CAMILLE PISSARRO, LE PREMIER DES IMPRESSIONNISTES

Thèmes: Art, Peinture                                                                                                                            Conférence du mardi 30 mai 2017

CAMILLE PISSARRO, LE PREMIER DES IMPRESSIONNISTES

Par Madame Juliette CORLIER, historienne de l’art. 

INTRODUCTION

Camille Pissarro est un peintre très connu du mouvement impressionniste dont on peut admirer une partie des œuvres à l’exposition qui se tient actuellement au musée Marmottan. L’exposition présente à la fois un axe chronologique et thématique de l’œuvre de l’artiste.

I – Une brève biographie.

Camille Pissarro est né en 1830 à Saint-Thomas petite île des Caraïbes qui à l’époque appartenait au Danemark  et qui de nos jours fait partie des îles Vierges (USA). Ses parents sont des épiciers juifs aisés mais le jeune Camille issu du second mariage de sa mère aura une enfance difficile. En effet, sa mère épousera en secondes noces son neveu par alliance ce qui fait scandale et entraînera de grandes difficultés pour que les autorités juives reconnaissent ce mariage. Le jeune Camille en subira les conséquences et ne pourra pas fréquenter l’école judaïque, il devra aller à l’école protestante avec bon nombre des enfants d’esclaves affranchis. A douze ans il est envoyé en France pour suivre des études secondaires dans un pensionnat à Passy. Le directeur du pensionnat, en voyant ses dessins l’encourage dans cette voie. Mais, à dix-sept ans il rentre aux Antilles où son père, loin de l’encourager dans sa vocation, l’oblige à devenir commis dans l’épicerie familiale. Camille passe de longues heures sur le port et y rencontre le peintre danois Fritz Melbey avec qui il fuit en 1852 au Venezuela et où il se forme à l’aquarelle. De retour à Saint-Thomas, en 1854, le père de Camille comprend la passion de son fils pour l’art et consent à l’envoyer à Paris en 1855, l’année de l’exposition universelle, pour que le jeune homme se forme. Grâce à l’exposition universelle Camille Pissarro a accès à de nombreuses œuvres et forme ainsi son œil.

Les parents du jeune peintre rentrent en France et bien qu’adulte, Camille retourne habiter chez ses parents car il n’est pas autonome financièrement. Un événement va provoquer la colère de son père. Camille tombe éperdument  amoureux de la jeune domestique du foyer, Julie, qui se retrouve enceinte. Le père de Camille est furieux, non seulement la jeune fille est d’un milieu très modeste mais elle est catholique. Le jeune couple doit partir et s’installe à la Varenne-Saint-Hillaire. Pour que son mari puisse peindre et bien qu’elle ne considère pas cela comme un métier ni un moyen pour gagner sa vie, Julie soutiendra son mari tout au long de sa vie. Entre 1866 et 1869, le couple habite à Pontoise où Pissarro continue de peindre. Puis en 1869 c’est le départ pour Louveciennes. En 1870 éclate la guerre et Camille Pissarro s’exile à Londres pendant un an où il fréquente les musées et découvre notamment Turner et Constable.  Durant la guerre sa maison de Louveciennes a été saccagée et ses peintures détruites, l’artiste doit tout recommencer. C’est à cette époque qu’il s’éloigne un peu de Monet bien qu’ils restent amis. En 1884, le couple s’installe dans une maison à Eragny-sur-Epte dans l’Eure, région très prisées par les impressionnistes. Julie très réaliste et pragmatique achètera la maison lors d’un séjour de son mari à Londres en empruntant la somme à Monet. Ce sera la maison familiale définitive des Pissarro. Camille Pissarro décédera le 13 novembre 1903 sans grande fortune conformément à ses principes anarchistes.

II – Un aperçu de l’œuvre de Pissarro.

Pissarro peint sa première toile aux Antilles, en 1865, tableau intitulé « Deux femmes bavardant sur la plage ». On remarque déjà les petites touches de peinture du buisson du premier plan.

Considéré par Cézanne comme « le premier des impressionnistes » Pissarro est le fondateur de ce groupe. De nos jours on a du mal à voir le côté novateur de sa peinture car notre œil s’est habitué aux tableaux impressionnistes.

Dès son arrivée définitive en France pour étudier l’art, Pissarro s’ennuie à l’école des Beaux-arts. Les cours théoriques et très académiques le lassent et bien vite il cesse de fréquenter les cours. Il se lie d’amitié avec Camille Corot, peintre de l’école de Barbizon qui préconisait de sortir des ateliers pour peindre en extérieur. Dans les premières toiles de Pissarro on peut noter l’influence de Corot notamment par l’épaisseur des touches de peinture. Pissarro  peint principalement des paysages de campagne et les critiques aiment le qualifier de « spécialiste des choux ». Il a la chance cependant de pouvoir exposer certaines toiles au Salon, seul lieu où les peintres pouvaient se faire connaître car à l’époque il n’y avait pas de galeries d’art.

