FRANCOIS VILLON ET LE PARIS MEDIEVAL DU XVème SIECLE

Thème: Art – Littérature – Histoire                                                                                                           Mardi 24 Mars 2015

FRANCOIS VILLON ET LE PARIS MEDIEVAL DU XVème SIECLE

par Madame Françoise Charlaix, conférencière à Paris Historique.

Introduction

La guerre de Cent ans, commencée en 1337, durait encore en ce début du XV° siècle. Les Anglais occupaient Paris et toute la France. Enfin, en 1429 grâce à l’action de Jeanne d’Arc, Charles VII est sacré Roi de France, mais Jeanne est brûlée à Rouen en 1431. Cette même année naît François de Montcorbier, d’origine modeste en dépit de son nom, qui, à l’époque, voulait simplement dire qu’il était originaire du village de Montcorbier, c’est notre François Villon. De nos jours, Paris, a gardé plusieurs rues et monuments du temps du poète qui écrira deux œuvres majeures « Le Lais » et « Le Testament » qui feront sa notoriété en dehors de sa vie mouvementée.

I Le Paris de François Villon

Le Paris de Villon n’est que le cœur du Paris actuel. François Villon, éternel étudiant, passera beaucoup de temps sur la rive gauche qui, au XVème siècle, comportait surtout l’Université et des couvents. Mais le monde du poète se trouve aussi rive droite où se situaient les Halles, les tavernes et les habitations. Actuellement, la plus ancienne maison de Paris est celle de Nicolas Flamel qui date de 1407, construite pour héberger temporairement les pauvres, qui, en remerciement, devaient prier pour l’âme de leur bienfaiteur. Dans le quatrième arrondissement, on trouve encore des maisons typiquement médiévales à colombages comme celle de l’abbaye de Maubuisson. Au Moyen Age les déplacements sont difficiles et chaque abbaye qui se trouvait en dehors de Paris (en banlieue dirait-on de nos jours) possédait un logement à Paris pour les abbés qui devaient se rendre dans la capitale.

Un autre bâtiment, et pas des moindres, que pouvait voir François Villon, était la cathédrale Notre-Dame qui avait été achevée en 1260. Sur la façade nord de la cathédrale on peut voir sept panneaux qui relatent la vie de la Vierge. Le septième raconte une histoire qui sans aucun doute plaisait à Villon qui évoque cette légende dans son Testament. C’est l’histoire de Théophile à qui un évêque avait refusé un poste important ; amer, il décide de vendre son âme au diable en signant un pacte. Mais, quelque temps plus tard, regrettant son geste, il implore l’aide de Marie afin de récupérer son pacte. La Vierge, représentée alors plus grande que le diable, sauvera Théophile.

Autre bâtiment connu de Villon, l’Hôtel-Dieu, situé à l’époque le long de la Seine, entre la Cathédrale et le Petit Pont. Il avait été construit par Saint Louis et sa mère Blanche de Castille pour accueillir les malades, c’était le seul hôpital de Paris au Moyen Age. De nos jours une plaque commémorative indique l’emplacement de l’hôpital d’origine. Il a été détruit, remplacé sous Haussmann par l’actuel Hôtel-Dieu.

II La vie de François Villon.

François de Montcorbier a été confié à l’âge de six ans par sa mère à Guillaume de Villon, un chapelain qui lui enseigne la lecture, le latin et la grammaire, pour qu’il puisse ensuite entrer à l’Université. François prend le nom de son protecteur et poursuit ses études. Les relations entre les deux hommes sont excellentes et plus tard François Villon écrira de Guillaume qu’il est bien plus qu’un père pour lui. François et Guillaume habitaient rue Saint-Jacques près de l’église Saint-Benoît le Bétourné, ainsi nommée parce que son chœur, mal tourné, n’était pas à l’origine orienté à l’est mais à l’ouest. De sa chambre, François Villon entendait les cloches de la Sorbonne qui était au Moyen Age l’université la plus réputée d’Europe. La Sorbonne recevait des étudiants de toute la France et même de pays étrangers. Pour loger ces nombreux étudiants on crée les collèges comme le collège de Dormans-Beauvais, rue de Beauvais dans le cinquième arrondissement ou le collège des Bernardins créé en 1265 pour les moines cisterciens. Bien qu’ayant terminé ses études et portant le titre de clerc (titre le plus bas dans la hiérarchie ecclésiastique) Villon ne trouve pas d’emploi et il reste alors dans le milieu étudiant. On sait qu’il fréquenta un grand personnage : Robert d’Estouteville, alors prévôt de Paris, l’équivalent actuel du préfet de police, qui avait une femme férue de poésie. Pour faire plaisir à son épouse, le prévôt avait commandé un poème à François Villon. Ce dernier composera un très beau poème en acrostiche sur le nom de la jeune femme : Ambroise de Loré, qui sera le seul poème sur l’amour conjugal et la fidélité qu’écrira Villon, plus enclin à composer sur la duperie, l’injustice sociale, les filles de joie ou la mort.

