le jambes plus longues je n’aurais jamais fait de peinture » en fera le peintre du mouvement, celui des sportifs, des cavaliers, des artistes du cirque et de la danse.

Ne pouvant, à cause de ce même handicap, espérer être aimé des femmes, il en fera le sujet privilégié de sa peinture.

 I – Une brève biographie.

Henri Marie de Toulouse-Lautrec est né en 1864 à Albi, dans une des plus anciennes familles aristocratiques de France. Il connaît une enfance heureuse jusqu’à ce que sa maladie soit diagnostiquée, en 1874. Il est atteint de pycnodysostose, une maladie génétique due à la consanguinité de ses parents, qui sont cousins germains au premier degré. Cette maladie affecte le développement des os et il en résulte que son tronc est normal mais que ses membres sont très courts. Il ne dépassera pas 1,50 mètre.

Après son baccalauréat, il étudie la peinture, d’abord auprès de René Princeteau, un artiste animalier, dans son atelier de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, puis en 1882 dans l’atelier de Léon Bonnat et enfin dans celui de Fernand Cormon où il reste jusqu’en 1882. C’est là qu’il rencontre Van Gogh, Emile Bernard ou Louis Anquetin. Cependant, c’est Degas qui l’influencera le plus.

En 1884 il s’installe à Montmartre, quartier des artistes par excellence. Montmartre inspirera profondément l’artiste, ainsi ses peintures décrivent la vie au Moulin Rouge et dans d’autres cabarets et théâtres montmartrois ou parisiens et des maisons closes dont il est le fidèle client.

Il boit beaucoup et en 1899, il est frappé d’une crise de delirium ce qui entraîne son internement. Pour prouver aux psychiatres qu’il est guéri, il réalise de mémoire une trentaine de ses dessins. Il meurt en 1901 au château Malromé à Saint-André du Bois.

Toulouse-Lautrec est très productif ainsi on peut compter quelques 737 peintures, 275 aquarelles, 369 lithographies dont de très célèbres affiches d’artistes du Moulin Rouge et environ 5000 dessins. Un grand nombre de ses œuvres se trouvent au musée d’Albi.

II – Toulouse-Lautrec et les femmes.

Le premier modèle est sa mère, à laquelle l’unit une profonde affection. On lit sur ses portraits la tristesse  due à l’indifférence de son excentrique mari, qui n’a jamais accepté le handicap de son seul héritier, et à l’inquiétude de voir son fils ruiner sa santé dans  l’alcool.

Toulouse-Lautrec n’aime pas les modèles professionnels qui, selon lui, ne sont pas naturelles dans leurs poses, c’est pourquoi un de ses  premiers modèles est une femme quelconque, Carmen Gaudin croisée dans la rue et dont la rousseur l’a frappé. et à la fin de sa vie il peindra encore une rousse, toujours inconnue, une simple modiste. Si Toulouse-Lautrec représente des inconnues il représentera aussi des femmes célèbres notamment Jane Avril, de son vrai nom Jeanne Beaudon (1868-1943), la chanteuse Yvette Guilbert et surtout Louise Weber, plus connue comme la Goulue, qu’il immortalisera dans ses affiches du Moulin Rouge.

Il côtoie également Suzanne Valadon, elle-même artiste et future mère du peintre Utrillo. Fille naturelle d’une blanchisseuse, Suzanne Valadon devient acrobate de cirque en 1880 jusqu’à ce qu’une chute mette fin à son activité. A Montmartre où elle réside, sa beauté attire le regard des artistes dont celui de Toulouse-Lautrec qui fera d’elle le portrait « Gueule de bois ». Les toiles de Toulouse-Lautrec sont en harmonie avec le courant naturaliste de cette fin de XIXe siècle comme le sont les personnages de Zola, Gervaise ou Nana.

Toulouse-Lautrec, ayant une mobilité très réduite, est fasciné par le mouvement, c’est pourquoi  il consacrera plusieurs lithographies au monde du cirque, tel ce portrait de Cha Hu Ka O, célèbre femme clown et ce dessin d’écuyère en parfait élan. Mais c’est surtout aux danseuses du Moulin Rouge qu’il consacre de nombreux dessins ou tableaux. Il étudie sans relâche le rythme endiablé de leurs jambes qui s’élèvent et de leur linge qui s’envole. Il représente aussi les acrobaties de l’artiste Valentin le Désossé, de son vrai nom Jules Renaudin, (1843-1907), partenaire de La Goulue.

