IMAGE DE L’INDE : LE RAJASTHAN

Thème : Art, Géographie, Société, Voyage                                                                                      Conférence du mardi 9 avril 2019

IMAGE DE L’INDE : LE RAJASTHAN

Par Monsieur Abdel HAMMOU, Ingénieur, ancien professeur de l’Université Grenoble-Alpes.

INTRODUCTION

L’Inde, pays immense où vivent 1,3 milliard de personnes montre une multitude de visages, chaque état ayant ses particularités. Le Rajasthan est un territoire de 342 239 km² habité par 70 millions de personnes, situé au nord-ouest du pays à la frontière du Pakistan. C’est l’Etat le plus grand de l’Inde où se trouve le seul désert chaud du pays, le Thar. C’est dans ce désert que se situe la ville de Pushkar où se tient une célèbre foire qui est aussi un lieu de pèlerinage.  En poussant jusqu’à Dehli on peut visiter un temple sikh et enfin en continuant notre route on arrive à Agra pour voir le Taj Mahal, le mausolée de marbre bâti par Shah Jahan pour sa défunte épouse.

I – Quelques généralités sur l’Inde.

L’Inde est la plus grande démocratie du monde. 1,4 milliards de personnes vivent sur un territoire de 3 268 000 km² répartis en 28 états. Si la langue officielle est l’hindi, avec une langue officielle associée, l’anglais, on compte vingt-six langues régionales et une multitude de langues mineures. La monnaie officielle est la roupie qui vaut actuellement 0,08 €. On trouve de nombreuses religions bien que 80% des Indiens soient hindous. On relève 14% de musulmans, 2,3% de chrétiens, 2% de sikhs et moins de 1% de juifs, jaïns et zoroastriens.

Deux grandes épopées, le Mahabharata et le Ramayana sont les références de la mythologie indienne. Le Mahabharata est une épopée sanskrit comportant 81 936 strophes et considéré comme le plus grand poème jamais composé. C’est une saga mythico-historique contant des hauts faits guerriers qui se seraient déroulés environ 2200 ans avant J-C. Le Ramayana quant à lui est plus court est a été composé plus tard, entre le IIIe siècle avant J-C et le IIIe siècle de notre ère.

Les principales divinités de l’hindouisme sont un trio appelé la Trimurti composée de Brahma, Vishnou et Shiva. Avant l’invasion des Aryens qui débute vers 1500 avant J-C et se poursuit sur plusieurs siècles jusqu’en 600, le nombre de dieux du panthéon indien était bien plus important mais au fil du temps, le nombre a diminué pour finir à cette Trimurti. Brahma est le dieu de la création, Vishnou celui de la conservation et Shiva celui de la destruction. Il subsiste de nombreuses petites divinités comme par exemple Ganesh que l’on trouve quasiment dans chaque maison car il porte bonheur.

Brahma est le dieu de la création. Selon la légende, il a quatre têtes car, après avoir engendré sa fille, il la trouve si belle qu’il en tombe amoureux. Ne voulant jamais la perdre du regard, il se fait pousser trois têtes supplémentaires et ainsi pouvoir regarder aux quatre points cardinaux mais aussi une cinquième pour regarder par le dessus. Shiva, le dieu de la destruction, lui coupera cette cinquième tête. Brahma avait une épouse officielle, Sarasvatry et deux maîtresses, Savatri et Gayari. Shiva en punition, décrète qu’il n’y aurait pas de lieu de culte pour Brahma. C’est pourquoi une seule ville honore et prie Brahma, Pushkar. La monture de Brahma est le cygne, sa couleur le rouge et ses attributs sont un pot à bec pour créer la vie, un rosaire, un livre et le lotus.

Autre particularité de l’Inde, le système de castes qui bien qu’il soit officiellement interdit, est toujours présent dans la société indienne. Les castes ont été instaurées par les Aryens et se basent sur le varna c’est-à-dire la couleur de peau. Les Aryens ayant la peau très claire alors que les autochtones, les dravidiens, avaient la peau foncée. Au départ, ceux des castes supérieures étaient des gens à la peau claire. A leur arrivée, les Aryens apportent leur religion, le védisme, qui évoluera vers l’hindouisme. La caste la plus prestigieuse est celle des Brahmanes qui est celle des prêtres et des enseignants. Ensuite on trouve les Kshtriyas qui sont des guerriers et des gouvernants ; en dessous se trouvent les Vaishyas qui sont les marchands, les artisans et les agriculteurs et finalement les Shudras, les serviteurs et les ouvriers. La légende dit que les Brahmanes sortent de la bouche de Brahma, les Kshtriyas de ses bras, les Vaishyas de ses jambes et les Shudras de ses pieds. Chaque partie du corps du dieu donne ainsi sa fonction à la caste. Il y a une dernière catégorie, celle des Dalits, les Intouchables, qui sortent de la terre et qui sont donc sales. Les trois premières castes correspondent aux groupes issus des envahisseurs aryens, la quatrième, aux peuples de la vallée de l’Indus. Quant aux « intouchables » il s’agit des descendants des dravidiens. Jusqu’à une période récente chaque caste restait entre elle et l’appartenance à une caste déterminait le métier de chaque personne. On peut cependant mentionner qu’au cours de la seconde moitié du XXe siècle les mentalités ont changé, ainsi un des rédacteurs de la Constitution était un « intouchable ».

