JEROME BOSCH OU LA SINGULARITE, 1450-1516

Thèmes: ARTS, PEINTURE                                                                                                                                             Mardi 31 Mai 2016

JÉRÔME BOSCH OU LA SINGULARITÉ, 1450-1516

slider_cdi_92 par Madame Catherine GERARD- LEDUC, conférencière nationale.

INTRODUCTION

Jérôme Bosch, peintre flamand du XVème siècle, reste une énigme et continue de nous fasciner. Un tableau de Bosch se repère immédiatement car son style reste unique. Contemporain de Léonard de Vinci et de Raphaël, sa peinture est marquée par une grande novation. Son œuvre est une singularité de son époque.

I Quelques éléments biographiques et contexte historique.

Jérôme Bosch, de son vrai nom Jheronimus Van Haken, est né en 1450 à Bois le Duc, ville de commerce et siège du gouvernement du Brabant septentrional. Bois le Duc, en flamand Hertogenbosch, sera à l’origine du pseudonyme du peintre. Son père a un atelier de peinture prospère et à sa mort c’est son fils aîné qui prend sa relève mais le jeune Jérôme devient vite apprenti. Il épouse une riche aristocrate ce qui lui permettra d’avoir une indépendance financière et par conséquent de jouir d’une certaine liberté dans sa peinture, n’étant pas tributaire de riches commanditaires. En 1486 il entre comme membre notable dans la confrérie Notre-Dame. Respectueux des traditions, l’artiste participe aux banquets des cygnes, le cygne étant alors un mets de fête, et reçoit chez lui les membres de la confrérie nouant ainsi des liens avec les notables de la région. Quelques traces de commandes passées par la confrérie nous sont parvenues mais dans l’ensemble nous ne possédons que très peu de documents sur la vie du peintre qui mourra en 1516 à Bois le Duc.

Sa ville natale ne possède aucune œuvre de lui. A l’époque, les Pays-Bas englobent la Belgique et les Pays-Bas actuels. L’Autriche, les Flandres et l’Espagne sont sous le contrôle des Habsbourg avec Charles Quint de ce fait la plus belle collection de Bosch se trouve à Madrid. Philippe II, qui succède à Charles Quint sera lui aussi un admirateur de Bosch et fera entrer dans les collections royales ses plus grands chefs d’œuvres dont « Le jardin des délices » qui est un des joyaux du Prado. Philippe II sera le rempart du catholicisme contre la Réforme qui bouleversera l’époque de Bosch. Entre 1470 et 1516 les Flandres connaîtront des bouleversements politiques et religieux importants. La répression ordonnée par Philippe II frappe la région. Cependant le Brabant reste une région prospère et la peinture se développe avec l’essor des marchands. Bruges sera le point de départ de l’école flamande. Des peintres italiens et espagnols s’y retrouvent développant ainsi l’art.

II Les premières œuvres.

Les premiers tableaux de Bosch sont religieux. Comme nous l’avons vu, l’époque de Bosch connaît de grands bouleversements religieux, de nouvelles idées apparaissent. Erasme influence beaucoup cette région d’Europe. C’est un grand esprit universel qui se demande quelle est la place de l’homme dans le monde. Erasme influencera beaucoup Luther qui remet en cause la hiérarchie de Rome et émet l’idée du purgatoire. Ces nouvelles idées donnent une nouvelle perspective à la religion et influencent Bosch qui était un homme lettré, ce qui n’était pas si courant à son époque. Cette profusion d’idées nouvelles peut expliquer la forme de peinture de Bosch ainsi que le côté pessimiste de ses œuvres.

Bosch commence à peindre des tableaux de petite taille tel « Crucifixion avec un donateur ». Le donateur apparaît de la même taille que le Christ et les personnages religieux alors qu’en Italie le donateur est toujours plus petit mais le paysage est dégagé ce qui nous montre l’influence italienne. Au début du XVIème siècle Bosch réalisera un voyage à Venise ce qui aura une influence dans sa façon de traiter l’espace et les paysages. Cependant, avec cette première peinture, Bosch reste dans la tradition de la peinture flamande de Bruges. Par la suite il  peint de nombreux tableaux religieux comme « La nativité » où l’âne représente l’église de la synagogue et le bœuf l’église des païens. Les personnages sont épurés et l’enfant Jésus est assez laid et maigre contrairement aux représentations italiennes. Autre tableau de ses débuts, « L’adoration des mages ». Depuis le XVème siècle un des mage est noir afin de montrer l’universalité du catholicisme. Autre toile, « Les noces de Cana » où l’on peut voir un copieux banquet à la mode flamande avec du cygne au menu. La scène est peut sacralisée le Christ n’apparaissant qu’à droite du tableau et de façon très discrète.

C’est dans ses lectures des humanistes de son époque et dans l’atmosphère d’hérésie et de mysticisme régnante que Bosch puise son inspiration nouvelle. Le tableau « Jésus parmi les docteurs de la Loi » pose problème car on est pas sûr que ce soit l’œuvre de Bosch, de nombreux apprentis travaillant dans l’atelier de l’artiste. Certaines peintures sont contestées et ne seraient que partiellement de Bosch.

