LA PEINTURE DE POMPEI ou l’imaginaire provincial

Thème : ARTS                                                                                                                                                                         Mardi 12 Décembre 2006

La peinture de Pompéi ou l’imaginaire provincial

Par Louis Valensi – Ancien conservateur des musées de France

En 79 après J.C.,  l’éruption du Vésuve figea Pompéi sur place.  Cette catastrophe transforma cette grande cité en conservatoire de la peinture antique. De somptueuses villas construites par de riches romains ornent alors la baie de Naples. A partir 2e siècle avant J. C., les riches maisons romaines assimilent une double innovation. La maison primitive, organisée autour de la pièce principale, l’atrium, dont le centre est à ciel ouvert, se double d’un péristyle, une cour à colonnades.

Dans ces maisons agrandies, on a mis au jour des exemples saisissants de fresques. Préservées sous les laves et les cendres qui brûlèrent la ville, les peintures de Pompéi sont les seules peintures de l’antiquité classique à avoir survécues. L’extraordinaire diversité des trésors montre que l’art est partout présent à Pompéi. Souvent, presque tous les murs d’une maison sont décorés de scènes mythologiques  ou de portraits de famille. Les murs entourant les jardins sont souvent peints de sujets aux couleurs vives. Les thèmes à la mode sont les scènes de chasse, les paysages campagnards et marins. Les pièces intérieures, elles, présentent des sujets plus variés : scènes mythologiques, natures mortes, oiseaux et autres animaux. Ce qui frappe avant tout dans la peinture pompéienne, c’est l’illusion du réel. Animaux et oiseaux semblent animer jardins et intérieurs.

Un art d’imitation ?

Grandement inspirées de l’art grec, les peintures de Pompéi ne sont-elles qu’un art d’imitation ou bien ont-elle su s’en émanciper ? Il existe un mimétisme des villes de province par rapport à Rome. Le goût de la somptuosité se retrouve aussi à Pompéi, Herculanum et dans la rivéria de Naples. Les plus belles compositions mythologiques dérivent d’originaux grecs des 4e à 2e siècles avant notre ère. Les sculptures retrouvées à Herculanum reproduisent également des modèles grecs. Le mobilier lui-même est une dérivation de l’art grec. A cette époque, bien que la Grèce ait perdu de sa puissance, elle est loin d’être exsangue sur le plan culturel et Athènes reste l’une des villes les plus érudites de la Méditerranée.

Pline l’ancien, amiral de la flotte romaine, qui tenta de porter secours à ses compatriotes de Pompéi et de Herculanum, fut le témoin du développement de la cité à la fin du 1er siècle. Il affirme que la gloire allait à ceux qui produisaient de la peinture de chevalet. Malheureusement, ces chefs d’œuvre ont disparu. Parallèlement, la peinture à fresque s’est grandement développée à Rome, avec la création d’une peinture réellement romaine, montrant des prises de guerre, des actes héroïques…

Les fresquistes pompéiens n’ignorent pas le double courant artistique qui traverse la peinture de l’époque, marquée par la tradition medio-italique (art populaire aux racines plébéiennes, c’est l’art des tavernes et lupanars) et la tradition hellénisante. La peinture de Pompéi est, elle, marquée par une troisième influence : l’art hérité d’Alexandre. On y a retrouvé une fresque montrant Alexandre sur son cheval Bucéphale lors de la bataille d’Issos. Cette fresque dérive directement  d’une fresque du 3e siècle avant J. C. commandée par un proche d’Alexandre.

La peinture de Pompéi apparaît bien comme une réplique qui doit beaucoup à l’art grec et à la civilisation de l’otium qui se répand parmi l’élite romaine. A partir du 2e siècle avant J. C. s’impose en effet l’idée de loisirs studieux consacrés aux lettres, otium, « qui ont plus de valeur que toutes les richesses accumulées » écrit Pline le perse.

Il faut se garder d’une vision uniforme de Pompéi. On y trouve des styles de peinture très divers, qui vont du style architectonique (Ier style, -150 à – 80 avant J. C.) au style miniaturiste (IVe style, de + 54 à + 79) en passant par le style architectural qui creuse les murs (IIe style, de – 80 à – 25) et l’ornemental (IIIe style, de -25 à + 54) fait de grands tableaux et de thèmes mythologiques.

Cette peinture a-t-elle diffusé plutôt une illusion de réel ou illusion du rêve ?

A Pompéi, il existe un art de circonstance. On retrouve aussi bien des peintures montrant des scènes de la vie quotidienne, des décors naturels, des natures mortes… La bourgeoisie semble se délecter d’œuvres de cette veine populaire. Cette mémoire de la vie quotidienne est propre à Pompéi. Les scènes de genre illustrent des moments de vie professionnelle, que ce soit l’enseigne publicitaire d’une taverne, des artisans au travail, une scène de marché ambulant, un boulanger vendant son pain… De même, sous Auguste, la peinture de jardins prend un réel essor.

Les peintures pompéiennes revêtent également une dimension sacro-idyllique avec la représentation de paysages imaginaires, de scènes qui se veulent apaisantes. Cette iconographie se développe à partir du IIIe style où l’on retrouve un corpus d’œuvres poétiques (ex : Homère ou Sapho) qui inspire les artistes. Ces derniers vont entreprendre de rechercher une cohérence, pour adapter la composition au sujet. La religion n’est jamais absente. Les fresques font de nombreuses allusions à des mythes tels que le temple d’Isis ou Dionysos. Dans la villa des mystères, on a mis au jour une fresque immense sur trois murs montrant des cérémonies liturgiques, avec dix-neuf personnages.

Sur le plan artistique, la fresque –  « une peinture civique » selon Pline l’ancien – s’est vraiment développée sous le siècle d’Auguste. La bourgeoisie qui s’est enrichie dans le commerce ou l’industrie, a réinvesti dans l’art en cherchant à recréer à la fois les grands thèmes mythologiques et en reproduisant ce qu’ils voient dans la rue ou dans leur jardin.

A partir du IIIe style, les parois tracées par les scénographes architecturaux proposent un foisonnement iconographique. La peinture pompéienne établit un dialogue entre la nature végétale située dans le jardin et son double pictural. Elle s’affranchit de plus en plus de la création hellénistique. Il faut savoir tenir compte des spécificités de cette peinture à l’iconographie très riche, qui ne se limite pas aux portraits et à une imitation de l’art grec.

Plus qu’un simple site archéologique, Pompéi est un véritable livre ouvert qui n’a pas encore livré toutes ses richesses.

En savoir plus …

Coté Livres :

La Peinture de Pompéi

Alfonso de Franciscis

Editeur : Hazan

ISBN-10: 2850252891

La peinture allégorique à Pompéi : Le regard de Cicéron

Gilles Sauron

Editeur A et J Picard

ISBN-10: 2708407678

http://www.amazon.fr/peinture-all%C3%A9gorique-Pomp%C3%A9i-regard-Cic%C3%A9ron/dp/2708407678

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pomp%C3%A9i

http://www.culture.gouv.fr/culture/conservation/fr/stefanaggi/pdf/techpeinture.pdf

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