LES FAUSSAIRES

Thème : Arts, Peinture, Société                                                                                                                      Mardi 25 Septembre 2018.

 

LES FAUSSAIRES

par Madame Sabrina LEROY-KOWALK, guide-conférencière.

INTRODUCTION

On trouve des faussaires dans divers domaines comme les papiers d’identité, la monnaie ou les arts en général. Les artistes avant d’être reconnus ou de créer leur propre style sont des copistes. En effet, les étudiants en art passent des heures à copier les grands maîtres exposés au Louvre. Par ailleurs, Pablo Picasso affirme que « l’art est un mensonge qui nous fait comprendre la vérité ». De tous temps, les œuvres ont été modifiées et copiées soient pour être restaurées, reconstituées ou vendues dans un but lucratif.

I – Ce que dit la loi.

Le décret n°81-255 du 3 mars 1981 nous donne les clés pour définir ce qu’est une copie.

Le décret stipule que lors de l’achat d’une œuvre d’art une facture n’est pas obligatoire sauf si l’acheteur l’exige. Le décret nous donne aussi des précisions en matière d’attribution de l’œuvre. Ainsi, la mention « par » ou « de » garantit l’authenticité de l’œuvre. Si l’on trouve « attribué à » on est quasiment sûr de l’authenticité mais un léger doute persiste. La mention « atelier de » implique que l’œuvre a été réalisée dans l’atelier en question par les artistes y travaillant. Le maître peut n’avoir participé que partiellement à cette œuvre. La mention « école de » suivie du nom de l’artiste ou d’un lieu, comme l’école de Barbizon, garantit que l’œuvre appartient au mouvement pictural de ce lieu ou que l’auteur a été l’élève de ce maître.

Enfin, on peut trouver des mentions comme « dans le style de », « dans le goût de », ou « d’après » qui elles ne donnent aucune garantie.

Parfois nous sommes confrontés aux erreurs d’attribution. Cela été le cas du tableau « Portrait assis de Bossuet » de Pierre Mignard qui se trouve au musée de Meaux. Le musée s’est rendu compte que l’œuvre exposée était un faux lorsque lors d’une vente chez Christie’s une œuvre très similaire est mise en vente. Suite à une expertise il s’avérera que le tableau peint par Mignard était celui de la vente et non celui que possédait le musée. Actuellement le musée possède les deux toiles et parfois elles sont exposées côte à côte.

II – Qu’est-ce qu’une copie?

Les copies ne sont pas forcément mal intentionnées. Quatre critères différencient la copie autorisée de l’œuvre du faussaire. Il faut que l’artiste copié soit mort depuis plus de 70 ans ou obtenir les droits des ayant-droits; changer d’au moins 5% la taille de l’œuvre; apposer au dos de l’œuvre qu’il s’agit d’une copie et enfin ne jamais reproduire la signature de l’artiste.

Parfois les copies sont utiles pour voir ce qu’étaient  les œuvres d’origine qui peuvent être très abîmées. C’est le cas de la fresque de la Cène de Leonard de Vinci dont la copie réalisée du vivant du génie et peinte par Marco d’Oggiono au château d’Ecouen nous laisse un bel aperçu du travail de Léonard de Vinci.

Certaines restaurations dénaturent totalement l’œuvre d’origine. Ainsi, le trône de Bacchus qui est exposé au Louvre dont seuls les accoudoirs sont d’époque et dont on a refait tout le reste. La Charte de Venise, adoptée en 1964, cadre légalement les conditions des restaurations afin d’éviter de telles erreurs. Il existe une différence entre la restauration, la reconstitution et la restitution. En effet, la restauration consiste à réparer les dommages. La reconstitution consiste à rebâtir ou reproduire totalement une œuvre comme le palais des Hohenzollern à Berlin, totalement rebâti d’après les plans d’origine. Et, la restitution qui se fait avec des maquettes ou des logiciels.

III – L’expertise.

Dans le monde de l’art, l’expert joue un rôle capital car en authentifiant une œuvre il lui donne une valeur artistique et monétaire particulière. L’expert authentifie grâce à son savoir et à son expérience. Il doit savoir repérer les altérations ou les modifications. Il doit également avoir une double formation, juridique et d’histoire de l’art. On trouve aussi des spécialistes dans un seul artiste. Parfois l’expertise pose problème. Ainsi Bozena Nikel une experte de l’artiste Metzinger se retrouve face à une œuvre qu’un collectionneur veut qu’elle authentifie comme étant du peintre mais elle refuse car elle a une doute. N’ayant pas obtenu le certificat d’authenticité, le propriétaire du tableau et le marchand portent  plainte. Bozena Nikel gagne le procès car la Cour a estimé qu’un expert n’ayant pas commis de faute ne peut être condamné.

Il existe plusieurs critères d’expertise. Premièrement, la signature, ce qui paraît simple mais parfois elle peut se copier. De plus, certaines œuvres ne sont pas signées comme c’est souvent le cas pour Van Gogh qui lorsqu’il signait ne mettait que son prénom, son père ayant toujours été vivement opposé à sa carrière de peintre. Deuxièmement, l’identification par l’auteur mais là aussi on peut trouver le cas où l’artiste refuse de reconnaître certaines de ses œuvres comme le fit Jean-Baptiste Corot. Ce même artiste par générosité acceptait de signer bon nombre de copies de ses œuvres afin de faire gagner de l’argent aux personnes dans le besoin autour de lui. On estime qu’il existe quelques 10000 faux Corot. Troisièmement, les analyses scientifiques qui, de nos jours, bénéficient de techniques de pointe permettant de voir les différentes couches de peinture, les dater… 160 agents travaillent dans le laboratoire officiel du Louvre et des musées de France, auxquels il faut ajouter un grand nombre de techniciens et spécialistes externes.