III – Figures saintes et « trognes ».

Bosch deviendra un maître des figures caricaturales ainsi le paysan est laid car de catégorie sociale inférieur et le nanti est beau. Le visage est représentatif de l’origine sociale. On retrouve ces personnages représentatifs dans « Ecce Homo », « Le portement de la croix » ou « Le portement de la croix avec Sainte  Véronique » dans ce dernier tableau on ne voit que le visage du Christ et il n’est pas l’élément central. Au contraire, ce qui saute aux yeux ce sont les visages monstrueux. Le visage du Christ apparaît au milieu d’un ensemble dense de visages grossiers et grimaçants. La composition resserrée rend les portraits plus proches et plus vivants mais aussi plus hideux. Cette accumulation de personnages crée une atmosphère étouffante. Avec « Saint Christophe portant l’enfant Jésus » on revient à quelque chose de plus classique mais des objets insolites apparaissent dans la toile: une amphore et un pendu. Bosch parsème ses tableaux de personnages ou d’objets étranges. Ainsi dans « Saint Jean-Baptiste dans le désert » on trouve une sorte de plante carnivore de grande taille. Les objets, les plantes ou les animaux peuvent être réels mais peints hors contexte mais ils sont souvent irréels et fantastiques. Ces représentations de figures monstrueuses construites à partir de gravures de bestiaires du Moyen-âge parsèment les œuvres de Bosch. On trouve des pattes d’insectes, des plumes et des becs d’oiseaux, des têtes de reptiles et de batraciens ainsi que des membres humains.

IV – Philippe II et les œuvres de Bosch.

Le Roi Philippe II d’Espagne acquiert de nombreuses œuvres de Bosch et on peut admirer bon nombre des triptyques les plus célèbres de l’artiste au musée du Prado de Madrid.  

Dans la peinture flamande on part souvent de l’anecdote pour aller vers l’universalisme. Dans le triptyque « L’adoration des mages » on perçoit les commanditaires mais aussi des détails typiquement nordiques tel le toit en chaume ou le moulin si caractéristique des paysages hollandais. Le Prado possède également quelques tableaux qui illustrent des proverbes de l’époque ou des paraboles comme « Le retour du fils prodige », ou d’autres qui montrent des scènes de la vie quotidienne tel « L’extraction de la pierre de folie » où le peintre montre qu’en dehors des péchés d’autres menaces pèsent sur l’homme : la crédulité, la stupidité et la folie. Dans « Concert dans un œuf » alors que dans un concert tout est harmonieux dans la toile de Bosch tout est chaotique et en pagaille. Dans « L’escamoteur » qui présente des personnages aux formes épurées, on voit comment un naïf se fait voler sa bourse sous les yeux d’un enfant qui comprend parfaitement ce qui se passe. On a dans ce tableau presque une caricature avant l’heure. « La nef des fous » est considéré comme un tableau qui représente la scission qui se profile dans la religion catholique avec la Réforme.

Deux des plus prestigieux triptyques de Bosch ont été acquis par Philippe II, « Le chariot de foin » et « Le jardin des délices ». « Le chariot de foin » probablement peint à la fin des années 1490, représente dans sa partie gauche le paradis terrestre avec Adam et Eve et le péché originel. Au centre, Bosch représente le tumulte de la foule et les hommes qui chacun individuellement cherche à tirer profit du moment présent. A droite, on voit l’enfer, ce qui attend l’homme et où l’on s’entre-tue dans un monde de violence et de souffrance. Le très célèbre « Le jardin des délices » lui aussi nous représente dans sa partie gauche le paradis et sur la droite, l’enfer. La partie centrale représente des scènes très curieuses, avec des orgies. Pour Bosch il est évident que les excès de l’humanité mènent à l’enfer. La faune et la flore sont semi-imaginaires. On peut observer un côté cru et sexuel mais ceci était dans les mœurs de l’époque. A noter également le mélange du plaisir et de la souffrance. L’œuvre offre une ambiance rabelaisienne que l’on retrouve dans certaines toiles de Pieter Bruegel l’Ancien, artiste flamand influencé par le travail de Bosch. Autre triptyque de la même veine « La tentation de saint Antoine » où l’on retrouve les mêmes scènes insolites. Là aussi on peut souligner les éléments typiques du nord comme les poissons et les rats qui étaient vecteurs de la peste, grande plaie du Moyen-âge. La tentation de saint Antoine sera un thème prisé par Bosch qui en peindra plusieurs tableaux. C’est aussi un thème important chez Bruegel et quelques siècles plus tard c’est Salvador Dali qui en donnera une version surréaliste.   

CONCLUSION

L’œuvre et le monde de Bosch exprimant la hantise de l’enfer et les travers humains dans une œuvre habitée de symboles, de mystères et de monstres, fera des émules notamment Bruegel. L’œuvre de Bosch fortement décriée au XVIIIème siècle sera à nouveau redécouverte au XXème siècle avec les surréalistes, et principalement Dali, qui verront dans certaines œuvres de l’artiste la meilleure expression des angoisses et de l’inconscient.

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