BALTHUS – Peintre figuratif rançais

Thème : ART – PEINTURE                                                                                                                                                      Mardi 14 mai 2013

BALTHUS – Peintre figuratif français

Par Monique BOISARD, Historienne d’art

         « La meilleure façon de commencer est de dire, Balthus est un peintre dont on ne sait rien. Et maintenant, regardons les peintures », telle est la réponse que le peintre adresse à la Tate Gallery, qui, organisant une exposition de ses œuvres, souhaitait également agrémenter le catalogue de quelques éléments biographiques.

« Le Roi des chats »  (titre d’un de ses autoportraits) a toujours su protéger sa vie personnelle, semblant s’entourer d’une aura de mystère, ce qui a sans aucun doute contribué à occulter sa personnalité et son œuvre aux yeux du grand public.

Rare et discret, il l’est dès sa naissance, le 29 février 1908, un anniversaire qui fait aussi partie de la « légende Balthus ». D’ascendance polonaise par son père, Erich Klossowski, historien d’art, peintre et décorateur de théâtre, et russe par sa mère Baladine Klossowska, peintre également, Balthus naît à Paris, où sa famille s’est exilée après avoir vécu en Prusse. De ce fait, lors de la Première Guerre Mondiale, les Klossowsky doivent trouver refuge en Suisse.

Les parents se séparent peu après et Balthus passe son enfance avec son frère Pierre dans la région de Genève, près de leur mère et bientôt de Rainer Maria Rilke. Très tôt, suivant l’exemple de son père et sa mère, Balthus dessine et peint. Il réalise, à 11 ans une suite de dessins à l’encre, racontant l’histoire de son amitié avec son petit chat « Mitsou ». rainer Maria Rilke, émerveillé par les dons de l’enfant, décide d’en faire un livre, écrit une préface, trouve un éditeur.

         Extrait du livre  « Mitsou le chat » (1920)

       

         Durant son adolescence, de retour à Paris, Balthus rencontre les nombreuses relations artistiques de son père et de sa mère: André Gide, Maurice Denis, Pierre Bonnard.

Alors qu’il n’a que seize ans, Paris est pour lui une ville pleine de charme, mais d’une étrangeté, d’une lumière particulière qui confèrent aux habitants de son quartier de St germain des Prés cette aura de mystère qui imprégnera ses premiers tableaux. Il écoute les conseils qu’André Derain et Pierre Bonnard lui prodiguent, il se passionne aussi pour Nicolas Poussin ou Courbet dont il s’exerce à copier les œuvres au Louvre ; comme il l’a fait en Italie devant les fresques de Piero della Francesca et de Masaccio.

         Son « Jardin du Luxembourg » qu’il peint en 1927, où figure des jeux d’enfants, révèle déjà cette étrangeté de la lumière, des couleurs et de l’attitude des personnages à laquelle il s’attache. « Le café de l’Odéon » en 1928 confirme cette vision si particulière de la ville où chacun semble vaquer à ses occupations comme dans un rêve.

 Jardin du Luxembourg (1929)

Huile sur toile

         Balthus, dès ses premières œuvres, affirme son indépendance, il n’appartient à aucune école, ni cubiste ni surréaliste, ce qui n’empêchera pas Picasso d’acheter une de ses œuvres et Giacometti de devenir son ami. Résolument figuratifs, ses tableaux représentent des scènes à la fois intimistes, insolites et érotiques comme « Alice » aujourd’hui dans nos collections nationales, ou, « La leçon de guitare » qui font scandale lors de son exposition de 1934 à la galerie Pierre. Il y révèle un de ses chefs d’œuvre : « La rue » actuellement au Musée d’Art Moderne de New-York.

   Le Passage du commerce   (La rue (1933-1935) )

 Huile sur toile

 

         Dans une rue typique de Paris de l’époque évoluent des personnages aux regards fixes et hypnotiques comme des automates . Un garçon, main sur le cœur avance vers nous, le regard absent, tandis que d’autres s’activent enfermés dans leurs pensées ou dans leurs destins, le décor qui sert de fond à la scène et lui confère une visibilité parfaite, est sublimé par une merveilleuse gamme d’ocres rappelant certaines œuvres de Zurbaran.

Lors qu’éclate la Guerre, Balthus est mobilisé en 1939, puis, libéré en 1940 il s’installe à Champrovent où il exécutera de très beaux paysages. Devant l’avancée des Allemands, il se réfugie à Berne puis à Fribourg. Durant cette période il réalise une de ses toiles les plus tragiques : « le Gotéron ».

En 1937, il a épousé Antoinette, il retourne à Paris et collabore à la création des décors et costumes des grandes réalisations théâtrales de l’époque d’après-guerre.

         « Mais chaque fois qu’une rumeur trop forte, et une publicité trop criarde atteint les lieux de son travail, le mouvement immédiat de Balthus est de fuir » écrit Claude Roy dans le beau livre qu’il lui consacre.

En 1953, il s’installe à la ferme-château de Chassy dans le Morvan ; il travaille beaucoup à des commandes de portraits mais aussi à des paysages et à des peintures de rêve pour lesquels pose son modèle de l’époque, Frédérique. En 1956, une rétrospective est organisée par le Musée d’Art Moderne de New-York qui le salue comme le maître d’un retour attendu à l’expression figurative.

En 1961, Balthus est nommé directeur de l’Académie de France à Rome, à la Villa Médicis, par son ami André Malraux. Il entreprend alors une vaste campagne de restauration du palais et des jardins, tout en les dotant d’équipements modernes. « Maître d’œuvre » passionné, l’artiste participe à toutes les étapes du chantier. Il rajeunit également les règles du concours, l’ouvrant non seulement au peintres, sculpteurs et musiciens mais aussi aux écrivains, aux historiens d’art, aux cinéastes, aux photographes, aux restaurateurs d’œuvres d’art… Il organise dans des salles intelligemment conçues des expositions importantes ; appuyé par Malraux, Balthus redonne vie et éclat à cette académie.

Durant son mandat romain, le peintre épouse Setsuko Ideta, une jeune Japonaise qui sera son modèle pour plusieurs tableaux dont « La chambre Turque » aujourd’hui au Musée National d’Art Moderne de Paris, le centre Georges Pompidou.

 La Chambre Turque

 Non datée (Entre 1963 et 1966)

 Caséine et tempera sur toile

 

En 1977, le peintre achète le grand chalet de la Rossinière, en Suisse, où il vivra et travaillera à ses peintures au coté de son épouse et leur fille Harumi.

La réputation de Balthus va dès lors grandir surtout à partir des grandes expositions de Paris et New-York. Il sera l’un des rares artistes à avoir été exposé au Louvre de son vivant.

Décédé dans son chalet de la Rossinière le 18 février 2001, il laisse près de 350 peintures connues à ce jour, plus d’un millier de dessins, uns cinquantaine de carnet de croquis…

Sais tu, demande Balthus à Fellini, de qui est cette devise ?: « Ce que l’on sait, il faut le savoir l’épée à la main »

Ce n’est pas d’un homme de guerre, mais d’Ingres, qui ajoute : « Ce n’est qu’en combattant qu’on acquiert quelque chose, et, dans le combat

c’est la peine que l’on se donne »

En savoir plus…

Coté livre :

Balthus. Jean Clair et Virginie Monnier,

(Catalogue raisonné de l’œuvre complet) Paris: Gallimard, 1999

Coté Web :

http://www.fondation-balthus.com/