Entre 1866 et 1869 Pissarro demeure à Pontoise, puis part  à Louveciennes, l’artiste peint alors des séries. A son retour d’exil, Pissarro revient vivre à Pontoise où il restera dix ans et peindra notamment « L’usine à Pontoise » et « Paysage près de Pontoise ». C’est également à son retour de Londres qu’il commence sa collaboration avec Cézanne qui lui apprendra à structurer ses tableaux. Quant-à Pissarro il conseillera à Cézanne d’éclairer sa touche. Cette collaboration entre les deux peintres sera un véritable échange et un enrichissement mutuel. On peut voir cette recherche de structure dans « La meule ».  Grâce au marchand d’art Paul Durand-Ruel, principal soutien moral et financier des impressionnistes, Pissarro vend ses toiles, mais bien souvent à un prix dérisoire.

Les peintres impressionnistes se plaignent de leur manque de visibilité et décident d’organiser la première exposition privée impressionniste en 1874. On peut y voir des toiles de Pissarro mais aussi de Monet, Manet, Renoir ou Sisley. Pissarro sera le seul qui participera aux huit expositions organisées par le groupe. Dans ces années le terme « impressionniste » est péjoratif et avait été donné par un journaliste qui voyait dans ce courant des toiles inachevées. Le trait semble ne pas être « fini » et les couleurs sont plus mates car les peintres retiraient au maximum l’huile contenue dans la peinture. Économiquement cette exposition est désastreuse, Pissarro ne vendra qu’une seule toile et les frais engendrés par cette exposition sont élevés.

Dès le début des années 1880, les toiles de Pissarro sont totalement impressionnistes mais le thème du travail humain aux champs reste présent comme nous pouvons le voir avec le tableau « La récolte des betteraves » (1881). A partir de 1885 et son installation à Eragny, on peut souligner tout le travail de l’artiste sur les verts, comme nous le voyons dans « Soleil levant à Eragny », œuvre de 1899.

Financièrement, la situation de Pissarro est difficile et l’artiste doit se résoudre à peindre, entre autre, des éventails pour faire face à ses dépenses. Ayant toujours voulu rester novateur, Pissarro, dans les années 1880, laisse les paysages champêtres et commence à peindre en atelier des personnages. Le tableau « La jeune fille à la baguette » est un bel exemple de cette période. On peut y voir l’influence de Degas avec qui il s’était lié. Par ailleurs la maladie dont sont atteints ses yeux l’incite à réduire son travail en extérieur. C’est aussi à cette époque que l’on remarque sur certaines toiles, comme « La bonne » peinte en 1882,  plusieurs perspectives, ce qui sera amplement repris par Picasso. Le peintre s’essaye aussi à la gravure toujours soucieux d’innover. C’est également dans les années 1880 que Pissarro se plaît à peindre des scènes de rues de marché comme on peut le voir avec le tableau « Le marché à la volaille à Pontoise » réalisé en 1882.

Entre 1885 et 1890 suite à sa rencontre avec Seurat, Pissarro se lance dans le pointillisme où les couleurs sont travaillées de manière scientifique. Ainsi on doit placer une pointe d’une couleur précise à côté d’une autre déterminée pour que lorsque l’on regarde de loin une autre couleur se forme. Par exemple, le rose à côté du jaune donnera du orange pour l’œil. Cette technique étant très précise chaque  toile demande au peintre beaucoup de temps et il peint peu de toiles, ce qui ne fait qu’aggraver ses difficultés financières. Ces cinq années marqueront sa rupture avec Paul Durand-Ruel, qui souhaitait avoir plus d’œuvres du peintre afin de satisfaire ses clients. Pour illustrer cette période dite néo-impressionniste, on peut admirer la toile « La cueillette des pommes ». En 1890, Pissarro revient à l’impressionnisme classique et il travaille énormément à Paris où il loue des chambres d’hôtel à partir desquelles il peint des perspectives dynamiques de boulevards, places, fleuves et ponts. Il réalise une série de quinze tableaux de paysages urbains comme « La place du théâtre Français » (1898), « Boulevard Montmartre » (1897) ou « Le Pont-neuf » réalisé en 1902. Il peint aussi des paysages urbains à Rouen et au Havre.

Comme on peut le voir à travers ses toiles, Pissarro est un anarchiste qui se plaît à vivre en autarcie et de manière frugale. Il ne peindra jamais la bourgeoisie ou l’aristocratie qui pourtant sont ses clients, mais les classes populaires. Ses tableaux mettent en avant le travail humain qu’il soit aux champs, sur les marchés ou à l’usine. Il est aussi profondément anti-clérical.

CONCLUSION

Camille Pissarro, premier impressionniste, aura eu un parcours mouvementé avec le souci permanent d’innover. Son œuvre reflète ses pensées anarchistes avec des choix de thèmes toujours liés au petit peuple. Comme bien des peintres Pissarro ne sera jamais riche et à sa mort son épouse, fidèle à ses idées sur la peinture, vendra toutes les toiles de l’artiste et achètera des emprunts russes.

Note du CDI: Le texte de cette conférence a été soumis à la conférencière pour validation et n’a pas été modifié par ses soins.

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