DON GIOVANNI, UN OURAGAN DE DESIR

Thèmes: Arts, Danse, Musique                                                                                                                        Mardi 9 Octobre 2018.

DON GIOVANNI, UN OURAGAN DE DÉSIR

Par Madame Catherine RICHARD LEDUC, conférencière nationale et accompagnatrice de voyages à vocation lyrique.

INTRODUCTION

L’opéra est un drame théâtral mis en musique et chanté. Il peut se décliner selon les époques en plusieurs genres : opera seria, grand opera, opera bouffa

Wagner disait de « Don Giovanni » qu’il était l’opéra des opéras. Son intrigue est celle d’un séducteur qui a séduit plus de mille femmes et dont le valet dénonce les méfaits tout en rêvant d’être à la place de son maître.

I – L’opéra.

A l’origine, la musique est exclusivement religieuse, puis avec l’arrivée de nouveaux instruments à cordes inspirés des luths du Proche-Orient, on arrive à l’oratorio au début du XVIe siècle. Au départ ce sont des chants de part et d’autre d’un sermon, puis les laudes sont unifiées et deviennent une véritable œuvre musicale. C’est une musique religieuse mais non liturgique. Les bases de l’opéra sont jetées.

On considère que le premier opéra de l’histoire est « Orfeo » de Claudio Monteverdi en 1600, qui est une succession d’arias sans chœur à proprement parlé. Grâce à Marie de Médicis dont le mariage avec Henri IV par procuration donna lieu au tout premier opéra, celui-ci se diffuse en France.

Venise va devenir, avant Naples, la capitale de l’opéra. Ainsi en 1637 on inaugure à Venise le premier théâtre public d’opéra, le San Cassiano. C’est également à Venise que sera donné en 1642 « L’incoronazione di Poppea » de Monteverdi, considéré à tous points de vue comme le prototype définitif de l’opéra. L’opéra est italien, aussi les compositeurs et interprètes italiens sont-ils demandés par de nombreuses Cours en Europe, favorisant la diffusion du genre.

Au XVIIIe siècle, Naples devient la capitale de l’opéra notamment grâce à son école de castrats. On peut rappeler qu’avant que les femmes ne soient autorisées à monter sur scène les rôles de femmes étaient tenus par des hommes, d’où l’importance des castrats. Au cours de ce XVIIIe siècle l’opéra connaît un grand succès et certains peintres commencent leur carrière en peignant des décors d’opéra, comme ce fut le cas pour le vénitien Canaletto.

II – Mozart et l’opéra.

Wolfgang Amadeus Mozart est né à Salzbourg en 1756 dans une famille de musiciens. Dès son enfance, l’enfant présente des dons extraordinaires. Le jeune prodige commence sa carrière à Salzbourg mais étant en conflit avec le prince archevêque Hieronymus von Colloredo, il part à Vienne. Il épouse Constance et commence à écrire des opéras mais sa production est déjà très diverse, symphonies, concertos et œuvres sacrées. A l’âge de douze ans il écrit un singspiel, intitulé « Bastien, Bastienne » commandé par Messner. Il compose son premier opéra en 1770 « Mithridate re di Ponte » dont le livret est italien.

Après avoir rencontré Lorenzo del Ponte, un abbé érudit et aventurier aux mœurs légères, dans les années 1780 Mozart compose cinq de ses opéras les plus joués. Les trois premiers « La nozze di Figaro« , « Don Giovanni » et « Cosi fan tutte » sont considérés comme une trilogie car leur livret a été écrit par le même auteur, Lorenzo del Ponte.

D’abord limité à l’aristocratie l’opéra se démocratise petit à petit et le peuple s’y intéresse. Avec les idées des Lumières qui mèneront à la Révolution, l’opéra traite des sujets de l’actualité.

Mozart compose son dernier opéra, « Die Zauberflöte« , en 1791, année de sa mort.

III – Don Giovanni.

