DE LA « CLEPSYDRE A L’ATOME » – Une histoire de l’horlogerie

Thème: Art-Economie-Histoire                                                                                                                                 Mardi 20 mai 2014                

De la « clepsydre à l’atome » Une histoire de l’horlogerie                                                                                              

par Roland GUERARD, horloger-restaurateur

A l’époque des Rois de France, il fallait 7 ans pour former un Horloger il devait présenter un chef- d’œuvre pour être admis à la maîtrise. Un Horloger doit être capable de créer et de restaurer un garde temps (Appellation de l’horloge par nos ancêtres)

Il y a l’horloger dans sa boutique avec des bijoux, mais il y a aussi l’horloger qui restaure derrière son établi et ceux qui entretiennent les garde-temps de notre patrimoine pour des châteaux, des musées et le mobilier national, réserve crée sous Louis XIV. Les horlogers sont recherchés pour la précision de leur travail par beaucoup d’entreprises et les trois corps d’armée.

Qu’il soit mécanique, à quartz ou simplement à cristaux liquides, le garde-temps fait aujourd’hui partie intégrante de notre cadre de vie. Mais pour en arriver là, cet objet devenu indispensable au bon déroulement de nos activités quotidiennes, il a fallu des siècles de tâtonnement, des dynasties d’astronomes, d’inventeurs et de scientifiques qui sont parvenus, à force de persévérance et de patience à domestiquer le temps.

Les garde-temps dont nous parlerons sont classés selon les règnes de notre Histoire de France : Pendules de beffroi et de clocher, Pendules d’appartement et pour finir, les Montres. On constatera que le départ de l’horlogerie commence avec un bâton.

Que ce soient les Mayas, les Chinois ou les Egyptiens, tous ont cherché à maîtriser le temps.

En l’an 3000 avant JC, c’est par un bâton planté en terre, puis l’obélisque qui traduit le parcours de l’astre solaire sur le sol par une ombre divisible et lisible. Ainsi nait le cadran solaire. L’obélisque égyptien de Louxor sur la place de la Concorde en est une démonstration, qui sera appelé l’heure vraie et temps virtuel celui créé par l’homme.

A la même époque, la clepsydre permet de diviser le temps de nuit sans la lumière solaire, l’intérieur de la vasque est graduée et remplie d’eau, l’écoulement permet donc d’avoir connaissance du temps écoulé. Le système est perfectionné par l’ajout de flotteurs, d’une tige et d’une roue dentée. Ce sera le début de l’horlogerie. Le sablier que nous utilisons encore de nos jours est utilisé par la justice le temps d’une plaidoirie ou vers à sermon pour les prêtres ; Christophe Colomb s’en servait pour la navigation.

Sous les Egyptiens, tout comme dans les campagnes françaises, les rythmes se font en fonction du jour et de la nuit, des saisons et de l’agriculture. Ce sont encore les Egyptiens qui ont décidé en observant les astres que la journée serait divisée en deux fois douze heures.

A partir des 5e et 6e siècles dans l’Europe du début du Moyen-âge, les premiers hommes à s’organiser en communauté sont les moines. Les cloches actionnées manuellement ont pour mission de sonner les heures, annoncer les prières, offices des monastères et des églises. Ces nouvelles cloches s’installent en haut des Beffrois, réglées sur des horloges à eau, elles-mêmes réglées sur des cadrans solaires.

Il semblerait que ce soit en 1300 qu’apparaît l’horloge mécanique ; les premières horloges n’ont ni cadran, ni aiguille, leur rôle principal étant de sonner les heures. Toujours à la même époque, l’échappement dit Folio est utilisé pour régler la chute du poids qui lui, entraîne les engrenages.

