BOTTICELLI

Thème : ART – PEINTURE                                                                                                                                                 Mardi 27 mars 2012

BOTTICELLI

Par Monique Boisard – Historienne de l’Art

Alessandro di Mariano di Vanni Filipepi, dit Sandro Botticelli (nom qui vient peut-être de « botticello » qui signifie petit tonneau) naît  en 1445 dans une famille d’artisans.

Botticelli devient rapidement l’un des peintres les plus importants de la Renaissance italienne et de l’histoire de l’art. Son fabuleux travail restera intimement lié à la famille Médicis  jusqu’à sa mort en 1510.

Une histoire familiale reflet de son art

Le père de Sandro est tanneur, toute sa famille (ses fils et sa femme) s’installe près d’un cours d’eau dans le quartier de Santa Maria Novella.

A treize ans, Sandro devient l’apprenti d’Antonio, son frère orfèvre. Soulignons qu’à l’époque, les orfèvres étaient aussi graveurs, d’où l’importance du dessin dans leur art.  Ainsi s’explique la maîtrise de Botticelli dans l’art de la ligne aux multiples et subtiles inflexions. Les liens de Sandro avec le monde artisanal sont essentiels à la compréhension de son œuvre. Sa poétique a en effet pour source l’art des cassoni (coffres de mariages pour ranger le trousseau de la mariée, décorés par un artiste au moyen de narrations en frise. Botticelli est si doué qu’il est reçu dans l’atelier du meilleur peintre de Florence, Fra Filippo Lippi, pour parfaire sa formation ; puis il intègre autour de 1470, l’atelier plus « chic » de Verocchio, où il côtoie notamment Léonard de Vinci.

Deux familles puissantes sur son chemin  d’artiste

Le nom de Médicis évoque la famille la plus célèbre d’Italie, la période la plus brillante de l’histoire italienne. Au XVème siècle, Laurent de Médicis, dit Laurent le Magnifique est sans doute l’un des personnages les plus remarquables de son époque. Au-delà de ses talents de diplomate et d’homme politique, Laurent est le mécène et ami de brillants érudits, d’artistes et de poètes passionnés par l’Antiquité. Les talents multiples du Magnifique en font une incarnation de l’idéal de l’homme de la Renaissance. Les Médicis et leurs alliés passeront régulièrement commandes de peintures à Botticelli, et « feront de lui », avant qu’il n’ait atteint la trentaine un peintre envié et admiré » Christian Jamet.

Citons également la famille Vespucci dont le palais jouxte la maison des parents du peintre. Amérigo Vespucci qui donnera son nom à l’Amérique, est de dix ans le cadet de Botticelli.

Les Vespucci commanderont, vers 1480, à Sandro, une fresque pour l’église Ognissanti, représentant Saint Augustin. cette peinture relate un moment très émouvant de la vie du saint ; alors qu’il écrit à son ami Saint Jérôme, malade, une brise parfumée envahit la pièce et il entend son ami lui dire qu’il est inutile de lui écrire, il se trouve déjà aux portes du Paradis, très heureux.

Récemment, lors de la restauration de cette fresque, on a découvert une phrase dans le livre ouvert derrière le saint, qui évoque l’esprit blagueur de Sandro : « mais où est frère Martin ? il est sorti, et où est-il allé ? Par la Porta al Prato ». Pendant qu’il était occupé à peindre, Botticelli a dû entendre les moines parler de l’escapade du frère Martin et a inséré dans un texte, par ailleurs en fausse écriture, les propos anodins de deux moines.

Le retour de Judith de Béthulie. Chez les particuliers, à l’époque, existait une pièce appelée : le studiolo (la bibliothèque) où les collectionneurs rassemblaient des objets précieux dont des peintures de petit format ; celle-ci est une détrempe sur bois de peuplier, minutieusement réalisée, elle raconte en deux panneaux comment l’héroïne sauva son peuple des armées du général Holopherne.

L’allégorie de La Force. En décembre 1469, le Tribunal de la Mercanzia décide d’orner la salle d’audience de son palais, avec des représentations des Vertus ; il passe commande à Piero Pollaiuolo qui n’achève pas le travail dans les délais prévus par le contrat ; c’est Botticelli qui exécute, de manière magistrale, l’image de la Force, qui lui apporte la célébrité.

Portrait d’homme qui tient une médaille .Le personnage représenté sur ce tableau est inconnu ; son attitude montrant fièrement cette médaille représentant Cosme de Médicis dit le « Père de la Patrie » pourrait être un autoportrait de Sandro présentant avec fierté l’œuvre de son frère l’orfèvre Antonio.

L’adoration des Mages. Peinture magnifique qui marque l’allégeance de Botticelli aux Médicis ; Sandro, sur le côté de la composition, en vêtement ocre et jaune pâle, regarde le spectateur ; derrière lui, on aperçoit le commanditaire Giovanni di Zanobi del Lama, banquier florentin travaillant pour les Médicis ; les mages sont prétextes à des portraits des principaux membres de la famille dont Cosme l’Ancien, et ses fils Pierre et Jean.

1478 – La vengeance peinte par Botticelli. Le pape Sixte IV désire agrandir ses territoires aux dépens de la Toscane. Il met à feu et à sang des villages entiers. Laurent  réagit en lui refusant les prêts d’argent qu’il demande. Le pape se tourne alors vers les rivaux banquiers des Médicis, les Pazzi. En représailles, Laurent ferme leur banque florentine ; les Pazzi et le Pape vont alors se venger en organisant le meurtre des deux frères Médicis pour s’emparer de Florence.