Toulouse-Lautrec connaîtra la gloire avec ses affiches qui lui avaient été commandées par le directeur du Moulin Rouge. La Goulue, une simple blanchisseuse, est la danseuse vedette du Moulin Rouge entre 1890 et 1895. Elle est célèbre, entre autre, pour faire tomber les chapeaux des messieurs d’un coup de pied. En 1895, alors qu’elle avait grossi, lors d’une représentation, elle rate un grand écart, ce qui lui fait comprendre qu’il est temps de s’arrêter. Elle décide d’acheter une baraque à la foire du trône et demande à Toulouse-Lautrec de la lui décorer. Il fera deux grands panneaux, un sur son passé au Moulin Rouge et l’autre la représentant dans l’actualité en danseuse mauresque. La baraque n’a aucun succès et Louise Weber doit la vendre. Elle termine sa vie comme fleuriste puis vendeuse de cigarettes au Moulin Rouge, elle meurt en 1929 dans la misère.

Jane Avril, une autre danseuse célèbre représentée sur plusieurs affiches de Toulouse-Lautrec, est bien différente de la Goulue. Elle est la fille naturelle d’une demi-mondaine et d’un noble italien. Sujette à de régulières crises d’anxiété, elle est soignée à la Salpêtrière dans le service du professeur Charcot. Là, un médecin la remarque tant elle est élégante et distinguée; il la fait sortir. Très bonne danseuse, elle rentre au Moulin Rouge où elle se distingue radicalement de la Goulue par sa distinction, ce qui apparaît nettement sur les affiches de Toulouse-Lautrec, ce dernier la représentant notamment en diaboliques bas noirs (« Jane Avril dansant » 1892). A la fin de sa carrière, elle épousera un journaliste mais mourra ruinée, elle aussi. Yvette Guilbert, quant-à elle, est une chanteuse au physique ingrat dont Toulouse-Lautrec aimera accentuer les défauts. Elle trouvait ses affiches si peu valorisantes que par la suite elle fera appel à Mucha.

Autre grande vedette de l’époque, Sarah Bernhardt, que Toulouse-Lautrec immortalisera dans des dessins qu’il fera d’elle lors de ses représentations de « Phèdre ». Toujours fasciné par le mouvement, le peintre représente aussi Loïe Fuller, une danseuse américaine qui avait crée une danse des voiles, mais sa gloire  sera effacée avec l’apparition d’Isidora Duncan.

Dans les années 1890, Toulouse-Lautrec fréquente régulièrement les maisons closes où il assiste à de nombreuses scènes de leur quotidien, jeu de cartes ou petit déjeuner, qu’il transposera dans ses dessins. Il deviendra l’ami des prostituées qu’il ne représente jamais nues même si parfois elles ne portent qu’une paire de bas ! Le monde de la prostitution est, en cette fin de siècle, très à la mode, ainsi en littérature sont publiés des ouvrages comme « Nana » de Zola ou « La maison Tellier » de Maupassant.

Autre milieu très fréquenté par Toulouse-Lautrec, le monde littéraire. Il se rend régulièrement à plusieurs salons et réalisera diverses couvertures de revues littéraires telles que « La revue blanche ».

La fascination de Toulouse-Lautrec pour les femmes se traduit parfaitement dans l’anecdote suivante. En 1895, alors qu’il se rendait avec un ami à Bordeaux, pour voir sa mère, en passant par Le Havre, il visite le paquebot « Le Chili » avant son départ pour L’Amérique du Sud. A bord, il voit une magnifique jeune femme, il est totalement envoûté et décide de suivre cette inconnue au bout du monde. Il fera  un dessin de cette belle inconnue, qui sera immortalisée par la lithographie intitulée « La passagère du 54 », du nom de la cabine qu’elle occupait, et qui le restera pour toujours, les archives de la compagnie maritime ayant brûlé. Finalement il descendra à Lisbonne sans jamais avoir osé aborder cette jeune femme. Elle restera pour le peintre, l’idéal féminin.

CONCLUSION

Tout au long de sa vie Toulouse-Lautrec, en dépit de son handicap, côtoiera toujours des femmes et son œuvre fait une belle part à la gent féminine, comme une revanche de l’art sur la vie.

Note de la conférencière

Madame Renée BONNEAU est l’auteur de deux romans policiers historiques:

– Sanguine sur la butte et

– Danse macabre au Moulin Rouge  dont Lautrec est le héros,

tous deux édités aux Editions du Nouveau Monde

Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués *

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.