II – La foire de Pushkar.

Pushkar est située au milieu du désert Thar, au bord du lac qui porte le même nom, avec un climat très chaud. Les animaux les plus communs sont les chameaux bien adaptés à ces conditions extrêmes. Une grande foire a lieu à Pushkar mais c’est aussi un lieu de pèlerinage dédié au dieu Brahma. Lors de cette foire, de très nombreux concours se déroulent : élection du plus beau chameau, des plus belles moustaches, du plus beau cheval… Le cheval a une place particulière au Rajasthan car une légende raconte qu’un seigneur, Pratap, a eu la vie sauve grâce à son cheval Chetak qui, lors d’une bataille, bien que blessé, le transporte à l’arrière du front. Une peinture évoque cet épisode et une statue est érigée à l’emplacement de la mort du cheval. La foire de Pushkar est très populaire aussi bien pour les touristes que pour les citadins de toute l’Inde et bien sûr pour les gens de la région qui viennent en nombre. Ces derniers affluent essentiellement pour vénérer Brahma en apportant des offrandes à son temple. Ces offrandes sont confiées aux brahmanes. Les femmes et les hommes forment des files séparées pour accéder au temple. Tous les pèlerins doivent entrer pieds nus dans le temple Par ailleurs, certains Sadhou, des personnes qui pour diverses raisons (veuvage, sortir de sa caste etc.) ont décidé de couper tout lien avec la société, viennent en pèlerinage. Ces ermites vivent d’aumônes et détachés de tout bien matériel. Certains comme les Naga Baba vont jusqu’à vivre nus. Enfin, on trouve des pèlerins qui lisent et étudient en particulier le Bhagavad-Gita, la partie la plus sacrée du Mahabharata, la grande épopée indienne. Pour se purifier, les pèlerins doivent se baigner dans le lac sacré de Pushkar. On y accède par des escaliers et des plates-formes appelés ghats aménagés tout autour du lac. On en dénombre cinquante-deux.

III – Dehli : visite d’un temple sikh.

Le sikhisme est un courant religieux né au XVe siècle. Le sikhisme partage avec l’islam et le christianisme le principe de l’égalité des croyants face à Dieu. Il s’est construit en opposition à l’hindouisme, notamment par le refus de la notion de pur et impur et l’absence de prêtrise basée sur la caste. Le premier gourou sikh, Nanak, proclame qu’il n’y a pas de castes dans l’autre monde et dès le cinquième gourou, se met en place la pratique du repas commun dans les gurdwaras, les temples sikhs, assurant que tous les fidèles, y compris ceux issus de hautes castes, mangent dans la même assiette.

Le sikhisme comporte cinq articles de foi et cinq objets qui ont une valeur spirituelle : le kesh (cheveux longs jamais coupés), le kara (bracelet en fer), le kanga (peigne en bois), le kirpan (poignard) et le kachera (ample caleçon). En Inde on trouve environ vingt millions de sikhs mais des communautés sikh vivent également en Grande-Bretagne (700 000 personnes), aux Etats-Unis (500 000) et au Canada (500 000). En Inde les Sikhs ont voulu créer un Etat indépendant mais ils ont été persécutés par Indira Gandhi. Le livre sacré des Sikhs est le Siri Guru Granth Sahib, que l’on lit pendant l’office durant lequel sont aussi chantés des sortes de psaumes.

La communauté sikh est riche car chaque fidèle donne une partie de son salaire à sa communauté. Ainsi dans chaque gurdwara on peut entrer à tout heure et quel que soit l’âge, le sexe, ou la condition sociale. On peut également manger un repas gratuitement, repas préparé par des bénévoles. Les Sikhs, comme bon nombre d’Indiens, sont végétariens et les repas se composent essentiellement de galettes enduites de ghee, sorte le lait clarifié, et de lentilles.

IV – Le Taj Mahal.