« Don Giovanni » est un opéra en deux actes, en italien, du genre dramma giocoso. C’est l’opéra qui a eu le plus d’influence sur les compositeurs romantiques par son mélange d’éléments comiques (buffa) et tragiques (dramma). L’histoire est basée sur l’œuvre de Tirso de Molina, auteur espagnol, qui écrit en 1630 « El Burlador de Sevilla » relatant les aventures amoureuses de Don Juan, un séducteur qui un jour par moquerie invite à dîner une statue. A sa grande surprise la statue accepte et à la fin du dîner lorsque Don Juan veut partir, la statue lui attrape la main et l’emmène en enfer. Le sujet sera repris par de nombreux auteurs dont de Villiers qui l’intitule « Le festin de Pierre ou le fils criminel » ou Molière qui reprendra le thème et le titre mais dont le titre deviendra « Dom Juan » à sa mort, ou encore Christoph Gluck pour son ballet pantomime en 1761, Lorenzo del Ponte pour le livret et Mozart pour la musique de « Don Giovanni« , puis Pouchkine et même Baudelaire.

Mozart compose « Don Giovanni » à Prague où sera donnée le 29 octobre 1787 la première au théâtre des Etats de Prague. L’œuvre connaît alors un véritable triomphe. L’opéra sera donné au Burgtheater de Vienne en mai 1788 avec un succès plus mitigé car l’Empereur Joseph II ne l’apprécie que modérément. Pourtant, Mozart y avait apporté quelques modifications et le ténor était Francesco Morella et la soprano Caterina Cavalieri, de grandes voix de l’époque.

IV – « Don Giovanni« , un opéra particulier.

« Don Giovanni » est un mélange de situations dramatiques et de situations incongrues qui sont plutôt comiques, et cela dès l’ouverture. Ainsi l’ouverture est faite par le valet Leporello qui met en garde les femmes en révélant que son maître a déjà séduit plus de mille femmes mais en même temps il souhaiterait être à sa place. Juste après, on apprend la mort du commandeur, ce qui est une scène dramatique. Tout au long de l’opéra ces alternances sont nombreuses.

Une autre spécificité de la composition vient du fait que les deux héros, Don Giovanni et Leporello (1), sont des barytons basses alors qu’habituellement les héros sont des ténors. Ici le ténor est Don Ottavio, qui n’est qu’un personnage secondaire. Il y a un échange permanent entre le valet et le maître, l’un se faisant passer pour l’autre.

Autre particularité de « Don Giovanni« , le fait que l’on trouve un sextuor. C’est la première fois que l’on trouve un tel imbroglio de voix.

Dans l’œuvre originale de Tirso de Molina la fin est une descente aux enfers. A la fin de la pièce de Molière, chacun retrouve sa place selon les codes de son époque : ainsi, le valet réclame ses gages et Dom Juan est puni pour son libertinage, la morale est respectée. Le « Don Giovanni » de Mozart et del Ponte se termine par une célébration de la liberté, la dernière scène réunissant les différents couples et ouvrant donc vers un futur heureux. L’opéra fait de Don Juan une figure allégorique, un ouragan de désir et pas un homme à proprement parler, Mozart crée un personnage qui a donné du plaisir aux femmes et les amène ainsi vers la liberté.

CONCLUSION

Avec « Don Giovanni » Mozart révolutionne l’opéra. Le héros bien qu’inspiré par le personnage de Tirso de Molina, a dans l’œuvre de Mozart et del Ponte un autre ton, c’est un ouragan de désir et non un séducteur peu scrupuleux pour qui les femmes ne sont que des objets. « Don Giovanni » est l’un des plus célèbres opéras de Mozart et lors du centenaire de sa création en 1888, il a été joué 532 fois à Prague et 491 fois à Berlin. De nos jours, il reste au répertoire de la plupart des grands théâtres à travers le monde.

  • Au cours de la conférence, Timur Abdikeyev a interprété avec sa voix de basse l’air du Catalogue de Leporello.

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