L’ANNONCIATION DANS L’HISTOIRE DE L’ART

Thème : ARTS                                                                                                                                                                          Mardi 10 Février 2009

L’Annonciation dans l’histoire de l’Art

Par Josette Minoret-Gibert – Avocat honoraire

L’Annonciation est l’annonce faite à Marie de sa maternité divine par l’ange Gabriel. Cet événement biblique fut une source d’inspiration tout au long de l’histoire de l’art,  aussi bien dans l’art chrétien que dans l’art byzantin, des débuts du christianisme jusqu’à nos jours. Il subsiste quelques vestiges de l’art paléochrétien. Les plus anciennes représentations de l’Annonciation datent du IVe siècle, et se trouvent dans les catacombes de Priscille à Rome.

Le VIIIe siècle est ensuite marqué par la période iconoclaste et l’interdiction des images. Quand le culte des images est rétabli, au milieu du IXe siècle, les représentations ont un caractère hiératique et toute volonté illusionniste est bannie. Les peintres emploient la perspective inversée pour marquer la convergence vers celui qui regarde. L’art religieux est destiné à éduquer les foules.

Dans l’art byzantin, aucune fantaisie n’est autorisée, il convient de s’en tenir à la reproduction de représentations passées. L’Occident n’a jamais connu la même permanence que l’art byzantin. En Occident, l’art gothique se substitue à l’art roman à partir du XIe siècle. Les peintres renoncent à toute représentation de l’espace et se limitent à décorer les objets de piété.

Une révolution entamée par Giotto

Mais, à partir de 1306, Giotto entame une révolution qui débouchera un siècle plus tard à la Renaissance. Il cherche à faire une imitation de la nature en représentant la profondeur et les perspectives naturelles grâce à des jeux d’ombres profondes. Simone Martini, élève contemporain de Giotto réalise une synthèse des arts de son temps, à la fois byzantin – la frontalité, les traits aquilins de la Vierge – et gothique – la disposition en triptyque, les courbes exquises…

Cette tendance à l’unicité de l’art se développe à l’époque du Trenceto (XIVe siècle) à Sienne. Chez Lorenzo, on observe un souci du détail et du raffinement rarement vus jusqu’alors. Puis, avec l’avènement de la Renaissance, une nouvelle forme d’art apparaît. La peinture devient illusionniste. Filippo Lippi peint de véritables portraits de la jeune fille et de l’ange. Botticelli montre l’attitude maniérée des personnages et représente le fluide qui circule entre les mains de l’ange et celles de la Vierge, avec un soin apporté à l’architecture de la pièce, la composition géométrique et, une ouverture vers un paysage extérieur.

Toute cette génération de peintres marque alors une prédisposition pour les compositions architectoniques – on ouvre la perspective avec un paysage – le lyrisme des attitudes, la subtilité de la composition. Fra Angelico met les nouvelles théories picturales au service de la foi. Sa puissance évocatrice dépasse l’imagination et concourt à la manifestation de la ferveur : la sobriété de la perspective et la gamme restreinte de couleurs accentuent la relation entre les personnages.

Les chefs d’œuvre de la Renaissance

On retrouve les mêmes caractéristiques d’intimité et de familiarité pendant le XVe siècle flamand. Van Eyck cherche à montrer les moindres détails de la réalité : perles, couronnes, fermoirs…Van der Weyden représente la scène dans une chambre virginale avec un lit à baldaquin caractéristique du mobilier de cette époque. Chez les Allemands, on mêle réalisme et imagination dans un style médiéval. Les Français ont une conception plus idéaliste de l’art, l’Annonciation étant représentée dans un lieu de culte plutôt que dans une chambre. Jean Fouquet transporte même l’Annonciation dans la Sainte-Chapelle. Ce contraste entre l’art italien et septentrional se poursuivra encore plusieurs années.

Le début du XVIe  siècle en Italie marque l’âge d’or de la Renaissance. Leonard de Vinci offre une Annonciation qui réunit tous les talents : relief, lyrisme des attitudes, minutie des détails… Michel-Ange, avec son goût pour l’anatomie, montre un ange et une vierge sportifs et musclés. L’Annonciation de Raphaël est d’une grande clarté. Chez Véronèse, la Vierge, très élégante, arbore un joli décolleté.

Pendant ce temps, l’Europe du nord souffre de la Réforme et de la volonté iconoclaste de Protestants. Mais la réforme appellera une contre-réforme. Dans l’art flamand, la volonté intimiste conduira parfois à la trivialité comme chez Schongauer où l’on tire sur le drap de la Vierge et où l’on voit sur un lavabo une serviette qui sèche. Le Saint Concile décide d’interdire dans les églises toute image non approuvée au préalable par un évêque. Cette décision aura une conséquence sur l’art religieux qui avait été, jusque là, un art total (portrait, nature morte, composition architectonique…). Dès lors, on voit se détacher de l’art religieux une partie de ces styles secondaires.