IV – Les faussaires.

Ils utilisent des techniques particulières afin de rendre leurs copies excellentes. Plus la copie est exacte plus il est facile de berner les clients potentiels voire même les experts lorsque le travail du faussaire est parfait. Ainsi les faussaires aiment utiliser des supports anciens même s’ils appliquent une peinture récente. Cependant ce subterfuge est de nos jours facilement détectable grâce aux rayons X. Le faussaire essaye aussi de donner du patine à sa copie, pour cela il peint à tempera par exemple, puis passe plusieurs fois la toile au four. Pour l’ivoire il laisse son objet plusieurs mois dans le marc du café. Le but principal du faussaire est de gagner de l’argent avec ses copies, il utilise donc de nombreuses ruses de vente. De nos jours, on passe souvent par Internet. Parfois le faussaire coupe en plusieurs parties une grande toile de maître et en réalisant quelques retouches crée plusieurs tableaux comme cela a été le cas pour une œuvre de Fra Angelico.

Certains faussaires sont d’authentiques artistes et imitent les toiles authentiques à la perfection comme ce fut le cas de Guy Ribes, célèbre copiste qui après avoir été condamné à trois ans de prison jouera dans un film. Avant sa condamnation il avait réussi à berner la propre fille de Chagall avec une prétendue œuvre de son père, en réalité peinte par lui-même.

Les faussaires sont nombreux, on peut évoquer Han van Meegeren, un Hollandais qui se lance lorsqu’il est jeune dans la peinture avec un style moderne mais qui plus tard s’intéresse à la peinture flamande classique. Frustré de ne pas être reconnu, il décide de devenir faussaire. Il prend son essor lors de la seconde guerre mondiale car les collectionneurs craignaient que les Allemands ne prennent leurs tableaux pour les voler ou les détruire, par conséquent ils commandaient des copies. Un certain nombre des toiles de maître prises par les Nazis étaient des copies. Ce fut le cas de Herman Göering qui a  possédé une copie de Han van Meegeren du « Christ et la parabole de la femme adultère » de Vermeer. Juste après la guerre, le faussaire sera dans un premier temps considéré comme traître pour avoir vendu aux Nazis des toiles de peintres nationaux mais ayant avoué qu’il était faussaire et n’avoir vendu que des contrefaçons, il devient un héros national.

Autre célèbre faussaire, David Stein, de son vrai nom Abel Abraham Haddad, né en 1935 à Paris mais qui s’exile rapidement aux Etats-Unis où le marché de l’art est plus porteur. Il copie Warhol, Matisse, Chagall et Modigliani en autres, se limitant aux artistes modernes. Malheureusement pour le faussaire, certains des artistes copiés sont toujours vivants et ne reconnaissent pas les œuvres qui portent leur signature. Stein sera inculpé et fera quatre ans de prison. Il meurt en France à la fin des années 1990.

On trouve aussi des faussaires dans la sculpture comme Guy Hain qui dans les années 1960 est vendeur de produits vétérinaires. Passionné d’art, il ouvre une galerie et réussit à persuader la fonderie Rudier de le laisser utiliser les moules de Rodin, qui coulait ses œuvres dans cette même fonderie. Il réussira à couler environ 6000 copies dont plusieurs du célèbre ‘Baiser » ce qui lui permettra d’amasser environ 130 millions d’euros. Il se fait arrêter mais on ne pourra retrouver qu’un tiers de ses copies. Les particuliers aussi bien que les institutions étant extrêmement réticents à reconnaître qu’ils possèdent une copie, de nombreux faux ne sont jamais reconnus comme tels.

On peut enfin évoquer Wolfgang Beltracchi, un Allemand qui travaille avec sa femme, une Italienne dont il prend le nom. Dès son enfance il est en contact avec l’art car son père est restaurateur. Adolescent il copie déjà à la perfection Picasso et devient riche rapidement. Il se fait arrêter à cause d’une petite erreur sur un blanc trop moderne pour la copie réalisée. Le couple est condamné en 2011 à six ans de prison mais on estime leur fortune à 46 millions d’euros.

Si la majorité des copies sont acquises par des particuliers, les musées aussi sont parfois dupés. Ainsi il existe une polémique autour du buste de Néfertiti qui est au musée d’égyptologie de Berlin. Henri Stierlin publie un livre qui regroupe toutes les polémiques autour de cette statue. Pour lui, le buste n’est qu’une copie réalisée par l’archéologue qui faisait les fouilles, Brochardt. Au début du XXe siècle, l’engouement pour l’égyptologie est à son comble et tout le monde est en attente de trouvailles fantastiques, par ailleurs, Brochardt aurait eu la possibilité de faire le buste avec des ingrédients authentiques, impossibles à dater au carbone 14. Les analyses récentes démontrent que les pigments utilisés sont eux aussi authentiques mais ne disent pas quand le buste a été peint. La polémique reste donc entière.

On peut aussi mentionner le cas du musée Etienne Terrus d’Elne, dans les Pyrénées Orientales, dont on découvrira que 82 sur les 120 toiles exposées étaient des contrefaçons, ce qui engendre 160 000 euros de préjudice pour le musée.

CONCLUSION

Le monde de l’art étant très rentable et très prisé, il compte de nombreux faussaires souhaitant s’enrichir facilement. La loi donne un cadre au marché de l’art mais de nombreuses contrefaçons restent dans les musées et surtout chez les particuliers, peu enclins à reconnaître qu’ils possèdent des copies. Par ailleurs, les zones de conflit favorisent le trafic de l’art d’autant plus que la loi n’exige pas au vendeur de fournir une facture.

 

 

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