Au XVIe siècle, les Moghols prennent le pouvoir en Inde et créent un empire qui restera en place pendant plus de 300 ans, de 1526 à 1858. On peut distinguer six grands empereurs : Babur, Humayun, Akbar, Jahangir, Shah Jahan et Aurangzeb. L’empereur Akbar est très tolérant en matière de religion et il agrandira l’empire, qui atteindra son apogée en 1687 en couvrant quasiment toute l’Inde actuelle. Mais, c’est Shah Jahan qui fera construire l’un des plus beaux monuments indiens, le Taj Mahal. Shah Jahan épouse une princesse d’origine perse Arjumand Banu Begam dont il est éperdument amoureux. Elle meurt en juin 1631 en donnant naissance à son quatorzième enfant. L’empereur décide de lui faire construire un mausolée. Pour cela il fait appel à un architecte d’origine perse, né à Lahore, au Pakistan actuel, et afin d’être sûr qu’il travaille pour lui, Shah Jahan fait assassiner en secret sa fiancée.

La construction commence en 1631 et s’achèvera dans sa plus grande partie en 1648 bien qu’officiellement son achèvement date de 1653. Le chantier étant colossal, il aura fallu vingt mille ouvriers essentiellement indiens mais aussi européens et quelques mille éléphants pour le transport des matériaux.

Pour la visite, on entre par une gigantesque porte en grès rose comportant des versets du coran. On a ainsi accès au jardin qui est parcouru par quatre canaux en croix, créant quatre parties égales. A l’origine, les jardins étaient plantés d’arbres fruitiers et de fleurs qui évoquaient le jardin d’Eden mais le vice-roi britannique Lord Curzon a remplacé ce jardin par des pelouses typiquement britanniques.

Les enceintes ouest, sud et est comportent en guise de porte un pavillon monumental en grès rouge. Leur disposition symétrique reprend celle traditionnelle des mosquées persanes avec leur cour à quatre iwans.

Le monument est construit en utilisant des matériaux provenant de diverses régions d’Inde et d’Asie. Le marbre blanc est extrait du Rajasthan, le jaspe du Penjab, la turquoise et la malachite du Tibet, le lapis-lazuli du Sri Lanka, le corail de la Mer Rouge, la coraline et l’onyx de Perse, le grenat du Gange et le cristal de roche de l’Himalaya. En tout vingt-huit types de pierres fines ou ornementales polychromes ont été utilisés pour composer la marqueterie de pierre incrustée dans le marbre blanc.

Le plan octogonal du mausolée est typique du palais iranien Hacht Behecht. L’œuvre comporte également quatre tours, et non des minarets car le Taj Mahal n’est pas une mosquée, mesurant 42m chacune. Elles sont positionnées à chaque coin et penchées vers l’extérieur de manière à ce qu’en cas de séisme, elles ne tombent pas sur le mausolée mais à l’extérieur.

La chambre funéraire centrale est elle aussi une pièce octogonale contenant les deux cénotaphes en marbre translucide. La crypte souterraine abrite les corps, enveloppés d’un linceul, du couple qui sont orientés vers le Nord et couchés sur leurs côté droit, tournés ainsi vers La Mecque. Les deux cénotaphes sont le seul élément non symétrique du Taj Mahal où la symétrie est omniprésente car synonyme de paix et d’harmonie. Le cénotaphe de l’empereur est surélevé et plus grand que celui de son épouse.

Shah Jahan avait quatre fils et il destinait son trône à son fils aîné mais c’est un autre fils qui prendra le pouvoir et fera enfermer son père dans le fort d’Agra, non loin du Taj Mahal. La seule requête de Shah Jahan fut que de sa fenêtre il puisse voir le mausolée de sa femme bien-aimée. A sa mort, il rejoindra son épouse dans son mausolée car il n’aura pas eu la possibilité de se faire construire le sien de l’autre côté de la rivière Yamuna, en face de celui de sa femme, conformément à son projet.

Le Taj Mahal reçoit chaque année la visite d’environ sept millions de touristes qui doivent porter des patins de protection pour ne pas rayer le marbre. Il a été classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1983.

CONCLUSION

Notre périple à travers le Rajasthan nous a permis d’observer la diversité culturelle de ce grand état où cohabitent diverses communautés. Les envahisseurs successifs ont laissé leurs croyances et cultures dans la société indienne. Ainsi les aryens ont introduit le système des castes et les moghols ont favorisé l’essor de l’islam qui apparaît clairement dans l’architecture du Taj Mahal ou dans la naissance de mouvements religieux dissidents de l’hindouisme comme le sikhisme par exemple.

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