François Villon, resté dans son milieu étudiant, fréquentait les tavernes et commettait quelques méfaits. Ainsi les étudiants s’amusaient à dérober les enseignes des maisons (les numéros ne sont apparus qu’au XVIIIème siècle) ce qui était très gênant surtout lorsque les étudiants rendaient les enseignes mais en les raccrochant n’importe où. Las, Robert d’Estouteville fit perquisitionner dans le milieu étudiant. Mais la justice de l’université fit libérer les étudiants car l’université, tout comme l’Eglise et le Roi, avait sa propre justice. En sortant, les étudiants se bagarrèrent avec les gendarmes et il y eut un mort ; le nom de François Villon n’apparaît pas. Peut-être s’était-il tenu en retrait pour ne pas mettre Robert d’Estouteville ni Guillaume de Villon en porte à faux.

Le poète passait la plupart de son temps dans les tavernes comme « La pomme de pin » où l’on boit et où l’on côtoie les filles de joie. Ces dernières apparaissent régulièrement dans les poèmes de Villon. En 1455 on retrouve Villon dans une nouvelle rixe avec le prêtre Philippe Sermoise qui, lui ayant balafré la lèvre, se retrouve poignardé à l’aine par le poète. La blessure est si grave que le prêtre mourra deux jours plus tard à l’Hôtel-Dieu. François Villon sait qu’il sera condamné à mort s’il est pris à Paris, il décide donc de s’enfuir. Afin d’obtenir une grâce, Villon demande à ses amis d’envoyer une lettre de demande de rémission au Roi. Le Roi Charles VII le graciera deux fois par deux lettres de rémission car les amis du poète, soucieux d’obtenir la grâce coûte que coûte, avaient envoyé  deux demandes à deux noms différents. Deux précautions valent mieux qu’une !

En 1456, fraîchement gracié, François Villon s’acoquine avec les pires voyous et fait partie d’une bande qui  décide de s’attaquer au coffre du collège de Navarre, rue Descartes. Les ecclésiastiques qui géraient le collège, gardaient de grosses sommes dans leurs coffres et ne le vérifiaient que rarement. La bande dérobe 500 écus (une petite fortune à l’époque) et les religieux ne s’aperçoivent du larcin que longtemps plus tard. Les voleurs sont tranquilles et se sentent tirés d’affaire. Cependant un des assaillants, Guy Tabari, lors d’une soirée d’ivresse dans une taverne se vante du vol du collège. Il est immédiatement arrêté et Villon, craignant que sous la torture (pratique courante à l’époque) Guy Tabari ne révèle son nom, s’enfuit à nouveau de Paris et se réfugie à Orléans. Il reste hors de Paris de 1457 à 1461. Il vit quelques temps à la cour de Charles d’Orléans qui s’adonne à la poésie, ne voulant rien d’autre après avoir été fait prisonnier par les Anglais durant la bataille d’Azincourt et libéré seulement  25 ans plus tard.  Charles d’Orléans organisait des concours de poésie. François Villon participa à l’un d’eux. Mais, à court d’argent, il commet à nouveau quelques larcins et se retrouve en prison au château de Meung-sur-Loire. Dans cette prison il subira de terribles supplices dont celui de l’eau. Il en parle à plusieurs reprises dans  « Le Testament » car il souffrira des séquelles de ces tortures.

En 1461, Charles VII meurt, et son fils Louis XI accède au trône. Le 2 octobre 1461 le nouveau roi fait son entrée à Meung-sur-Loire lors de sa tournée dans le royaume et, comme le voulait la tradition, il gracie quelques prisonniers dont François Villon. Dès sa sortie de prison Villon écrit « Le Testament », œuvre magistrale de 2023 vers. Une nouvelle rixe a lieu rue de la Parcheminerie où le notaire pontifical, maître Ferrebouc reçoit un coup de couteau. Le groupe est arrêté et très vite on se rend compte que Villon avait déjà participé au vol du collège de Navarre. Villon et ses acolytes sont enfermés au Grand Châtelet. Il est condamné à être étranglé par pendaison au gibet de Montfaucon. Ce sinistre endroit est évoqué dans « La ballade des pendus ». Au Moyen Age la mort était très présente dans la vie quotidienne et c’est un thème très présent dans la poésie de François Villon. Les pendus se décomposaient sur place puis ils étaient  jetés dans une fosse commune ; les autres morts étaient enterrés dans les cimetières comme le cimetière des Innocents dont parle Villon dans « Le Testament ». Le 5 janvier 1463 sa peine est commuée en bannissement. François Villon va alors avoir le front de demander trois jours de délai pour pouvoir demander de l’argent à ses amis! Les bannis étaient marqués au fer rouge et donc le 8 janvier (il a obtenu ses trois jours de délai) il est marqué et, à partir de cette date, on ne trouve plus trace de lui.

Conclusion

Le Paris de François Villon bien que restreint par la taille était très vivant, certains bâtiments sont toujours visibles de nos jours, de même que le nom de certaines rues.

François Villon était un poète reconnu dès son époque, mais il mena une vie contrastée, il fit des études supérieures mais, impliqué dans plusieurs vols et rixes, il fut poursuivi par la justice.

Son œuvre s’adresse tantôt aux joyeux drilles du Quartier Latin, tantôt aux princes et notables susceptibles de le protéger, et à nous aussi par ses sujets éternels et son sens de l’humour.

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