L’assassinat est planifié le jour de Pâques, dans la cathédrale au cours de la messe, au moment de l’élévation. Les conjurés réussissent à tuer Julien, le jeune frère de Laurent ; ce dernier est sauf ; sa vengeance est terrible, les conjurés sont pendus aux fenêtres du palais de la Seigneurie, même l’évêque Salviati.  Botticelli est chargé d’exécuter des peintures des pendus ; placées à l’entrée du palais, elles y resteront jusqu’en 1494.

1481-1482 – Le pardon et le décor de la chapelle Sixtine. Le pape se réconcilie avec Florence et Laurent ; il lève l’excommunication dont il avait frappé la ville. En signe de paix Laurent le Magnifique lui envoie ses meilleurs artistes réunis autour de Botticelli pour décorer les murs de la chapelle Sixtine.

La Madone du Magnificat.  C’est un tondo (c’est-à-dire un tableau de forme circulaire) datant de 1481 ; le sentiment religieux exprimé dans cette œuvre témoigne de la dévotion sincère et profonde de l’artiste.

L’incroyable quantité de rehauts d’or dans les chevelures, les ornementations des vêtements, la couronne, laisse deviner la richesse du commanditaire, car l’or était en ce temps-là la couleur la plus onéreuse.

Le Printemps. Célébrissime peinture de grand format ; c’est une de ses fameuses mythologies (catégorie de peinture, dont Botticelli est le créateur à la Renaissance). Le thème reste mystérieux bien que des centaines de textes aient été écrits sur ce tableau. Des textes anciens ont sans doute inspiré Botticelli, le De Natura Rerum de Lucrèce ainsi que des vers d’Horace et d’Ovide.

L’artiste a mis le plus grand soin à l’élaboration de ce chef d’œuvre et l’on ne peut qu’être dans l’admiration devant tant de beauté.

1483 – Pallas et le Centaure. Sans doute commanditée par Laurent le Magnifique  pour l’offrir en cadeau de mariage à son neveu, dont il est le tuteur, Laurenzo di Pierfancesco. Ce dernier va épouser une fille de roi, un grand honneur pour la famille Médicis, même si le royaume de Piombino, dans l’île d’Elbe, est minuscule. Pallas attrape le Centaure par les cheveux avec douceur et fermeté pour l’inciter à oublier ses bas instincts.  Sur la robe de la déesse on voit les trois anneaux entrelacés avec une pointe de diamant l’un des emblèmes des Médicis de la branche principale.

1485 – La naissance de Vénus. Un des tableaux les plus reproduits au monde : Venus nue, ayant pour tout ornement ses magnifiques boucles blondes, posée sur sa conque marine, poussée par le souffle de Zéphir et Iris, approche du ravage où l’attend une muse pour la vêtir.

Le gouvernement théocratique de Jerôme Savonarole. Après la mort de Laurent, en 1492, Florence vit des moments difficiles. Les Medicis sont chassés pour avoir mal négocié la paix avec le roi de France qui envahit l’Italie ; les Florentins se tournent vers Savonarole, le prieur du couvent dominicain de San Marco ; ses semons enflammés appelant à la pénitence sont dans un premier temps passionnément suivis par les Florentins qui participent au grand « bûcher des vanités » pensant ainsi conjurer les malheurs qui accablent l’Italie ; mais les Florentins finissent par se lasser de tant de sévérité et lorsque le pape, Alexandre VI Borgia ordonne l’arrestation du moine, très peu sont ceux qui tentent de la protéger. Savonarole est jeté en prison, torturé, pendu et brûlé sur la place de la Seigneurerie ; le frère se Sandro, un fidèle du moine, rédigera une chronique de ces évènements.

Il faut rappeler que 1492 est aussi la date de la prise de Grenade par les rois catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, c’est la fin de la « Reconquista de l’Espagne », la même année Christophe Colomb découvre l’Amérique.

1495 – La calomnie. Tableau exécuté dans ce contexte politique dramatique ; cette peinture se réfère à un tableau du célèbre peintre de l’Antiquité, Appel, emprisonné après avoir été calomnié par un rival. Mais on ignore les conditions de la commande et le nom du commanditaire.

Les années 1500 – La prière au Jardin des Oliviers. Petit tableau très précieux, peint avec un soin extrême, c’est une commande prestigieuse, faite par la reine Isabelle de Castille pour sa chapelle royale de Grenade.

1504 – Dernière information sur BotticelliLa Seigneurie demande aux principaux artistes de la ville de délibérer afin de choisir un emplacement pour le David, sculpture monumentale d’un jeune artiste florentin : Michel Ange. David, symbole des libertés républicaines, est placé sur la place de la Seigneurie.

« Botticelli a laissé à Florence le souvenir d’un artiste attiré par les « idées » et indifférent à la réussite ; cette originalité et cette subtilité doivent venir au premier plan dans le portrait de l’artiste » Chastel.

C’est un artiste sophistiqué, d’une grande affectivité et sans doute un des artistes florentins les plus productifs du XVe siècle.

Par son œuvre, il nous laisse le témoignage d’un homme qui a parcouru toute l’amplitude des aspirations et des inquiétudes de son temps. Il meurt en 1510et est enterré au cimetière des Ognissanti à Florence.

Bibliographie :

« De Laurent le Magnifique à Savonarole » (catalogue de l’exposition)

« Art et Humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique »de André Chastel aux Presses Universitaires de France

« Botticelli, le sacré et le profane » Christian Jamet ed. Herscher