 L’horloge du Palais de Justice à Paris. En 1370, Charles V, roi de France, voulut une horloge sonnante au centre de Paris pour donner l’heure à toute la ville. C’est un horloger lorrain qui réalisa ce mécanisme. En 1418, le roi de France a fait installer une horloge avec ce cadran extérieur. Il ne reste plus rien du mécanisme, seul le cadran a connu plusieurs restaurations. Les deux dernières datent de 1909 et 2012. Aujourd’hui, les aiguilles sont actionnées par un mécanisme électrique dont nous parlerons plus tard.

Toujours à la même époque, entre 1300-1350, voici la façade d’une pendule de clocher à une aiguille avec deux personnages en polychrome ; cette église est l’église Saint Rémi de Troyes.

L’église Saint Paul de Paris comporte deux horloges. Une première horloge se trouve en façade, l’autre au dessus de la porte d’entrée. La première est monumentale, en partie haute et date de 1627. Le mécanisme est en fer forgé (l’activité de forgeron date de 5000 ans avant  JC), il ne fonctionne plus mais reste dans les combles de l’église, ce qui est très étonnant car retrouver de vieux mouvements comme celui-ci est très rare. Actuellement les aiguilles sont électrifiées.

La deuxième horloge est au-dessus du porche, son cadran est dans la partie supérieure de la porte principale ; le passant pouvant lire l’heure grâce à un rétro-éclairage qui à l’origine se faisait avec une mèche imbibée d’huile. Aujourd’hui, il est prévu un rétro-éclairage moderne.

Boucomont a conçu en 1791, un mouvement qui pèse 1,3 tonne ; il s’avère que ce type d’horloge était encore installé jusqu’au milieu du 19 siècle.

Mouvement de la mairie de Paris.

Cette horloge fait partie de l’histoire de l’Hôtel de Ville de Paris. Elle date de 1889 et fut présentée à l’exposition universelle avant d’être placée dans le nouvel Hôtel de Ville de Paris qui avait été brûlé en 1871 par les communards.

Horloge astronomique de la cathédrale Saint-Jean à Lyon

Réalisée en 1538, décoration baroque, renferme des pièces en fer forgé et en bronze. Le cadran des minutes situé sur le coté droit est ovale, l’aiguille s’allonge et se rétrécit grâce à un ingénieux mécanisme différentiel, came ovale au centre et une courroie permet à l’aiguille de suivre les bords du cadran. Il a été endommagé avec une barre de fer par un vandale le 28 mars 2013.

L’horloge automate qui se trouve au quartier de l’horloge près du centre Pompidou est une pendule créée en 1979 et qui a fonctionné jusqu’en 2008. Des discussions sont en cours pour sa restauration.

Le Coq Dragon Crabe et le combattant en acier et laiton doré étaient animés à 12 heures.

Les pendules et les cloches des églises et autres monuments sont commandées par des systèmes électroniques.

La première horloge à balancier pendulaire a été mise au point par le mathématicien hollandais Guyen en 1658 ; celle-ci n’avait qu’une aiguille qui faisait le tour du cadran en vingt-quatre heures. Les premiers cadrans étaient en étain puis en laiton doré ou argenté. Vous avez vu l’échappement Folio tout à l’heure, avec les deux poids que l’on pouvait déplacer, voici le même échappement mais mis à l’horizontal qui sera réglé par un balancier. On retrouve toujours dans les comtoises ce type d’échappement.

Les premières comtoises avaient le balancier à l’arrière du mouvement, les poids étaient en plomb au bout d’une tige métallique, soit  une chaîne (genre chaine d’arpenteur). Aucun émailleur n’arrivait à fabriquer un cadran complet en émail, ce qui explique pourquoi en 1690 apparaissent les cadrans avec cartouches en émail représentant des chiffres. En 1750, nous voyons apparaître les cadrans émaillés, c’est en 1870 que le balancier est à l’avant du mouvement et au 19e siècle, que l’on voit apparaître les balanciers animés.