Le XVIIe siècle marque un vif contraste par rapport au passé avec l’élimination des accessoires et des décors. L’Annonciation doit revêtir un caractère intime. Le Greco se concentre sur l’intensité de la relation entre les personnages. D’autres œuvres somptueuses voient le jour en Espagne, Italie et France (grâce à Le Sueur et Poussin notamment).

Il faut attendre le XIXe siècle pour assister à une nouvelle évolution majeure. Il n’y a plus d’art chrétien mais des artistes chrétiens. Ivanov représente l’ange en statue du Commandeur. Dans la seconde moitié du siècle, les artistes réalisent des œuvres classiques mais qui manquent la transcendance de la Renaissance. Gauguin sera le seul à peindre une Vierge aux seins nus. Son Annonciation se situe dans les îles avec une jeune Polynésienne.

Au XXe siècle, l’Annonciation sera encore une source d’inspiration pour Dali, les cubistes, les fauvistes… seuls les peintres abstraits se sont abstenus de représenter cet événement. Car, située dans une unité de lieu et de temps, l’Annonciation ne peut pas être abstraite.

La recherche de l’invisible dans le visible

Aucun peintre n’a placé l’Annonciation dans le lieu où elle est supposée avoir eu lieu, à savoir une grotte de Nazareth. Mais quel que soit le décor, certaines données restent immuables : dissymétrie spatiale et dynamique, des personnages qui appartiennent à des mondes différents. L’ange échappe à la pesanteur alors que la jeune fille est terrestre ; l’un qui vient de dehors, l’autre qui est à l’intérieur. L’ange aux ailes déployées occupe les deux tiers de la scène, tantôt saisi en plein vol, tantôt le pied à terre mais qui, souvent, arrive en courant. Chez Fra Angelico, il est apparu puis s’est incliné avant de délivrer son message. Un message représenté chez Durer par un texte écrit brandi à la Vierge, ce qui est une représentation abusive, le message étant verbal.

Pour représenter cette parole, de nombreux peintres ont utilisé la technique des phylactères, qui sont les ancêtres des bulles des bandes dessinées. La Vierge devant être éveillée pour pouvoir donner son consentement était souvent représentée, en Occident, en train de lire des textes sacrés. Elle est effrayée par cette soudaine apparition car elle ne s’y attend pas. Pour les Byzantins, cette expression s’apparente plutôt à de l’effroi. Chez Martini, elle arbore des signes de repli, de timidité. Après l’effroi, la Vierge écoute puis discute, un dialogue s’instaure. Puis elle accepte. Cette douce ferveur est abordée différemment selon les styles byzantin, florentin ou romain. La réponse de la Vierge ne s’adresse pas au messager mais à Dieu, qui est par conséquent souvent représenté, que ce soit sous la forme d’une colombe, d’un faisceau ou d’une figure patriarcale avec sa grosse barbe blanche.

Les tableaux représentant l’Annonciation fourmillent de symboles. Chez les byzantins, ces symboles sont abstraits (carrés, cercles…) tandis qu’en Occident, ce sont des signes figuratifs. On voit des lys et des iris, ou bien des vases de cristal, pour exprimer la pureté. Les portes entrouvertes ou ostensiblement fermées expriment, selon Françoise Dolto, la conception virginale. La colonne dessine un espace ternaire et évoque la Trinité, un axe de symétrie (qui forme un M, comme Marie) entre valeurs terrestres et célestes. Dans certaines œuvres, l’Annonciation préfigure même la crucifixion.

Le thème de l’Annonciation a inspiré profusion d’images, de la plus théâtrale à la plus rustique, de la plus somptueuse à la plus dépouillée. Après tout, Dostoïevski n’a-t-il pas écrit que « la beauté sauvera le monde » ?

En savoir plus …

Coté livres :

L’Annonciation
sous le regard des peintres

Auteur : Michel Feuillet
Éditeur : Mame

ISBN-10: 2728911347

http://arts-cultures.cef.fr/livr/livrart/lartx56.htm

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Myst%C3%A8re_de_l’Annonciation

http://fr.wikipedia.org/wiki/L’Annonciation

http://www.icones-grecques.com/vierge_marie/1-annonciation_evangelismos.html

http://expositions.bnf.fr/livrarab/pedago/religions/annonciation.htm

http://www.lexilogos.com/annonciation.htm

http://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0802051853.html

Le CDI ne peut être tenu responsable des dysfonctionnements des sites visités. Vous pouvez toutefois en aviser le Webmaster pour information et mise à jour