Voici un mouvement de comtoise démonté pour restauration. L’horloger va vérifier l’état des pièces, dix-huit ici. Vous comprendrez plus tard pourquoi le nombre de pièces est important. L’horloger va supprimer toutes les rayures sur les pivots, la rouille sur les tiges, nettoyer la saleté entre toutes les dents. Ce mouvement sera vraiment remis en état. Le tambour où s’enroule la corde du poids est en laiton, dans une pendule ancienne il est en bois.  Les poids peuvent être aussi un complément d’information par leur forme ; les vis sont polies puis bleuies avec un chalumeau.

Voici un autre mouvement de comtoise avec les phases de lune. Le timbre au dessus est en laiton, plus tard nous aurons des timbres en airain – mélange d’étain, d’argent et de cuivre – dont le diamètre et l’épaisseur donneront des sons différents. Les comtoises étaient fabriquées dans le haut Jura à Morez ou à Morbier ; la fabrication industrielle a été arrêtée au début du 20e siècle. Ces mouvements sont placés dans des meubles pour pendules dont le style varie selon les régions (meubles bretons, basques, normands…).

Les horlogers de l’époque étaient aussi des serruriers. Ils utilisaient le ressort couramment employés dans les serrures. Jean-André Lepaute, horloger du roi, invente le ressort en spirale pour diminuer la taille des horloges. Il remplacera le poids par le ressort spirale logé dans un barillet. Il faut savoir qu’avec un poids, nous avons une force constante ; avec un ressort la force transmise diminue au fur et à mesure que le ressort se détend. C’est pourquoi l’horloger a inventé la fusée en forme conique qui par l’intermédiaire de cette chaîne va compenser la diminution de tension du ressort et réguler la marche de l’horloge. Une remarque : cette chaîne est l’ancêtre de notre chaîne à vélo.

Les horlogers veulent réduire la dimension des mouvements de pendule. Voici un mouvement carré que nous trouvons sur les pendules Louis XIV, ainsi que dans les pendules que nous avions dans nos classes que l’on appelait « œil de bœuf ».

Sous Louis XV, nous voyons apparaître des mouvements ronds d’un diamètre de plus ou moins 10 centimètres. Ces mouvements sont composés d’une soixantaine de pièces – nous avons commencé à dix-huit et là nous en sommes à soixante. La roue de sonnerie va déterminer le nombre de coups qui vont être tapés par le marteau sur le timbre.

En 1544, François 1er a promulgué les statuts de la toute première corporation horlogère qui était installée à Paris, ce qui créa un conflit entre les horlogers, les menuisiers et les ébénistes, ces derniers revendiquant le droit de construire les boîtiers des horloges. La corporation des serruriers date de 1268.

Pendule Louis XIV nommée Religieuse avec un mouvement carré, le cadran est en laiton.  Ces pendules étaient réalisées en marqueterie boule ou en écaille de tortue.

En 1685, la révocation de l’Edit de Nantes pousse les Huguenots hors de France ; certains partent en Angleterre, d’autres se réfugient à Genève dans le Jura Suisse. C’est le cas de Breguet et de Berthou. En 1767 avec l’aide des Anglais, l’horloger Berthou invente la montre marine. Voltaire avait créé une fabrique de montres pour contrer les Suisses.

Les pendules Louis XV sont différentes, les formes sont arrondies, les bronzes marquent les contours et nous voyons apparaitre la coquille  Louis xv.

Les pendules Louis XVI sont plus décoratives avec des sujets en bronze et du marbre

Pendule de voyage de Bonaparte. En 1798, la pendule faite par Breguet à la demande de Napoléon. On raconte que Napoléon a failli perdre une bataille par suite du retard de l’un de ses officiers ; il exigea alors qu’ils emportent partout avec eux une pendule de voyage.

Ensuite nous avons les pendules Directoire /Retour d’’Egyte/ Charles X 1825 / Louis Philippe avec de la porcelaine 1830 /Napoléon III

Puis en 1840 nous voyons apparaître les pendules électriques avec des applications dans l’industrie : pendules de pointage et plus tard le carillon.

Que ce soit à Londres, Amsterdam, Paris, Blois, Lyon, Genève et La Haie, les montres comme les horloges sont constituées selon le même principe. Selon le lieu de résidence des Rois, l’industrie horlogère se déplace (Blois pour François 1er). De nombreux horlogers se sont spécialisés dans des horloges miniatures appelés « ouvriers en petit ». Orfèvres, bijoutiers, et lapidaires, graveurs, rivalisent pour créer des boîtiers.

Nous avons vu l’échappement dit Folio, voici trois échappements de montres, à cylindre, à ancre, à cheville.

La première montre daterait du 15e siècle. On a commencé avec un bâton pour déterminer le temps. Ensuite, il y a eu les gros mouvements de clochers et de beffroi, puis les pendules de parquet, les pendules de cheminées et maintenant nous avons les montres. Le fonctionnement est le même  mais en plus petit.

Louis XIV avait commandé une dague avec une montre dans le manche ; les montres deviennent un accessoire important de la parure, tant féminine que masculine. Il existe aussi des montres érotiques qui se montraient sous le manteau dans la profession ; on disait que Michel Simon en avait la plus belle collection.

En 1783, un des admirateurs de la Reine Marie-Antoinette commande à l’horloger Breguet, comme présent pour la Reine, la montre la plus spectaculaire possible pourvue de tout le savoir faire. L’ordre précise que l’or doit remplacer, tant que faire se peut, les autres métaux et que les complications doivent être multiples et variées, sans limite de temps, ni d’argent. Breguet, déjà fournisseur de la cour, a carte blanche. Sa fabrication ne s’achèvera qu’en 1827, soit trente-quatre ans après la mort de la Reine et quarante-quatre ans après la commande.

C’est une montre perpétuelle à répétition minute, sonnant à volonté les heures, les quarts et les minutes, affiche la date, le jour et le mois. Le mouvement à remontage automatique, dit perpétuel, intègre huit cent vingt trois pièces.

Dérobée dans un musée de Jérusalem, elle est restée introuvable pendant des décennies. Une copie repose dans un précieux écrin de plus de 3500 pièces sculptées dans le bois du chêne royal. L’extérieur du coffret est une copie du parquet du petit Trianon et renferme une somptueuse marqueterie constituée de plus de 1000 fragments de bois qui dessinent la main de Marie-Antoinette tenant une rose.

La montre Roscoff, du nom de son inventeur en 1825, permet aux revenus modestes d’acquérir une montre.

C’est en 1891 que le gouvernement décide d’instaurer une heure légale nationale fixée sur l’heure de Paris ; auparavant, l’heure de chaque ville était calée sur l’heure solaire. Or les cadrans solaires installés en Bretagne et dans les Alpes affichent près de cinquante minutes d’écart. Ce n’est qu’en 1914 que la France rejoint officiellement le système des fuseaux horaires et que le parlement adopte le méridien de Greenwich.

Il existe différents types de montres : montre d’infirmière accrochée à la blouse avec une épingle à nourrice pour contrôler les pulsations du malade, montre pour non voyants qui existe aussi en montre de poche.

Selon les règles de bienséance de la fin du 18e siècle, il était inconvenant de regarder l’heure en société. En 1959, les Allemands mettent au point un système de transmission de l’heure légale par ondes radio. L’émetteur à Francfort a une portée de 500 km et possède une horloge atomique et donne l’heure absolue, avec un écart d’une seconde pour un million d’années.

En 1968, la première montre à quartz, et elle devient numérique en 1970. La nouvelle montre Seiko est capable de recevoir des signaux GPS et d’analyser les données relatives au temps. Les aiguilles s’ajustent automatiquement à l’heure locale avec la précision d’une horloge atomique ; elle est dotée d’un calendrier perpétuel ajusté jusqu’en février 2100.

Les Horlogers, Bijoutiers, Orfèvres et Lapidaires ont toujours travaillé en étroite collaboration avec la volonté de créer pour donner satisfaction aux utilisateurs de ces bijoux.